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L'ignorance crée le conflit
Publié dans Challenge le 10 - 02 - 2014

L'Islam est mis à l'index. C'est une solution de facilité en réponse à des problèmes objectifs nés de la gouvernance des pays occidentaux. Un débat serein est nécessaire pour arrêter le choc des cultures.
Jean Paul Sartre disait « on est d'abord Juif dans le regard de l'autre » en parlant de l'antisémitisme. Tous ceux qui ont grandi dans une culture musulmane, quelles que soient leurs convictions religieuses par ailleurs, se sentent agressés au quotidien par le flot des déclarations stigmatisantes. L'islamophobie n'est plus une spécialité d'une extrême droite marginale, mais un crédo de toute l'intelligensia Judéo-chrétienne. Et ce n'est ni le 11 septembre, ni le terrorisme qui en sont la cause.
Si nous voulons renouer les fils d'un dialogue, il faut être franc. L'Occident vit une véritable crise. Quinze pour cent des français sont d'origine musulmane. L'intégration ne fonctionne pas. Est-ce que la religion est un obstacle ? C'est ce, vers quoi penchent une majorité d'intellectuels occidentaux. C'est faux, c'est juste un cache-misère.
En réalité, l'Europe a très mal géré les migrations sud méditerranéennes. Dans les années soixante du siècle dernier, les recruteurs européens cherchaient la main d'œuvre dans les villages excentrés et non pas dans les villes. Pendant longtemps, les immigrés et les autorités européennes vivaient dans l'illusion que ce n'est que provisoire. C'est un président de droite, Giscard d'Estaing, qui a institué le droit au regroupement familial il y a de cela 40 ans, les autres pays européens ont suivi. L'illusion est quand même restée. Des gens qui vivent entassés dans des logements sociaux en région parisienne ou en Hollande ont des maisons au Maroc qui restent fermées toute l'année.
La religion n'a rien à y voir. A ces immigrés, on a proposé un contrat très éloigné de la citoyenneté. On en a fait des exilés économiques. D'abord par une politique de l'habitat absurde. Ils habitent dans des ghettos, appelés banlieues, où ils sont entre eux. Ensuite, parce que l'école ne fonctionne pas dans ces contrées. Des parents analphabètes, une fratrie nombreuse, un domicile étroit, cela ne favorise pas les performances scolaires. Ce sont donc des populations stigmatisées objectivement, au-delà des discours. Les pays européens ont un problème d'intégration d'une partie de leur population. Car, et c'est une réalité qu'il faut prendre en compte, ils ne reviendront jamais dans leur pays d'origine en masse. A ce sujet, il y a l'exemple de l'Allemagne. La Turquie est devenue une puissance économique, mais les allemands d'origine turque n'ont pas quitté leur pays d'adoption. Contrôler les flux migratoires est un droit, bien que difficile à exercer.
Mais croire un seul instant que les populations installées vont prendre le chemin du retour est une imbécillité.
Le référent identitaire
Ces réalités objectives sont le résultat d'une incohérence des politiques publiques. Auparavant, les Italiens ou les Portugais ont constitué l'essentiel des migrants. Leur intégration n'a pas été automatique, ils ont eux aussi connu les ghettos, mais leur proximité culturelle a accéléré le mouvement. Il serait idiot de nier que le facteur culturel joue un rôle prépondérant, mais il est tout idiot de croire que c'est l'unique facteur des difficultés d'intégration.
Il faut aussi reconnaître que les pays d'origine, par mercantilisme pur puisqu'il s'agit de maintenir une rentrée de devises, ont des politiques anti-intégration. Hassan II l'avait formulé à plusieurs reprises, il était contre le droit de vote aux municipales parce qu'il voulait garder « ses marocains ».
Devant ces réalités complexes ces populations se réfugient dans l'Islam, non pas en pratique religieuse, mais en référent identitaire. De là naissent toutes les incompréhensions qui sont le prélude des tensions.
L'histoire de l'Islam et de l'Occident, en tant que civilisation judéo-chrétienne a toujours été violente. Il est difficile pour un Mohamed ou un Larbi de célébrer Charles Martel, parce qu'en face c'étaient ses ancêtres. La colonisation, l'Irak, la Palestine, la violence exercée sur toute cette sphère, renforce les sentiments, les réflexes identitaires, y compris des populations habitant en Europe et de culture musulmane. Le drame pour les pays concernés, c'est qu'ils importent le conflit du Proche-Orient.
Il est scandaleux de voir un conseiller de Sarkozy, Arno Karsfield, écumer les plateaux télés pour raconter ses exploits en tant que réserviste de l'armée du déshonneur le tsahal, et en même temps s'indigner parce que des Français ont célébré une victoire de l'équipe algérienne. Les nations de migration doivent régler cette question de double allégeance. La nationalité doit cesser d'être un agrément administratif. Mais cela doit l'être pour tout le monde. Etre officier d'une armée étrangère, même alliée et occuper de hautes fonctions au sein d'un Etat est incompatible.
C'est pour avoir oublié ces règles élémentaires que l'Occident a renfermé ses musulmans dans un cercle vicieux. Ce n'est pas l'Islam qui est en cause, mais des politiques inadaptées pour le moins.
Le pourquoi du jihadisme ?
A ces situations internes, s'ajoute le contexte international. Toute la sphère du monde dit musulman est en proie à des convulsions profondes. L'Islamisme politique et le jihadisme sont des phénomènes prégnants. Le terrorisme se combat et ne s'explique pas, on est bien d'accord. Mais on est obligé d'essayer de comprendre pourquoi un milliard d'humains se réfugient dans l'identité religieuse. Il y a deux options, soit les éliminer physiquement, soit comprendre de quoi il s'agit. J'imagine qu'aucun être doté de bon sens n'est pour la première option.
La sphère concernée bute sur une véritable avarie historique. L'accès à la modernité est un vrai désir, mais à chaque fois cela passe par un affrontement avec l'Occident. La victimisation du genre « ils nous ont colonisés, pillés, soutenu les potentats » est un exercice facile, mais sans grande portée. A l'inverse, nier l'injustice faite au peuple palestinien, la débilité des guerres d'Irak et d'Afghanistan, la bêtise de l'intervention en Libye qui s'est transformée en hypermarché des armes lourdes, est dénué de sens. Lucidement et froidement, il faut reconnaître que les intérêts du monde occidental, tels que ses dirigeants le perçoivent sont à l'encontre de ceux des peuples musulmans.
Le problème, c'est que ce conflit d'intérêt est perçu de façon pernicieuse par les populations. « C'est parce que nous sommes musulmans qu'ils nous agressent ». Alors qu'il ne s'agit que de pétrole, de pétrodollars et d'intérêts stratégiques.
Le jihadisme prolifère en surfant sur ce sentiment d'inéquité. Les Occidentaux se trompent en balayant du revers cette question. Du Maroc au Pakistan et même au-delà, des gens estiment qu'ils sont combattus pour leur foi. Ils sont un milliard d'humains, on en fait quoi ?
Il faut arrêter de lier le terrorisme à l'Islam. La réalité, c'est que ce sentiment diffus de persécution est un terrain fertile pour le recrutement des jihadistes. La misère, la corruption des régimes le favorisent.
L'Islam est innocent
Chaque jour que Dieu fait, il y a un imbécile qui vient déblatérer sur les musulmans, les Mahométains ou l'Islam. Ils ont fait d'un escroc intellectuel Malek Chebel un spécialiste. Les thèmes favoris sont la femme, les « houdouds », c'est-à-dire les peines prévues en cas de violation de la loi coranique.
Tout ceci est d'une ignorance crasse. Le christianisme a décrété qu'une femme honnête n'a pas de plaisir, que la fornication n'a pour objet que la reproduction, le judaïsme exclut la femme stérile de l'héritage. L'Islam accorde le droit à la polygamie mais y met un fort bémol. Bourguiba l'avait interdit avec le soutien des Oulémas.
Au jour d'aujourd'hui, dans tous les pays musulmans la polygamie ne concerne que 1 % de la population. C'est 1% de trop, mais relativisons les choses. A part l'Arabie Saoudite, pourtant épargnée par les « penseurs » occidentaux, il n'y a aucun pays qui coupe les mains d'un pickpocket. Le hijab n'est pas une obligation religieuse. Au Maroc, au sein d'un gouvernement dirigé par les Islamistes siègent des femmes non voilées. A force de répéter des clichés, des occidentaux souvent de bonne foi, nous acculent à un retranchement identitaire.
L'Islam a prouvé en Andalousie qu'il pouvait participer au progrès de l'humanité. Il suffit de revisiter l'histoire de Cordoue pour s'en rendre compte. La contextualisation du texte coranique, permet de dire, sans contestation, qu'il était révolutionnaire à son époque. Comme les autres religions révélées, il a constitué une synthèse entre l'aspiration libertaire et l'aspiration égalitaire dans les termes de l'époque, il y a quatorze siècles.
L'ignorance est la mère génératrice de tous les conflits. L'Occident n'a pas à choisir « le bon Islam ». Il lui suffit de comprendre que les problèmes objectifs sont à la base du conflit. Des démocrates résolus, attachés aux valeurs universelles, se battent dans la sphère islamique pour l'égalité, la modernité, la démocratie. Même non croyants, ils sont de culture musulmane. Chaque jour, il y a un ou une idiote pour les réduire à cela. Tant que l'Occident n'aura pas révisé ses paradigmes, nous sommes condamnés à être des musulmans et fiers de l'être. Parce qu'il s'agit de notre dignité d'humains. Le conflit n'est que la conséquence de ce mépris.


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