Les équilibres de la coalition gouvernementale marocaine vacillent sous le poids d'un désaccord inattendu autour du projet de loi de finances 2026. Le Parti de l'Istiqlal, allié clé du Rassemblement national des indépendants (RNI) d'Aziz Akhannouch, a publié un document de son association d'économistes qui met en cause les choix budgétaires de l'exécutif, transformant un débat technique en véritable fracture politique. Le malaise couvait depuis plusieurs semaines, attisé par la gestion de la crise des motos saisies, dans laquelle le chef du gouvernement s'est personnellement impliqué. Le RNI avait revendiqué la résolution du problème comme une victoire politique, suscitant des critiques sur une violation de la charte majoritaire qui impose une prise de décision collective. Certains observateurs estiment que ce précédent a ouvert la voie à une logique concurrentielle au sein même de la coalition. L'Istiqlal, partenaire traditionnellement attaché à la discipline gouvernementale, a choisi de répliquer par la voie d'un mémorandum économique détaillé. Ce choix traduit, selon des analystes, une volonté de s'extraire de la spirale de confrontation directe tout en marquant une différence politique nette. Le document présenté par les économistes istiqlaliens repose sur huit priorités stratégiques. Elles vont du renforcement de l'Etat social à la protection du pouvoir d'achat, en passant par la souveraineté nationale dans les secteurs vitaux (santé, alimentation, eau, énergie, industrie). Le texte insiste également sur le développement ciblé des zones rurales et semi-urbaines dans le cadre de la régionalisation avancée. Lire aussi : PLF 2026 : les économistes istiqlaliens déclinent leur feuille de route En présentant cette feuille de route, l'Istiqlal s'expose à une critique récurrente : comment un parti membre de la majorité peut-il contester publiquement un projet de loi de finances qu'il est censé soutenir ? Plusieurs analystes y voient une stratégie de repositionnement à moyen terme, à la fois pour préserver son image auprès de l'opinion et pour se préparer à la compétition électorale. La publication de ce texte fragilise aussi la position d'Aziz Akhannouch et de son ministre de l'Economie, contraints de négocier avec un partenaire devenu plus exigeant. Si ce débat reflète une maturité politique en apparence, il révèle aussi une tension latente : la coalition, conçue pour la stabilité, devient l'arène d'une rivalité croissante entre ses composantes. Pour certains observateurs, la démarche de l'Istiqlal équivaut à une entrée précoce en campagne électorale, sous couvert d'une réflexion programmatique. D'autres estiment qu'il s'agit plutôt d'un rappel des fondamentaux : le parti veut démontrer qu'il demeure porteur d'une vision sociale et souverainiste distincte, même au prix d'un malaise interne. Ce jeu d'équilibre illustre la fragilité des alliances partisanes au Maroc, souvent bâties sur des compromis plus tactiques qu'idéologiques. Si l'épisode du budget 2026 s'apparente à un simple bras de fer, il pourrait annoncer une recomposition plus profonde des rapports de force au sein de la majorité.