Le secteur pharmaceutique marocain s'apprête à connaître une transformation de grande ampleur, le ministère de la santé et de la protection sociale dévoilant une nouvelle version du décret sur la fixation des prix des médicaments, un texte majeur qui risque de diviser les différents intervenants lors de cette rentrée politique, marquée par des fractures au sein de la majorité. Le ministre de la santé et de la protection sociale, Amin Tahraoui, a affirmé que «le projet modifie en profondeur le décret n° 2-13-852 de 2013, en introduisant des révisions plus fréquentes des prix, un mécanisme d'indexation pour les génériques, des ajustements des marges des fabricants et un plafonnement du nombre de génériques par produit de référence.» Il a précisé que «les syndicats et les associations de pharmaciens ont déjà été informés et que le texte sera prochainement soumis à l'examen du conseil de gouvernement.» Les génériques au centre de la réforme Le nouveau dispositif met particulièrement en avant les médicaments génériques. Le ministère a indiqué que «le marché national est désormais dominé par les génériques dont la demande croît en raison de leur prix accessible.» Selon la base de données internationale POLI, «ces produits représentent près de la moitié du marché intérieur, tout en coexistant avec un segment important de médicaments innovants.» Pour limiter ce que les autorités qualifient de «concurrence inutile», le texte introduit pour la première fois un plafonnement du nombre de génériques par produit d'origine, fixé à cinq. Elles expliquent que «cette mesure doit encourager la production locale, les fabricants nationaux de génériques pouvant se voir accorder la priorité lorsque plusieurs dossiers d'autorisation sont déposés pour un même médicament de référence.» Toutefois, certaines voix estiment que «un tel plafond risque de réduire la concurrence sur les prix et de restreindre l'accès à des traitements abordables.» Le décret révisé établit aussi un nouveau mode de calcul : «les génériques devront être commercialisés à un tarif inférieur d'au moins 30 % à celui du médicament d'origine pour le premier générique, introduisant ainsi une règle d'indexation.» Cette mesure concernera notamment les catégories T3 et T4, qui regroupent les médicaments onéreux destinés aux pathologies chroniques, comme le cancer ou l'hépatite. Par ailleurs, le ministère prévoit de «ramener à trois ans la fréquence de révision des prix contre cinq actuellement, selon la réglementation internationale de référence.» Effets attendus sur le marché et contestations Dans un marché sensible aux prix, le gouvernement a récemment estimé que «cette réforme améliorera l'accès des patients aux génériques essentiels, en particulier pour les maladies chroniques.» Toutefois, il reconnaît que «l'obligation de réduction de 30 % affectera les marges des industriels, aussi bien des producteurs de génériques que des laboratoires innovants, et pourrait dissuader certaines entrées sur le marché ou entraîner des pénuries.» Selon les données de la base POLI, «la tendance générale depuis 2021 est à la baisse des prix, une chute accentuée en 2024 par d'importantes révisions concernant les médicaments princeps, biosimilaires et génériques.» En 2025, l'évolution moyenne devrait rester marquée, le gouvernement annonçant «une diminution des prix de plus de 8 656 génériques, générant des économies annuelles de 1,69 milliard de dirhams pour les régimes d'assurance maladie et de 509 millions de dirhams pour les patients.» Malgré ces annonces, des oppositions se font entendre. Les pharmaciens relèvent que «les prix des médicaments commercialisés au Maroc demeurent supérieurs à ceux pratiqués dans les pays voisins de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord.» Des comparaisons établies à partir de la base POLI montrent par exemple que «le traitement Herceptin (trastuzumab) de la société Roche coûte 4 261 dirhams au Maroc, contre l'équivalent de 161 dollars en Egypte.» Les syndicats pharmaceutiques dénoncent pour leur part que «le nouveau cadre menace l'équilibre économique des officines et compromet la sécurité nationale du médicament.» Ils reprochent au gouvernement de «ne pas avoir ajusté les marges des pharmaciens dans la même mesure que celles des fabricants.» Malgré ces contestations, l'exécutif n'envisage pas de modifications substantielles supplémentaires, et «il ne reste plus que l'approbation du conseil de gouvernement pour entériner le décret.»