Pendant longtemps, Capital Gestion a travaillé dans la discrétion. Cette société de gestion de fonds, indépendante, a créé le mystère. Elle avait même commencé à déranger. Elle a fait jaser dans le milieu financier. Aujourd'hui, ses responsables lèvent le voile sur ce qu'elle est et sur ce qu'elle veut devenir. Capital Gestion, la société indépendante spécialisée dans la gestion d'actifs, se transforme. Après une dizaine d'années d'existence, le temps est venu pour elle de se constituer en groupe qui va entamer sa filialisation progressivement selon les activités. Deux pôles changent de dénomination : Valoris Management (pour la gestion collective) et Valoris Finance (pour la gestion privée). Dans un second temps, deux pôles vont être créés : Valoris Bourse (pour l'intermédiation boursière) et Valoris Investissement (pour le capital-risque). Le but de ce changement est d'adopter une nouvelle stratégie commerciale, selon laquelle le groupe entend ne plus s'accrocher qu'aux institutionnels, qui représentent près de 95% de son activité. Pour pérenniser son business, Capital Gestion Group souhaite élargir son portefeuille en ciblant de nouveaux clients, les PME/PMI et les personnes physiques. Ce timing n'est pas, selon ses dirigeants, lié à la crise économique et financière mondiale mais « juste à un concours de circonstances », confie-t-on au sein du groupe. Cette nouvelle orientation traduit donc l'ambition du groupe à franchir un autre cap. Certains de ses services devront alors constituer des produits d'appels pour drainer la clientèle vers la gestion d'actifs, le cœur de métier du groupe. Au vu de sa nouvelle structure, l'on serait tenté de penser alors que Capital Gestion Group chercherait à devenir une banque d'affaires en bonne et due forme. Il ne lui manquerait quasiment plus que le pôle dédié à la « corporate », l'ingénierie financière… Mais nous n'en sommes pas encore là. Les patrons du groupe souhaitent se concentrer sur ce qu'ils savent faire de mieux, la gestion d'actifs. Tout comme ils insistent pour garder leur indépendance. Ils y tiennent fermement et n'envisageraient donc pas de faire comme Upline Group, qui a vendu la majorité de ses parts à la BCP. Pourtant, la restructuration et la réorganisation de Capital Gestion Group en filialisation laisseraient penser le contraire. Youssef Jaïdi, le président-directeur général, est catégorique. « Pour les trois à cinq prochaines années en tous cas, ce sujet n'est pas d'actualité. Il est clair que par le passé, lorsque nous rencontrions des difficultés, nous aurions pu y penser sérieusement. Mais maintenant, nous sommes déterminés à cultiver cette valeur d'indépendance », répond sans détour le PDG du gestionnaire de fonds lors de la conférence de presse présentant la nouvelle identité du groupe. Pour appuyer cette décision, Youssef Jaïdi ne manque d'ailleurs pas de rappeler qu'à l'international, la logique voudrait que des établissements indépendants se spécialisent. De plus, «les sociétés indépendantes doivent exister dans un marché», soutient-il. On l'aura compris, l'indépendance est un élément clé sur lequel se basent les responsables du groupe. Pour eux, elle est devenue un facteur de compétitivité. Une «indépendante» qui dérange Cette indépendance aurait pourtant pu coûter cher à la vie de l'entreprise. Retour en arrière. En 1999, deux analystes financiers, Youssef Jaïdi et Chawki Zarari, décident de monter un projet pour se lancer dans la gestion d'actifs. Ils créent Capital Gestion. Le moment était bien choisi, parce que la croissance du marché était intéressante. « C'était l'époque où tous les rêves étaient permis », reconnaît Jaïdi. Néanmoins, le démarrage a été difficile pour plusieurs raisons. D'abord, parce que le marché a commencé à s'essouffler en accusant des pertes. Ensuite, parce que les gros clients n'envisageaient pas de traiter avec une société dont le capital était détenu par des personnes physiques seulement. « Il était difficile à l'époque de traiter avec une société indépendante. Les clients nous demandaient à chaque fois si nous étions adossés à un groupe», se rappelle Youssef Jaïdi. Le groupe ne gérait à l'époque que quelque 20 millions de dirhams et n'arrivait pas à se forger une place. Financièrement, ce n'était pas tenable. L'idée de tout abandonner a même effleuré l'esprit des promoteurs du projet. « Pendant les deux premières années, nous attendions un miracle», confie le président du groupe. Il a fini par se produire au mois de février 2002, lorsqu'une caisse de retraite a décidé de faire confiance à cette équipe de jeunes en lui confiant la gestion de ses actifs. Depuis lors, l'évolution de l'actif net du groupe n'a cessé de croître, passant de 438,05 millions de dirhams en 2004 à 10.049,29 milliards de dirhams en 2008. La patience et la persévérance ont fini par payer. En 2007, deux des fonds que Capital Gestion gère ont remporté des trophées pour avoir réalisé une performance supérieure à celle du marché. Il s'agit des fonds obligations à court terme et à moyen et long terme. Dans le milieu financier, cette ascension a fini par susciter l'attention et la curiosité. Aux yeux de beaucoup d'analystes, elle reste énigmatique. « On a commencé à déranger au niveau de la sphère financière. Nos performances dépassaient même celles de certaines filiales de banques », ajoute Youssef Jaïdi, pour qui ses résultats sont seulement le fruit de la compétence de l'équipe, de sa persévérance et de son innovation en matière de produits et de services offerts. Cap sur les PME et les particuliers Tout au long de ces années, Capital Gestion a travaillé exclusivement avec les institutionnels. Le choix n'est pas fortuit. Ces clients-là sont exigeants en matière de technique de gestion. Adapter des offres sur mesure était un challenge de taille pour la jeune équipe de financiers. « C'est une aubaine pour nous. Nous avons beaucoup appris. Cela nous a permis d'affûter nos armes», révèle Jaïdi. Mais, en ne travaillant qu'avec eux, Capital Gestion, et les autres gestionnaires de fonds d'ailleurs, sont limités, dans ce sens où d'une part, leur nombre est « restreint » (il n'y a pas beaucoup de chances de voir émerger de multiples nouvelles compagnies d'assurance, de caisses de retraite …) et d'autre part, leur comportement est assez volatil. D'où la nécessité de chercher de nouveaux clients pour élargir leurs portefeuilles. C'est dans cette optique que Capital Gestion Group a mis le cap sur les PME/PMI et sur les personnes physiques. Pour la première catégorie, le gestionnaire de fonds entend se focaliser sur l'activité de capital-risque. Il envisage d'ailleurs de cibler trois principaux secteurs dans le cadre des activités de Valoris Investissement. Il s'agit de l'agroalimentaire (des études ont d'ores et déjà été entamées), des nouvelles technologies de l'information et de l'offshoring via les services financiers. Capital Gestion Group est maintenant entré dans une nouvelle phase. Par le passé, il s'est concentré sur les marchés obligataires et monétaires, là où il a montré ses forces. En plus de cela, il envisage de consacrer davantage d'intérêt à ses fonds actions et diversifiés « pour adapter l'offre aux nouveaux clients des PME/PMI et personnes physiques. Les fonds contractuels seront amenés à être aussi développés. Ils procurent plus de flexibilité et de sécurité aux clients», conclut Taoufik Fennich, le directeur général du groupe. Le petit «poucet» a grandi, mûri. Maintenant, il peut prétendre jouer dans la cour des grands. Quels liens avec l'international ? Les responsables de Capital Gestion Group sont assez confiants sur les perspectives de développement de leur activité, et ce, malgré les effets de la crise, qui pourront se faire de plus en plus ressentir sur le marché national. Concernant leur lien avec l'international, Taoufik Fennich, le directeur général du groupe, confirme que la gestion de leurs fonds est «décorrélée» du marché étranger, dans ce sens où le portefeuille de Capital Gestion ne contient pas de clients venant de l'extérieur. «Etant donné que nous travaillons principalement sur le marché national, celui de la dette interne (bons du Trésor notamment), notre seul risque serait la faillite de l'Etat. C'est une option, à l'évidence, à exclure ». Quant aux placements du groupe à l'étranger (la loi autorisant les gestionnaires de fonds à placer 10% de leurs actifs à l'étranger), il n'y aurait pour l'instant rien à craindre. «Cette nouvelle réglementation marocaine a été mise en place alors que les effets de la crise étaient déjà apparus. Nous sommes prémunis contre cela, d'autant que nous n'en sommes encore qu'au stade des simulations », reconnaît le directeur général.