Le Maroc et l'Inde, portés par une convergence d'intérêts géopolitiques et une vision commune du développement, entendent établir des partenariats tripartites structurants avec les Etats africains, fondés sur la réciprocité, la fiabilité et l'ambition partagée d'un essor endogène du continent. Tel est le message articulé par l'ambassadeur du Maroc à New Delhi, Mohamed Maliki, jeudi soir, lors d'un échange de haut niveau organisé par le Club des correspondants étrangers d'Asie du Sud (FCC), en présence de diplomates, d'analystes stratégiques et de représentants du monde économique. Triptyque stratégique : transfert de savoirs, infrastructures et énergie S'exprimant devant un auditoire averti, M. Maliki a souligné que «l'Afrique doit demeurer au centre de son propre destin, mais elle a besoin, pour y parvenir, de partenaires constants et crédibles, tels que le Maroc et l'Inde». Appelant à un approfondissement de la coopération trilatérale, il a cité parmi les domaines à fort potentiel le transfert technologique, les investissements productifs et les financements d'infrastructures structurantes. L'ambassadeur a mis en avant l'expertise marocaine dans le domaine énergétique, rappelant que «le Maroc fut l'un des premiers Etats africains à s'engager massivement dans le développement des énergies renouvelables, au point de devenir aujourd'hui une référence incontestée au sein du continent et au-delà». Evoquant le gazoduc ouest-africain de plus de 5 600 kilomètres destiné à relier le Nigéria à l'Europe via le Maroc, il a salué ce projet comme «un vecteur d'intégration continentale d'envergure auquel l'Inde pourrait apporter une contribution précieuse, à la fois technologique et financière», ce pipeline devant desservir plus de 400 millions de personnes sur son tracé. Défense, cybersécurité, industrie : des rapprochements devenus structurels Revenant sur l'évolution de la relation bilatérale, M. Maliki a souligné la consolidation du dialogue stratégique entre Rabat et New Delhi, notamment dans les domaines de la défense, de la lutte contre le terrorisme et de la cybersécurité. «Il s'agit là de coopérations sérieuses, ordonnées et mutuellement fécondes», a-t-il déclaré. Il a notamment cité la mise en œuvre prochaine du projet industriel porté par Tata Advanced Systems, première unité indienne de production de matériel de défense implantée hors d'Inde, dédiée à l'assemblage du véhicule blindé TATA WhAP 8×8. «Pour le Maroc, il s'agit d'un projet qui viendra étoffer le tissu industriel de défense et approfondir les compétences techniques ; pour l'Inde, c'est une passerelle stratégique vers l'Afrique, l'Europe et l'Amérique latine», a précisé M. Maliki. Essor des échanges et vitalité humaine : une relation aux multiples ancrages Le diplomate a rappelé que cette dynamique fut enclenchée à l'occasion de la visite du roi Mohammed VI à New Delhi en 2015, laquelle permit de doter la relation d'un cadre stratégique pérenne. Les échanges commerciaux bilatéraux sont passés de 1,2 milliard de dollars à 4,2 milliards entre 2015 et 2023, tandis que le nombre d'entreprises indiennes établies au Maroc a bondi de 13 à 46, plus de 200 autres opérant à travers des partenariats industriels ou logistiques. Enfin, M. Maliki a tenu à rappeler que «les liens entre le Maroc et l'Inde ne se réduisent nullement aux flux économiques ; la circulation humaine et culturelle demeure une composante essentielle de ce partenariat d'exception». À cet égard, il s'est félicité de l'essor du tourisme indien vers le royaume, facilité par une politique de visas assouplie : plus de 40 000 visiteurs indiens se sont rendus au Maroc en 2024, soit une progression de 43 % en une seule année. Placée sous le thème «Créer des passerelles et connecter les continents», la rencontre du FCC a permis de souligner la profondeur stratégique des alliances Sud-Sud, dans un monde soumis à de profondes reconfigurations des équilibres géopolitiques et économiques.