Celui d'entre nous qui a eu l'occasion de visiter un de nos souks hebdomadaires de campagne ou de montagne, sera certainement à la fois surpris et sidéré par le sous-développement, l'ignorance et la misère de nos compatriotes ruraux et montagnards Difficile de croire que nous sommes au troisième millénaire, la distance qui sépare ces citoyens de l'âge moderne est d'un ordre cosmique. Le chanteur Mahmoud El Idrissi m'a confié à ce propos qu'il suffit de prendre une photo en blanc et noir de ces lieux et de mettre la date qu'on veut : 18…, 19…etc. Ce sera toujours valable, à part les gadgets made in china, personne ne contestera la légende sous la photo. Peut-on imaginer que des gens qui appartiennent au troisième millénaire croient encore en masse aux charlatans qui leur vendent des remèdes, ou plutôt des potions magiques dont on ignore les recettes et qui guérissent tous les maux ? Une photo de journal déposé à même le sol, quelques versets de coran lus de travers, quelques hadiths la plupart de temps inventés à l'occasion, des histoires rocambolesques, voilà les gages que présente le charlatan aux spectateurs qui ne tardent de s'empresser d'acheter le remède miracle. Le résultat on le connaît, il suffit de demander les statistiques des ravages de ce genre de charlatanisme aux hôpitaux universitaires. Peut-on encore accepter au troisième millénaire, des arracheurs de dents installés sous une tente au souk, qui alignent les malades et leur injectent un liquide anesthésiant, avec la même seringue, sans aucune précaution ni mesure d'hygiène ? Et le sida ? Et les différentes sortes d'hépatites qui se transmettent justement par ces pratiques criminelles ? Ce n'est pas mon affaire, répondra certainement ce monsieur qui pratique la médecine illégalement. Tant pis pour la population qui sera contaminée. Et dire que de nos jours une seringue jetable coûte seulement un dirham, ou peut-être donnée gracieusement par le pharmacien. Peut-on encore tolérer des abattoirs dignes du dix-huit ou dix-neuvième siècle. Des abattoirs qui ne respectent aucune mesure d'hygiène, installés prés d'une décharge à odeur puante comme c'est le cas à Tnine Chtouka, et des bouchers qui exposent leur viande sur des étalages en bois qui n'ont jamais été nettoyés, ou plutôt nettoyés par des chiens et des rats à la fin du souk ? Quant au marché de la volaille et les conditions de son abattage, quoique nous fassions, nous ne pouvons décrire la saleté et les odeurs de ces lieux, ni les dangers qu'ils représentent pour notre aviculture et les consommateurs. Les denrées alimentaires et les épices sont déposés à même le sol et reçoivent toute la poussière des lieux et de la journée. Les fruits sont couverts de mouches. Tout cela ne dérange personne ! Surtout pas les autorités et les services chargés de la protection de la santé des citoyens. Pourquoi nos campagnes et nos montagnes sont-elles restées dans un tel sous-développement ? La pauvreté ou la misère ne peuvent être synonymes de malpropreté endémique. C'est plutôt une question d'éducation et de non application des lois et règlements en vigueur dans le Royaume. Il est urgent de placer la question de développement de nos campagnes au centre de nos préoccupations et d'élaborer un nouveau projet politique. Le Maroc moderne ne peut tolérer qu'une grande partie de sa population continue de vivre dans un autre âge.