Premier producteur de phosphates et d'argent sur le continent, le Maroc dispose également d'un potentiel aurifère avéré, mais encore peu exploité. L'une des sociétés recherchant un gisement d'or dans le royaume a récemment remis le débat sur la table. Décryptage. Une coquille qui réveille un débat. Une simple erreur typographique dans un document officiel a suffi à relancer une question stratégique : quelle place pour l'or dans l'économie marocaine ? Si le royaume est mondialement reconnu comme premier producteur de phosphates et premier producteur d'argent en Afrique, il dispose aussi d'un potentiel aurifère réel, mais encore sous-exploité. 300 grammes d'or par tonne de minerai, c'est le chiffre qui a suscité ces derniers jours un emballement médiatique national et international autour du Maroc. À l'origine de l'annonce de ce résultat d'exploration, la société Olah Palace Trading, qui a publié par la suite un communiqué sur une «erreur typographique»: il s'agirait en réalité de 30 grammes d'or par tonne. En attirant l'attention, cette annonce relance le débat sur le secteur aurifère. Lire aussi |Maroc : un retour au sommet de l'attractivité minière en Afrique Rappelons que le Maroc dispose déjà d'un socle d'indices et de gisements identifiés. Pour la petite histoire, aujourd'hui fermée, la mine de Tiouit a produit entre 1982 et 1996 plus d'un million de tonnes de minerai à 7 g/t, selon l'Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM). L'organisme public a également contribué à la mise en évidence de gisements comme Iourirn (jusqu'à 60 g/t sur certains forages), Azougar n'Tilili au Bas-Drâa, ou encore Tafrent dans le Sirwa. Un potentiel avéré Selon le World Gold Council, le Maroc possède 22,1 tonnes de réserves d'or, ce qui le classe 3e au Maghreb et 11e dans le monde arabe. Un chiffre modeste au regard de ses voisins producteurs comme le Mali, le Ghana ou le Soudan, mais qui traduit une réalité : le royaume est encore loin d'avoir exploré l'ensemble de son potentiel. Les rapports du Fraser Institute, publiés en juillet et août derniers, soulignent que le Maroc a été classé comme la juridiction minière la plus attractive en Afrique pour l'année 2024. Ce résultat illustre la confiance des investisseurs dans le sous-sol marocain. Parmi les acteurs récents, Olah Palace concentre ses efforts sur la province de Guelmim, où ses équipes disent avoir identifié plusieurs veines de quartz titrant entre 6 et 30 g/t d'or, avec un potentiel estimé à plusieurs millions d'onces. Le canadien Aya Gold & Silver, déjà producteur d'argent à Zgounder, développe parallèlement des projets polymétalliques incluant l'or dans l'Anti-Atlas. Son projet phare est Boumadine, avec environ 2 millions d'onces de ressources minérales indiquées et inférées. « L'or n'est pas seulement une matière première, mais un véritable levier stratégique de souveraineté économique. Le Maroc, comme d'autres pays du continent, gagnerait à transformer cette richesse enfouie en moteur de développement durable », nous confie l'économiste ivoirien Samuel Mathey. « Le secteur minier marocain est dans son ensemble un des principaux moteurs de l'économie nationale », poursuit notre interlocuteur. Lire aussi | Managem récolte les fruits de l'envolée des métaux précieux en 2024 Concernant l'or, la production annuelle reste toutefois très modeste comparée aux leaders africains du secteur comme le Mali ou le Ghana. Mais, depuis quelques années, on note des signes encourageants autour du potentiel aurifère du Royaume, tel que la récente découverte des veines d'or à très forte teneur dans la région de Guelmim. Si ces signes poussent naturellement à de l'enthousiasme, il ne faut pas perdre de vue que ces découvertes doivent encore se confirmer par d'autres phases d'études et que la transformation d'un potentiel même confirmé en une exploitation minière répond à d'autres logiques économiques et industrielles. Les enjeux de l'exploitation minière D'après Hicham Kasraoui, expert à l'Institut Marocain d'Intelligence Stratégique (IMIS), l'exploitation, pour l'or comme pour tout autre minerai, doit tenir compte de plusieurs enjeux: planification : d'une part pour s'assurer de l'alignement des projets aux objectifs de souveraineté minérale nationale, et d'autre part pour s'assurer de leur alignement aux stratégies de développement socio-économique des territoires concernés valorisation : pour s'assurer que l'écosystème aurifère du Maroc est capable de s'imposer sur les maillons à plus forte valeur ajoutée de la chaîne industrielle durabilité : notamment en termes de préservation de la rareté de la ressource hydrique essentielle pour ces exploitations mais également pour tenir compte des impacts des complexes miniers sur les écosystèmes et la biodiversité locales. Lire aussi | Mine d'argent de Zgounder. Le canadien Aya Gold & Silver augmente ses revenus de 566 % Actuellement, le royaume ne compte aucune mine industrielle d'or. En matière d'exploitation de métaux précieux, le Maroc compte en attendant sur l'argent, dont il est le premier producteur africain, grâce notamment à la mine de Zgounder opérée par Aya Gold & Silver. Premier producteur africain de phosphates, le pays dispose aussi d'un portefeuille diversifié de métaux stratégiques, du cobalt au cuivre en passant par le manganèse, où l'activité est plus avancée. Selon l'ONHYM, le secteur minier marocain représente entre 8 et 10% du PIB, porté principalement par l'exploitation des phosphates. Diversifier les ressources exploitées est donc l'un des objectifs du Plan Maroc Mines, qui vise à donner « un nouvel élan au secteur minier national et particulièrement au secteur minier hors phosphates » d'ici 2030.