L'Algérie a enfin réagi à la suspension de l'accord de 2013 avec la France qui permettait aux militaires, leur famille et autres notables algériens, de se déplacer en France sans visa, mais seulement avec un passeport diplomatique gracieusement offert par le régime algérien. La réaction de la diplomatie algérienne est à la hauteur de la déception. L'Algérie aura du mal à se sortir de ce casse-tête. Au plus fort de la crise entre Paris et Alger, l'arme des passeports diplomatiques que craignait le régime algérien, a été actée par la France. Cela faisait plusieurs semaines que cette mesure était évoquée par les ministres français, et réclamée par les politiques de l'Hexagone. Elle vient d'être mise en place par la diplomatie française face à l'enlisement de la crise entre les deux pays. Alger qui pensait faire pression sur Paris et l'empêcher de prendre des décisions souveraines qui ne concernent, à priori, en rien son voisin du sud de la Méditerranée, vient de voir l'une des armes redoutées activée. Avec sa décision de suspendre la circulation de la nomenklatura algérienne qui pouvait aller en France sans recourir aux visas comme le reste de la population algérienne, la France a provoqué les craintes de toute une classe algérienne qui ne pourra plus avoir le « privilège » de se rendre en France sans visa. Cette classe politique, économique et militaire, a des intérêts en France et c'est là où ça fait mal. Il aura fallu 5 jours à l'Algérie pour communiquer sa réponse et montrer sa désapprobation. La réaction du ministère algérien des Affaires étrangères, avance que l'Algérie n'aurait pas demandé cet accord et qu'il était à l'initiative de la France et que, semble-t-il, ce dernier n'aurait aucune importance. « Aujourd'hui, comme hier, l'Algérie n'a aucun intérêt particulier, ni aucun attachement significatif, à l'égard de cet accord » et « prend dûment acte de ce qui s'apparente à une suspension de fait de l'accord de 2013 sans le respect par la France des procédures requises », a indiqué le communiqué du département d'Ahmed Attaf. La diplomatie algérienne, ajoute, sur un ton menaçant, qu'elle « en tire toutes les conséquences et y répondra par une application stricte de la réciprocité à la juste mesure du manquement de la partie française à ses obligations et engagements ». La presse algérienne quant à elle, souligne que la décision française de réimposer le visa aux détenteurs de passeports diplomatiques et de service algériens, n'a pas été annoncée officiellement et a été révélée par le biais des médias, notamment via un document interne de l'état-major de la police française. Mercredi 14 mai, c'était au tour du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, d'annoncer sur BFMTV « le renvoi en Algérie de tous les agents titulaires de passeports diplomatiques qui n'auraient pas actuellement de visas ». L'Algérie, ne cache pas sa surprise. Le communiqué du département d'Ahmed Attaf, indique que le chargé d'affaires de l'Ambassade de France à Alger a fait l'objet de quatre convocations au ministère des Affaires étrangères et a « systématiquement affirmé ne disposer d'aucune instruction du ministère français des Affaires étrangères ». Le gouvernement algérien estime que la décision française « semble relever désormais d'une pratique curieuse et douteuse consistant à organiser grossièrement des fuites à des médias savamment sélectionnés par les services du ministère français de l'Intérieur et de la Direction générale de la police française ». Pourtant l'Etat algérien est passé maitre dans la pratique de ce qu'il reproche aujourd'hui à la France. Le ministère des Affaires étrangères a affirmé dans un communiqué diffusé ce lundi 19 mai, considérer la décision française comme une suspension de fait de l'accord de 2013 portant exemption de visa pour les détenteurs de passeports diplomatique et dénonce l'utilisation d'un « canal inhabituel », qu'il considère comme un « irrespect total pour les usages diplomatiques consacrés » et une « violation, toute aussi totale ». L'Algérie considère « comme étant foncièrement une inexactitude et une contre-vérité, l'allégation française selon laquelle, c'est l'Algérie qui aurait été la première à manquer à ses obligations » au titre dudit accord et affirme ne pas avoir d'attachement à celui-ci. Pourtant fin mars, dans un entretien retransmis par la télévision algérienne, le président Abdelmadjid Tebboune, avait fait une sortie médiatique pour « hisser le drapeau blanc » devant l'intensification de la crise entre Paris et Alger et les menaces plus sérieuses de suspension des largesses octroyées par la France aux détenteurs de passeports diplomatiques algériens. Le président algérien, s'était vu obligé de calmer le jeu en estimant que son homologue, Emmanuel Macron, était son « unique point de repère » pour régler les différends entre les deux pays. « Pour ne pas tomber dans le brouhaha ni le capharnaüm politique là-bas (en France), je dirais seulement trois mots : nous, on garde comme unique point de repère le président Macron », avait-il déclaré. Son message était clair, il coupait court au mouvement initié par le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, qui s'est dressé contre les tentatives algériennes d'intimidation. Le ministre vient de conforter sa place au sein du gouvernement, étant donné qu'il a été élu ce dimanche à la tête des Républicains. En mettant fin à un privilège longtemps toléré, la France a affirmé sa volonté de rétablir une forme de réciprocité diplomatique et de non tolérance aux intimidations algériennes. La réaction du régime d'Alger, empreinte d'une irritation non avouée, montre de son côté, que cette décision touche une élite jusqu'ici épargnée...