Depuis plusieurs semaines, la Chambre des conseillers vit au rythme d'un bras de fer silencieux entre majorité et opposition. En cause : le projet de loi visant à réorganiser le Conseil national de la presse (CNP), une réforme que l'Exécutif entend mener tambour battant, alors que l'opposition plaide pour un examen plus long et plus approfondi du texte. Dans les couloirs du Parlement, chacun s'accorde à reconnaître que l'institution, paralysée depuis plusieurs mois, ne peut demeurer plus longtemps en suspens. Mais le consensus s'arrête là. Saisie à la demande des groupes de la majorité, la Commission de l'enseignement, des affaires culturelles et sociales à la Chambre des représentants doit tenir ce vendredi une réunion de son bureau afin de programmer l'étude et le vote du projet de loi n°026.25. Cette initiative intervient après que la réunion initialement dédiée à l'examen des amendements et au vote ait été, la veille, reportée à la demande des groupes de l'opposition. Selon plusieurs sources parlementaires, la majorité met désormais la pression au sein du bureau pour que la commission se réunisse dès lundi prochain, dans l'espoir d'accélérer le passage du texte. L'opposition, elle, fait bloc. Les groupes siégeant à la Chambre des conseillers rejettent fermement la version actuelle du projet de loi n°54.23 présentée par le gouvernement. Ils dénoncent ce qu'ils qualifient de « recul dangereux » par rapport à la philosophie fondatrice de l'autorégulation de la profession, y voyant également une menace directe pour l'indépendance journalistique. La méthode retenue par l'Exécutif est vivement critiquée : un agenda jugé trop serré, un processus qui, selon eux, manque des garanties de la participation constitutionnelle, et le risque de transformer le Conseil national de la presse en un simple « organe administratif de contrôle et de discipline », loin de sa vocation initiale de défense de la liberté de la presse. La majorité rétorque que cette lecture est infondée. À ses yeux, la réforme du Conseil national de la presse s'inscrit dans un mouvement plus large de modernisation du paysage médiatique marocain. Les groupes majoritaires présentent le texte comme l'aboutissement d'un long processus de plaidoyer et comme une réforme structurelle indispensable à la pérennité des institutions de presse, dont la gouvernance doit être consolidée à la lumière des défis actuels. Au centre de cette bataille institutionnelle, le ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, Mohamed Mehdi Bensaïd, tente d'apaiser les tensions. Le gouvernement, assure-t-il, accorde une priorité majeure au renforcement du Conseil national de la presse en tant qu'institution constitutionnelle indépendante. Il appelle à ne pas « personnaliser » le débat en cours. Lors de la discussion du projet de loi, le ministre a expliqué que la réforme vise à garantir une représentativité professionnelle élargie et à combler les failles juridiques apparues depuis la mise en place du Conseil en 2018. Selon lui, la légitimité de l'institution repose d'abord sur sa capacité à assurer continuité et indépendance, plutôt que sur l'identité de ses dirigeants. Si la réforme se veut technique, elle révèle toutefois des désaccords politiques profonds sur la manière de réguler le secteur de la presse, déjà confronté à une fragilisation économique et à un débat constant sur les équilibres entre liberté, éthique et responsabilité. Les prochains jours, marqués par d'intenses tractations en commission, devraient déterminer si la majorité parviendra à imposer son calendrier ou si l'opposition réussira à ralentir une réforme qu'elle juge périlleuse.