En pleines vacances d'été, Trump ne perd pas de temps. Il a prévu le mois d'août pour appliquer unilatéralement de nouveaux tarifs douaniers aux autres Etats dans le monde. Et, en fait, rien n'est négociable. Les Etats Unis d'Amérique (EUA) appliquent désormais un taux moyen de 15% (20,1% selon l'OMC et le FMI), au lieu de 10%, à leurs partenaires commerciaux dans le monde, en tenant compte du dernier « accord » signé le 27 juillet avec l'Union Européenne (UE). C'est le taux le plus élevé appliqué par les EUA depuis les années 1930, après le grand krach mondial de 1929. Par ailleurs, la pression étatsunienne ne se limite pas aux échanges commerciaux. Ainsi, le Japon et l'UE se sont par ailleurs engagés à investir 1 150 milliards de dollars aux EUA. L'UE s'est aussi engagée à des achats énergétiques et militaires auprès des EUA. Quelle a été la contrepartie de ces « accords contraignants », caractérisés de toute évidence par un « vice de consentement », pour employer le langage des juristes ? Et bien, en un mot : « Rien », comme le résume The Wall Street Journal dans sa publication du 29 juillet. Serions-nous face à un nouvel ordre commercial mondial dessiné unilatéralement par l'empire étasunien ? D'après le même journal, il ne s'agirait que d'une étape. La méthode trumpienne est fondée sur la menace et le chantage. Pourtant, économiquement, les Etats de l'UE ont la capacité de nuire aux intérêts étatsuniens et de fléchir la stratégie trumpienne. Mais Trump a mis le couteau à la gorge de l'UE à travers l'OTAN. L'acceptation desdits accords commerciaux contraignants, voire abusifs, est inséparable de la forte dépendance militaire de l'UE vis-à-vis des EUA. C'est aussi le cas de la Corée du Sud. Seule Pékin a tenu ouvertement tête aux EUA et a même appliqué des représailles. Le 11 août, la trêve avec la Chine, première puissance commerciale dans le monde, a été prorogée de 90 jours. Lire aussi | Washington double les droits de douane sur l'acier et l'aluminium à 50% Pour Trump, les EUA n'auraient pas cessé d'être arnaqués par ses propres alliés. Le MAGA (Make America Great Again) vient de cette perception de la réalité internationale. Alors, « business is first ». Les français diraient « les bons comptes font les bons amis ». Et Trump est avant tout un homme d'affaires rompu aux relations contractuelles. Pour lui, la solution est simple : faire payer l'accès au marché étatsunien ainsi que les services de protection militaire de l'oncle Sam. Les alliés européens des EUA se sont ainsi courbés en acceptant d'augmenter leurs dépenses militaires à 5% de leur PIB. Et une bonne partie de ces dépenses, voire la majeure partie, seront des achats d'armements auprès de « Papa Trump ». Mustapha Rahman, directeur des opérations Europe pour le cabinet Eurasia Group, rappelle que « Trump avait deux reproches à faire à l'Europe : elle profitait gratuitement du parapluie de sécurité étatsunien et les échanges commerciaux étaient déséquilibrés, le marché européen étant conçu comme une forteresse ». Ainsi, pour Trump, la moyenne tarifaire de 15% et le passage des budgets de la défense des Etats de l'UE à 5% du PIB sont des victoires qui placent l'Alliance transatlantique sur une base « un peu plus saine » qu'avant février 2025. Les trois objectifs des EUA ont été d'ailleurs explicités par Jamieson Green, représentant au commerce étatsunien : réduire le déficit de la balance commerciale des biens ; augmenter les revenus réels (compte tenu de l'inflation) ; et accroitre la part de l'industrie manufacturière dans le PIB. Dans le domaine du commerce international, c'est donc une politique inverse de ce qui a été appliqué de 1947 à 2012, période où les EUA avaient orchestré mondialement et constamment une baisse régulière des barrières commerciales et une intégration économique mondiale dans une optique libérale. D. Trump agit en faisant complètement fi du Congrès étatsunien. Le comportement trumpien, unilatéral et quasi dictatorial au niveau international, a ainsi ses prolongements internes, au sein des institutions étatsuniennes, et l'inverse est tout aussi vrai. Cependant, au niveau mondial, les contradictions vont s'amplifier et les conflits vont se multiplier, avec le risque de ne plus rester uniquement dans leurs aspects commerciaux. Contexte favorisé par l'avancée des extrêmes droites qui prônent la xénophobie, le « chacun pour soi » et la politique de puissance. Le monde ressemble de plus en plus à une forêt asséchée où le risque d'incendie ne cesse pas d'augmenter. Lire aussi | Commerce: Trump annonce un accord « énorme » avec le Japon En ce mois d'août, les exportations de la Suisse devraient être taxées à 39%. Ce qui pourrait coûter 0,3% à 0 ,6% de croissance annuelle pour l'Etat Helvétique. Néanmoins, ce dernier, grand exportateur d'or, est allégé par la non taxation de l'importation du métal jaune par les EUA. Un taux de droits de douane de 50% sera appliqué au Brésil, mais pas seulement pour des considérations commerciales, suite aux poursuites judiciaires engagées contre l'ancien président d'extrême droite J. Bolsonaro, ami de Trump, pour tentative de coup d'Etat. L'Inde aussi, bien qu'étant un allié des EUA face à la Chine, est visée par un tarif de 30%. Là aussi, c'est surtout le comportement souverain de l'Inde dans ses relations avec la Russie et l'Iran qui est mal vu par l'oncle Sam. En fait, en Asie, les menaces de Trump favorisent le rapprochement entre les Etats asiatiques, à l'exception de Singapour, taxé à un taux de 10%. Les autres pays de l'Asean font face à des vaux variant de 25% à 40%. L'Afrique du Sud, pays qui a joué un rôle principal dans la poursuite des génocidaires israéliens devant le Tribunal pénal international, est taxée au taux de 30%, depuis le 7 août. C'est le taux le plus élevé appliqué au niveau du continent africain. D'où le caractère « punitif » des tarifs étatsuniens, en plus de leur caractère unilatéral et abusif. Mais, en définitif, qui va supporter ces taxes qui sont des impôts indirects s'ajoutant au prix des biens importés ? N'est-ce pas le consommateur étatsunien à qui Trump avait promis une baisse des prix et une amélioration des conditions de vie, ainsi que la création d'emploi ? Promesses rudement mises à l'épreuve par la réalité. A moyen terme, les Etats partenaires commerciaux des EUA vont certainement être obligés de revoir leurs relations commerciales internationales en termes de diversification et de réduction de leur dépendance externe vis-à-vis des EUA. S'ensuivra inéluctablement un isolement économique et commercial des EUA qui ne sera qu'une conséquence directe des choix actuels de Trump. « Gagner à court terme sans penser au moyen terme » résume la logique trumpienne.