Maroc Telecom et Wana engagent une réorganisation majeure de leurs infrastructures en créant deux sociétés communes, FiberCo et TowerCo, dédiées respectivement au déploiement de la fibre passive et aux sites radio. L'ANRT, qui a validé cette évolution, confirme ainsi une nouvelle étape de structuration du marché télécom marocain. La décision publiée par l'ANRT dans le Bulletin officiel marque une nouvelle évolution dans la structuration du secteur télécom. En autorisant Maroc Telecom et Wana Corporate à créer deux sociétés communes – FiberCo et TowerCo – l'Agence valide une opération stratégique qui réorganise profondément le marché des infrastructures. Pour les opérateurs télécoms, mais aussi pour l'écosystème des entreprises et de l'investissement, cette décision ouvre une nouvelle étape où la mutualisation, la neutralité et l'efficacité deviennent des leviers centraux. Deux entreprises d'infrastructures dotées d'un modèle industriel clair FiberCo sera chargée du déploiement et de la gestion des infrastructures passives de fibre optique jusqu'à l'abonné (FTTH). TowerCo aura pour mission la construction, la rénovation et l'exploitation des sites radio et structures passives permettant l'accueil des équipements mobiles. Ces deux sociétés disposeront d'une gouvernance indépendante, d'équipes dédiées et de plans d'investissement propres, avec trois milliards de dirhams pour FiberCo et 1,4 milliard pour TowerCo, financés en plusieurs phases par les entreprises mères. Cette séparation structurelle, indépendante des opérateurs existants, constitue un élément central du raisonnement économique validé par l'ANRT. Elle crée des entités spécialisées, orientées vers l'optimisation industrielle et capables de déployer massivement des infrastructures mutualisées tout en garantissant une neutralité indispensable à un marché concurrentiel. Un tournant pour les opérateurs télécoms Pour Maroc Telecom et Wana, l'enjeu dépasse la rationalisation d'actifs. Les deux groupes s'engagent dans un modèle industriel déjà éprouvé à l'international, avec une séparation entre infrastructures passives et services commerciaux. Cette configuration permet de libérer des capacités de financement, en externalisant une partie des investissements lourds tout en améliorant l'efficacité opérationnelle grâce à des entités focalisées sur le déploiement et la maintenance. Il est aussi question de réduire les coûts structurels, grâce à la mutualisation entre plusieurs acteurs, et d'accélérer l'extension du FTTH ainsi que l'amélioration de la couverture mobile. Pour les opérateurs concurrents, notamment Orange Maroc, l'arrivée de FiberCo et TowerCo ouvre l'accès à des infrastructures supplémentaires dans un cadre transparent, non discriminatoire et régulé. L'ANRT insiste sur ce point : les deux sociétés communes ne peuvent accorder aucun avantage préférentiel à leurs sociétés mères et doivent traiter l'ensemble des opérateurs selon les mêmes règles techniques et tarifaires. Un cadre juridique strict pour encadrer la neutralité La décision de l'ANRT s'appuie sur les dispositions de la loi 24-96, particulièrement l'article 22 bis qui impose aux opérateurs l'obligation de partager leurs infrastructures passives – génie civil, conduites, points hauts, réseaux fibre non activés, sites radio. Le régulateur souligne que FiberCo et TowerCo ne pourront accéder aux systèmes d'information de leurs sociétés mères ni intervenir sur le marché de détail. Elles ne devront pas non plus publier des offres de référence techniques et tarifaires préalablement validées par l'ANRT, tout en étant soumises à des obligations strictes de séparation fonctionnelle et de protection des informations sensibles. Cet ensemble de garde-fous, qui constitue la base du contrôle concurrentiel, vise à prévenir toute forme de coordination, d'éviction ou d'abus de position dominante. Un potentiel de transformation pour le marché FTTH et mobile Le marché du FTTH reste encore en développement au Maroc. L'accès passif aux fibres jusqu'à l'abonné est limité, en raison des architectures point-à-multipoint majoritairement déployées jusqu'ici. L'arrivée de FiberCo devrait changer la donne en proposant un modèle d'accès plus ouvert, permettant aux opérateurs d'installer leurs propres équipements actifs pour se différencier sur la qualité de service, l'innovation commerciale et les fonctionnalités. Côté mobile, TowerCo intervient dans un secteur où les sites radio font déjà l'objet de partages bilatéraux. Mais la présence d'un acteur neutre, spécialisé et détaché des opérateurs commerciaux, peut améliorer la rapidité de déploiement, réduire les coûts et rationaliser l'implantation des stations. L'ANRT souligne que ces structures n'induisent aucun risque vertical, car TowerCo ne peut ni opérer ni intervenir sur les marchés de détail. Une décision qui s'inscrit dans la modernisation structurelle du secteur Avec cette autorisation, l'ANRT confirme une orientation stratégique visant à renforcer la mutualisation des infrastructures tout en préservant un cadre concurrentiel sain. L'Agence annonce un suivi renforcé des activités de FiberCo et TowerCo au cours des prochaines années, afin de prévenir tout abus éventuel et de garantir une mise en œuvre conforme à l'esprit de la régulation. Au-delà des aspects techniques, cette décision marque l'entrée du secteur télécom dans une logique industrielle plus proche des standards internationaux. Elle ouvre la voie à une optimisation des investissements, une accélération des déploiements, une amélioration de la qualité de service et une dynamique plus favorable à l'innovation. Pour les entreprises du secteur, mais aussi pour l'écosystème numérique, l'arrivée de FiberCo et TowerCo constitue une nouvelle étape dans la modernisation du marché, porteuse d'enjeux économiques, concurrentiels et stratégiques majeurs. Sanae Raqui / Les Inspirations ECO