Le Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), réuni sous la présidence d'Amina Bouayach, a rendu publiques des conclusions et recommandations préliminaires relatives aux manifestations survenues ces derniers jours dans plusieurs villes. Le Conseil affirme avoir déployé des dispositifs d'observation et de suivi sur le terrain, tout en appelant à une lecture fondée sur les droits humains du droit de rassemblement pacifique. Observation et suivi à plusieurs niveaux Le CNDH a indiqué avoir, dès les premiers appels à la protestation, constitué des équipes d'observation et d'intervention préventive à trois échelles distinctes: «Régionale, par l'action de ses commissions dans les douze régions, nationale, et dans l'espace numérique, tout en maintenant une communication directe avec les autorités locales et les jeunes présents sur les lieux de rassemblement.» L'institution a souligné que «l'espace numérique constitue aujourd'hui un champ des libertés où émergent de nouvelles valeurs d'adhésion des jeunes, de participation et d'expression pacifique autour de revendications fondamentales et légitimes.» Elle a rappelé que «les protestations ont débuté dans un climat pacifique, elles ont été par la suite émaillées d'actes violents, incluant des interventions inappropriées et d'autres formes de violence graves, allant des jets de pierres aux pillages, des incendies de voitures à la destruction de biens publics et privés.» Le Conseil insiste sur le fait qu'il est «nécessaire de garantir le droit de rassemblement pacifique comme l'un des acquis du processus démocratique et des droits de l'Homme au Maroc,» soulignant la responsabilité partagée «entre organisateurs des manifestations et autorités publiques dans la préservation de l'ordre public, tout en assurant l'exercice du droit d'expression.» Il ajoute qu'il importe «de privilégier une interprétation des droits fondée sur l'approche des droits humains, sans considération excessive de l'autorisation ou de la notification, mais en l'associant à la garantie du caractère pacifique des rassemblements et des manifestations, en tenant compte des formes d'expression numérique propres à ce contexte.» Prévention de la violence et protection des droits Le CNDH a plaidé pour «la protection des citoyens et la garantie de leurs droits à manifester pacifiquement, tout en assurant une protection contre toute forme de violence susceptible de porter atteinte à l'intégrité physique, qu'il s'agisse des manifestants ou des forces de l'ordre.» Dans son suivi de l'espace numérique, le Conseil a identifié «de nombreuses expressions numériques de désinformation et des appels explicites à la violence, incluant des incitations à incendier des institutions, à attaquer des bâtiments gouvernementaux ou à viser les lieux de résidence de responsables, voire des menaces de liquidations physiques.» Il a également constaté «des atteintes flagrantes à la dignité de citoyennes et de citoyens ne souhaitant pas participer aux manifestations, notamment des femmes, ou appelant au rejet de la violence et à la préservation du caractère pacifique des rassemblements.» Plusieurs de ces comptes «sont récents, fermés ou dépourvus de contenu et d'abonnés, tandis qu'une partie importante présente des origines étrangères.» Sur la base de ses observations, le Conseil a rappelé que «le droit à la liberté d'expression est un droit universel et constitutionnel, norme fondamentale qui conditionne l'exercice d'un ensemble d'autres droits de l'Homme, sans qu'il soit porté atteinte aux droits d'autrui, à la sécurité nationale, à l'ordre public, à la santé publique ou aux bonnes mœurs.» Il a souligné que «le droit de rassemblement pacifique, qu'il prenne la forme de manifestations, protestations ou sit-in, est garanti par la Constitution marocaine et fait partie des fondements de la participation, de la démocratie, des droits de l'Homme, de la primauté de la loi et du pluralisme.» Le CNDH a ajouté que «le rassemblement pacifique, tel que consacré par les mécanismes internationaux des droits de l'Homme, est contraire aux rassemblements à caractère violent et d'ampleur, et qu'il est strictement interdit d'exercer ce droit en usant de la violence.» Le Conseil a poursuivi, dans la soirée du 1er octobre, son suivi à l'échelle nationale, régionale et numérique, constatant «des manifestations pacifiques dans plusieurs villes, dont certaines ont connu la présence d'un grand nombre de mineurs, notamment à Salé, Errachidia, Dakhla, Taroudant (Leqliaa) et Rabat.» Certaines de ces manifestations «ont été émaillées de formes de violence graves.» Le CNDH a exprimé son profond regret face au décès de trois personnes à Leqliaa, dans la préfecture d'Inezgane-Aït Melloul, «ainsi que devant les blessés enregistrés parmi les manifestants et les forces de l'ordre tout au long des jours de protestation.» Le Conseil prend note du communiqué publié sur les circonstances ayant conduit à ces décès par balles. L'institution s'est félicitée «de la libération d'un grand nombre de protestataires, tout en condamnant la tentative de prise d'assaut et d'incendie du centre de la Gendarmerie royale de Leqliaa, alors même que des familles résident au premier étage de l'édifice.» Elle insiste sur «la nécessité d'ouvrir une enquête sur les cas d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique,» affirmant qu'elle poursuivra «ses opérations de suivi et ses interventions sur le terrain, ainsi que l'observation des procès.» Enfin, tout en présentant ses condoléances aux familles des trois personnes décédées, le CNDH et ses Commissions régionales affirment rester «ouverts à toutes les formes d'expression et de dialogue en vue de garantir l'exercice effectif des droits et libertés pour l'ensemble des citoyennes et des citoyens.»