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Le PJD dénonce une «dérive structurelle» dans le chantier de la couverture sanitaire universelle et réduit le bilan d'Aziz Akhannouch à un constat d'échec
Le groupe parlementaire du Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste, opposition) a livré, vendredi 4 juillet à Rabat, une critique frontale de la politique de généralisation de la couverture sanitaire et de la protection sociale, accusant le gouvernement de manquements répétés, de promesses non tenues et d'une gestion qualifiée de «déraisonnable et inégalitaire.» Des fondations constitutionnelles bafouées Dans un exposé exhaustif présenté par Abdellah Bouanou, président du groupe PJD à la Chambre des représentants, le parti rappelle les engagements solennels pris par l'Etat, à commencer par les discours du roi Mohammed VI, les dispositions explicites de la Constitution de 2011 — notamment l'article 31 — et les objectifs énoncés dans le programme gouvernemental 2021-2026. Celui-ci promettait notamment : l'achèvement des centres hospitaliers universitaires d'Agadir et de Tanger, la création d'un nouveau centre à Rabat, une ambulance équipée par région, l'institution du médecin de famille pour 400 foyers, des examens prénatals gratuits et obligatoires, une carte de santé électronique universelle d'ici 2024 ainsi qu'un réaménagement territorial des réseaux hospitaliers. Or, selon le M. Bouanou, ces engagements ne sont pas honorés, en particulier dans le domaine du suivi parlementaire. Le chef du gouvernement n'a participé qu'à 18 % des séances mensuelles au Conseil des conseillers et 28 % à la Chambre des représentants, malgré l'obligation constitutionnelle. Le thème de la séance du 7 juillet 2025 — santé, justice sociale et dignité — a été traité à six reprises par l'exécutif, mais sans qu'aucune des demandes du PJD ne soit retenue par le bureau de la Chambre. La Cour constitutionnelle, par la décision n°209/23 du 1er mars 2023, a pourtant statué sur le caractère inconstitutionnel de ce blocage. Hôpitaux désertés, cartes sanitaires distordues Le taux d'occupation des lits hospitaliers publics (TOM) a chuté de 67 % à moins de 50 % entre 2019 et 2023. Dans la région de Guelmim-Oued Noun, le taux de fréquentation hospitalière plafonne à 27 %. Le délai moyen d'admission dans un établissement public s'élève à trois jours, contre deux auparavant. Le développement hospitalier reste inégal, et l'exode des patients vers les centres privés se généralise. Le Maroc ne dispose que de 1,8 professionnel de santé pour 1 000 habitants, soit moins de la moitié du seuil de 4,45 recommandé. Le déficit est tel que le pays compte 7,9 médecins pour 10 000 habitants, là où l'Organisation mondiale de la santé (OMS) fixe le minimum à 10. La densité paramédicale est tout aussi alarmante : un seul professionnel pour 969 habitants, très loin des standards de l'OMS (300 à 500). Un régime obligatoire disloqué et inégalitaire Le rapport fustige l'absence de vision intégrée entre les structures publiques et privées. Cinq régions concentrent 79 % des cliniques privées et 64 % des établissements hospitaliers publics. L'adhésion au régime d'assurance maladie obligatoire (AMO) demeure faible : 52 % des personnes non affiliées refusent de s'y inscrire, et seuls 8 % des assurés disposent d'une couverture complémentaire. Le PJD évoque un système fragmenté, lourd, non incitatif, et marqué par une absence totale de programmation. Dépenses écrasantes, arbitrages douteux Le budget de la santé ne dépasse pas 2 % du produit intérieur brut ni 7,5 % du budget général, alors que l'OMS recommande 10 %. En 2021, 19 milliards de dirhams ont été alloués de manière exceptionnelle à la lutte contre la Covid-19, hors cadre budgétaire récurrent. Or, 60 % des dépenses de santé sont supportées directement par les ménages, selon les données du Haut-Commissariat au plan (HCP). Par ailleurs, les médicaments représentent 32,4 % des dépenses publiques, avec des prix trois à quatre fois supérieurs à ceux pratiqués dans les pays limitrophes. Cette charge financière renforce la précarisation des soins et pousse de nombreuses familles à renoncer aux traitements. Des marchés publics sous suspicion Le rapport évoque l'annulation hors cadre légal de deux marchés publics (gardiennage et propreté) par le ministre de la santé, au mépris du principe de continuité du service. Sont également pointés des contrats opaques conclus pour les CHU de Tanger (2,33 milliards de dirhams) et de Tétouan (2,5 milliards) sans appel d'offres ni mise en concurrence. Le cas du CHU Ibn Sina de Rabat cristallise les critiques : un marché de 6,1 milliards de dirhams a été attribué à un laboratoire privé dans des conditions jugées «extravagantes» par les députés du PJD. Ces opérations, conclues sous le prétexte de l'état d'urgence sanitaire, sont, selon les auteurs du rapport, étrangères aux besoins réels de prévention et de traitement. Fusion institutionnelle et lois enterrées La fusion entre la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS) n'a produit aucun effet bénéfique. Le groupe PJD déplore que treize projets de loi, déposés pour structurer le secteur (dont un code de la couverture sanitaire de base et une loi instituant l'Agence marocaine du sang), aient été purement écartés du débat législatif. Un chantier social étouffé par son coût La généralisation de la couverture sociale bute sur une équation financière intenable. Le gouvernement devait mobiliser 51 milliards de dirhams par an. Or, l'insuffisance des recettes, la complexité des mécanismes d'affiliation et la montée des dépenses compromettent tout l'édifice. Le rapport propose plusieurs mesures : une contribution fiscale sur les bénéfices d'entreprise (1 milliard), des recettes d'insertion (quinze milliards), et une réforme du Fonds de compensation générant progressivement trois milliards en 2024, huit milliards en 2025, douze milliards en 2026. Retraite, chômage, personnes âgées : des promesses vides La généralisation des retraites aux indépendants reste inaboutie. L'assurance chômage devait s'étendre à tout salarié en emploi stable, mais les conditions d'éligibilité n'ont pas été simplifiées. Quant aux personnes âgées, la promesse d'une allocation annuelle de 1 000 dirhams à partir de 65 ans, annoncée pour 2026, reste sans effet. Enfin, le rapport souligne que 8,5 millions de Marocains demeurent exclus de toute couverture sanitaire. Et 9,2 millions, soit 15 % de la population, ne bénéficient d'aucune protection sociale.