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L'économie mondiale progresse grâce à l'essor de l'intelligence artificielle et vacille sous le poids des tensions commerciales, selon le Policy Center for the New South
La croissance mondiale est attendue à 3,2 % en 2025 (OCDE), contre 2,9 % initialement. Les Etats-Unis affichent 3,8 % de croissance au deuxième trimestre, mais seulement 1,65 % en moyenne semestrielle. La Chine se stabilise à 4,9 % en 2025, l'Union européenne plafonne à 1,2 %, et le chômage reste historiquement bas dans la zone euro. Les droits de douane américains atteignent 19,5 %, un record depuis 1933, tandis que les investissements liés à l'intelligence artificielle expliquent 92 % de la croissance américaine au premier semestre. Dans une note d'analyse publiée en octobre par le Policy Center for the New South (PCNS) et référencée sous le numéro Policy Brief n° 47/25, l'économiste brésilien Otaviano Canuto propose une vaste évaluation de la situation économique internationale. L'étude, traduite en français sous le titre «L'économie mondiale avance sur deux voies contraires», décrit un monde partagé entre promesses de croissance portées par l'essor de l'intelligence artificielle et fragilités persistantes liées aux tensions commerciales, à l'emploi et aux déséquilibres financiers. L'auteur relève d'emblée que «l'économie mondiale a fait preuve d'une résilience plus forte que prévu, l'essor lié à l'intelligence artificielle semblant compenser les effets négatifs des conflits commerciaux». Croissance mondiale et projections nationales Le rapport s'appuie sur la dernière édition des Perspectives économiques intermédiaires de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), datée de septembre 2025. Selon ces prévisions, «la croissance mondiale s'est révélée plus vigoureuse que ce qui avait été anticipé». L'OCDE a ainsi relevé son estimation de 2,9 % à 3,2 % pour 2025, maintenant inchangée celle de 2,9 % pour 2026. Les chiffres nationaux témoignent de cette résistance : aux Etats-Unis, la prévision a été relevée à 1,8 % pour 2025 (1,5 % attendu pour 2026). La zone euro bénéficie d'une révision à la hausse pour 2025 (1,2 %), avant un léger tassement à 1 % l'année suivante. Le Brésil et l'Inde voient également leurs perspectives ajustées positivement, tandis que la Chine devrait atteindre 4,9 % de croissance en 2025 puis 4,4 % en 2026. L'OCDE explique cette résistance mondiale par trois facteurs principaux. Elle observe que «le commerce et la production industrielle ont profité de l'anticipation des hausses tarifaires» par les entreprises. Aux Etats-Unis, «la croissance a été stimulée par un puissant afflux d'investissements liés à l'intelligence artificielle, notamment dans les centres de données». Enfin, en Chine, «la politique budgétaire expansive a permis d'amortir la fragilité du marché immobilier et de compenser les effets négatifs des barrières commerciales». Les flux commerciaux confirment ce diagnostic : «les échanges de marchandises ont bondi au premier trimestre 2025, principalement vers les Etats-Unis, avant de ralentir au second trimestre». L'OCDE note que les exportations ont progressé dans plusieurs économies asiatiques avancées et émergentes, mais reculé en Amérique du Nord et en Amérique latine. Sur le marché du travail, le rapport insiste sur la situation contrastée. «Le chômage reste faible au regard des standards historiques de l'OCDE, mais il a augmenté dans certains pays, tels que l'Afrique du Sud, l'Inde, le Canada, la France, l'Allemagne et les Etats-Unis, alors qu'il a diminué ailleurs, notamment en Corée, en Turquie, au Brésil, en Italie et en Espagne». Dans la zone euro, le taux atteint un plancher historique. Pourtant, «des signes de relâchement apparaissent, avec une montée du chômage et une réduction du nombre d'offres par rapport aux demandeurs d'emploi, notamment aux Etats-Unis». Quant aux prix, l'OCDE note que «la désinflation observée semble suspendue, les biens connaissant une nouvelle hausse et les services restant durablement onéreux». Au niveau mondial, le climat des affaires se détériore : «le sentiment des entreprises s'est assombri, en particulier en Asie, où la croissance demeure modérée et où les exportations, après avoir résisté, paraissent désormais stagner». Etats-Unis : croissance, tarifs et fragilités sociales Le rapport analyse ensuite en détail la situation américaine. Le Bureau d'analyse économique (BEA) a annoncé le 25 septembre 2025 une croissance annualisée de 3,8 % au deuxième trimestre, révisée à la hausse par rapport aux précédentes estimations. Cependant, M. Canuto observe que «le tableau sous-jacent est moins favorable : en combinant le premier et le deuxième trimestre, la croissance annuelle moyenne n'atteint que 1,65 %, un niveau bien inférieur à la moyenne historique». Les anticipations divergent : l'OCDE prévoit 1,8 % de croissance pour l'ensemble de l'année 2025, tandis que la Banque fédérale d'Atlanta projette 3,9 % au troisième trimestre. La question des tarifs est centrale. Depuis mai 2025, les Etats-Unis ont accru leurs droits de douane envers la plupart de leurs partenaires commerciaux. «Le taux effectif moyen a atteint 19,5 % fin août, un sommet depuis 1933», rappelle M. Canuto. Toutefois, «l'effet complet de ces hausses n'a pas encore été ressenti, car elles ont été introduites progressivement et partiellement absorbées par les marges des entreprises». Sur le plan de l'inflation, l'indice des prix à la consommation personnelle (PCE) en août 2025 a progressé de 0,3 % par rapport au mois précédent et de 2,7 % sur un an. L'indice sous-jacent (hors alimentation et énergie), privilégié par la Réserve fédérale, a atteint 2,9 %, soit un plus haut depuis février. Le rapport insiste : «il n'y a pas eu de flambée inflationniste généralisée, mais le niveau reste supérieur à l'objectif de 2 % de la Réserve fédérale». Les recettes douanières ont bondi de 252 milliards de dollars (en rythme annuel) par rapport à 2024, soit environ 0,8 % du PIB américain. Cependant, M. Canuto avertit que «cette manne budgétaire disparaît lorsque les importations sont remplacées par la production nationale». Les ménages ressentent déjà certaines tensions. Par exemple, «les tarifs résidentiels d'électricité ont progressé de 7 % par rapport à 2024, sous l'effet conjugué de la demande des centres de données liés à l'IA et du retrait des subventions vertes instaurées par la loi sur la réduction de l'inflation». Le marché du travail illustre également cette fragilité. Le Comité fédéral du marché libre (FOMC) a abaissé fin septembre le taux directeur de 25 points de base, le ramenant à une fourchette de 4,00 à 4,25 %. Cette décision s'appuie sur un constat : «l'embauche ralentit, le chômage remonte légèrement et les créations nettes d'emplois atteignent un niveau historiquement faible». En août, la moyenne trimestrielle s'établissait à seulement 29 000 nouveaux emplois par mois. Le taux de chômage officiel en septembre est resté stable à 4,32 %, mais les indicateurs avancés de la Banque fédérale de Chicago pointent vers un risque de hausse. Les hausses tarifaires redessinent la géographie commerciale américaine. «Les importations de Chine ont chuté de 48 % en juin 2025 par rapport à 2024, et le déficit bilatéral s'est contracté de 61 %». La part de la Chine dans les importations américaines s'est réduite de 6,3 points. Parallèlement, les Etats-Unis ont signé en juillet 2025 des accords commerciaux avec l'Union européenne, le Japon, le Vietnam et l'Indonésie, tout en imposant de fortes surtaxes au Brésil et à l'Inde. Ces transformations se traduisent par une contraction du déficit courant : «il a chuté de 42,9 % au deuxième trimestre, passant de 439,8 à 251,3 milliards de dollars, soit de 5,9 % à 3,3 % du PIB». Une baisse historique, mais aux effets encore incertains. Marchés financiers et rôle central de l'intelligence artificielle La deuxième partie du rapport s'intéresse aux marchés financiers. L'OCDE observe que «les conditions se sont assouplies dans la plupart des économies, avec des prix d'actifs élevés, un crédit plus accessible et des primes de risque réduites». La Banque des règlements internationaux (BIS) constate la même tendance. «Hormis un épisode de turbulence en avril, les conflits commerciaux n'ont guère affecté les actifs risqués, soutenus par les résultats des entreprises et la vigueur macroéconomique». Les marchés d'actions en témoignent. Aux Etats-Unis, les indices boursiers ont atteint des sommets, dopés par les grandes sociétés technologiques. Les marchés européens, eux, stagnent. Les pays émergents profitent d'une embellie, portée par la faiblesse du dollar, l'attrait de leurs actifs et une gestion budgétaire jugée prudente. Mais l'élément le plus marquant demeure l'essor de l'intelligence artificielle. «Les Etats-Unis ont attiré d'immenses ressources vers les entreprises d'IA, accompagnées d'investissements massifs dans les centres de données, qui sont devenus un pilier de leur résilience macroéconomique». L'économiste Jason Furman a chiffré ce phénomène : «les investissements dans les équipements et logiciels de traitement de l'information représentent 4 % du PIB, mais ils ont expliqué 92 % de la croissance du premier semestre 2025. Hors ces secteurs, la croissance n'a été que de 0,1 %». M. Canuto conclut que «l'économie américaine évolue sur deux voies opposées : une accélération fulgurante des investissements liés à l'IA et un net ralentissement de la création d'emplois». L'OCDE et la BIS avertissent que «les valorisations financières paraissent exagérées et pourraient se transformer en bulle comparable à celle des années 2000». L'auteur prévient également que «la fin de l'expansion des centres de données pourrait freiner l'élan actuel». Par ailleurs le rapport attire l'attention sur les vulnérabilités budgétaires des Etats-Unis et d'autres pays avancés, rappelant que «les répercussions des politiques tarifaires pourraient dépasser une simple hausse ponctuelle des prix et s'étendre dans le temps». En définitive, le policy brief du PCNS dresse le portrait d'un monde économique partagé entre promesses et incertitudes. D'un côté, une croissance soutenue par l'intelligence artificielle, des marchés financiers euphoriques et une résilience plus forte qu'escomptée ; de l'autre, des tensions commerciales, un emploi fragile et la menace d'un retournement brutal.