Le PLF 2021 intervient dans un contexte marqué par la crise économique. Les réponses apportées par le gouvernement n'aspirent pas confiance. Les pronostics du gouvernent risquent de se heurter aux nouveaux développements de la crise sanitaire. Mais au-delà des chiffres, le PLF 2021 est établi en méconnaissance de plusieurs prescriptions de la loi organique des finances (LOF), ce qui risque de créer un écart béant dans les finances publiques. Le PLF 2021 est entré dans la fosse aux lions. M. Benchaâboun, réglé comme un papier à musique, doit se battre comme un lion pour faire aboutir son projet. Plusieurs vont se jeter à son cou, d'autres vont couper la poire en deux avec lui mais plusieurs n'épargneront aucun effort pour mettre à nu, pas Benchaâboun, mais son projet. Les parlementaires des deux chambres tarderont sûrement sur les chiffres et dispositions, nous, dans ce papier, nous nous pencherons sur les principes. Et pour cause, certaines dispositions de la loi organique relative à la loi de finances ont été violées. Aux termes de ladite loi organique, l'élaboration de la loi de finances doit tenir compte de la conjoncture économique et sociale qui prévaut au moment de sa préparation, ainsi que des objectifs et des résultats des programmes qu'elle détermine. Ainsi, et pratiquement dans la même période et dans les mêmes conditions marquées par les conséquences néfastes de la crise sanitaire, les départements du ministère des finances ont élaboré la loi de finances rectificative 2020 et le projet de la loi de finances 2021. Comment justifier alors que les recettes ordinaires prévues pour la première soient de l'ordre de 212,36 Mds DH alors que celles du projet soient de 228,42 Mds DH. Comment une année impactée partiellement par la crise mais regorgeant de dispositions devant alimenter massivement les caisses de l'Etat, puisse faire moins qu'une année de tous les dangers ? Il y a un réel dysfonctionnement soit dans la moulinette qui génère le budget soit dans les variables de l'équation budgétaire. Une telle aberration, nous permet de craindre que les chiffres du PLF 2021 soient avancés au doigt mouillé. Ou encore que les départements du ministère des finances sentent la pluie à l'avance, alors que nous nous contentons d'être mouillés. En outre, l'article 5 de la loi organique relative à la loi de finances, prévoit que la loi de finances soit élaborée par référence à une programmation budgétaire triennale actualisée chaque année en vue de l'adapter à l'évolution de la conjoncture financière économique et sociale du pays. A aucun passage du texte du PLF 2021, il n'est fait référence à cette programmation triennale. La vision courtermiste continue de primer lors de l'élaboration du budget de l'Etat. L'avantage de la programmation triennale, c'est qu'elle permet de définir sur l'horizon de trois ans les ressources et les dépenses en fonction des hypothèses économiques et financières réalistes et justifiés. A part quelques hypothèses, qui suscitent beaucoup d'interrogations, le PLF 2021 est un monceau de chiffres qui manquent de justifications. Le comportement du gouvernement parait donc en discordance avec les dispositions de l'article 10 de ladite loi organique. En effet, ce dernier prévoit que les lois de finances présentent de façon sincère l'ensemble des ressources et des charges de l'Etat. La sincérité, au terme de ce même article, s'apprécie compte tenu des informations disponibles au moment de l'établissement de ladite loi de finances. Apparemment, Benchaâboun n'a rien à cirer de la sincérité, il veut seulement séduire. Il oublie, hélas, qu'il faut de la sincérité et de la droiture, même pour séduire. Mais pourquoi on, se permet une telle largesse lors de l'élaboration de ce PLF 2021 ? D'abord cette loi de finances risque d'être à cheval sur deux gouvernements. Ses initiateurs risquent de n'en être pas ceux qui l'arrêtent. Les politiciens s'amusent donc à nous bercer d'illusions parce qu'ils prônent que, presque toujours, en politique, le résultat est contraire à la prévision. Ken Follett disait : « un budget était un peu comme la rubrique des potins : on pouvait l'épicer de fiction, car personne ne connaissait jamais la vérité ». La vérité, ou du moins ce qui en reste, pour la connaitre, il faute attendre la publication de la loi de règlement prévue par l'article 64 de ladite loi organique. Seulement, cette loi de règlement, qui arrête le montant définitif des recettes et des dépenses, n'est généralement rendue publique qu'à la fin du deuxième trimestre du deuxième exercice qui suit celui de l'exécution de la loi de finances concernée. Deux ans dans la vie d'un gouvernement, c'est du long terme. Et à long terme, nous serons tous morts comme disait John Maynard Keynes. Le gouvernement est appelé à mettre fin à ses acrobaties budgétaires qui visent à séduire et charmer les bailleurs de fond et mettre en hibernation les marocains. On n'est pas des poires faciles à bananer.