Les chiffres ne collent pas. Et cette fois, les parlementaires du Parti du Progrès et du Socialisme (PPS) ont décidé de tirer la sonnette d'alarme. Dans une question écrite adressée au ministre de l'Agriculture Ahmed EL Bouari, ils pointent du doigt des « écarts considérables » entre deux recensements successifs du cheptel national marocain. L'affaire révèle des contradictions troublantes : alors que le ministère annonce aujourd'hui un cheptel de 32,8 millions de têtes, le précédent décompte faisait état d'une chute dramatique de 30% du nombre de bovins et de dromadaires. Comment expliquer un tel retournement de situation en si peu de temps ? Pour les élus du PPS, la réponse ne se trouve pas dans les capacités de reproduction naturelle des animaux. Ils soupçonnent plutôt des dysfonctionnements majeurs dans le système de comptage, voire des manipulations délibérées. Leur cible : l'association qui était jusqu'alors chargée par le ministère de mener ces recensements et de gérer la distribution des aides aux éleveurs. Cette polémique éclate dans un secteur déjà en crise. L'élevage marocain, fragilisé par des années de sécheresse et la flambée des prix des aliments pour bétail, peine à se redresser malgré les mesures gouvernementales. Conscient des difficultés, l'exécutif vient justement de dévoiler un programme de soutien articulé autour de cinq priorités : rééchelonnement des dettes des éleveurs, subventions pour l'alimentation animale, identification des femelles reproductrices, campagnes de vaccination et amélioration génétique des troupeaux. Mais le PPS ne s'en contente pas. Les parlementaires exigent une refonte complète du système d'attribution des aides, accusant l'ancien dispositif de favoriser systématiquement les gros exploitants au détriment des petits éleveurs. « Il faut établir de nouveaux critères transparents », martèlent-ils, réclamant l'exclusion des « bénéficiaires indus » et une redistribution équitable des soutiens publics. L'interpellation du PPS dépasse la simple querelle de chiffres. Elle pose la question cruciale de la gouvernance dans un secteur qui emploie des centaines de milliers de Marocains, particulièrement en milieu rural. Dans un contexte où la sécheresse persistante et la hausse des coûts de production mettent à genoux de nombreux éleveurs, la fiabilité des statistiques et l'équité dans la distribution des aides deviennent des enjeux politiques de premier plan.