Le mois de Ramadan est classiquement une période caractérisée par une hausse vertigineuse du prix de luf. Les producteurs invoquent des problèmes délevage, les grossistes se plaignent de marges insignifiantes et le consommateur paie. Alors que lon va entamer la troisième semaine du Ramadan et que la consommation doeufs durant ce mois particulier bat son plein, on a encore en mémoire la quasi-catastrophe qui avait frappé le secteur avicole, lété de lannée dernière, suite à une terrible vague de chaleur. Les professionnels de la filière, même les mieux outillés, ny avaient pas résisté, perdant de gigantesques pans de productions. Près de cinq millions de volailles avaient ainsi été décimées par la vague caniculaire et les estimations ont fait état dun manque à gagner sectoriel denviron 100 millions de DH, causé par la perte de quelque cinq millions de têtes, dont 3,5 millions de poulets de chair. Grosse flambée des prix Le souvenir de cette crise, aujourdhui dépassée, ravive en ce mois de consommation élevée combien ce produit alimentaire reste sensible aux moindres fluctuations, économiques ou climatiques soient-elles. La plupart des opérateurs affiliés sous la bannière de la FISA (Fédération des Industries du Secteur Avicole) saccordent en effet sur le caractère aléatoire de leur activité, même quand celle-ci génère des marges confortables en certaines périodes de lannée, comme cest le cas en ce mois de Ramadan ou pendant les périodes de fêtes estivales ou de fin dannée, lorsque les professionnels de la pâtisserie expriment des besoins spécifiques accrus pour leur business. Cette année, point de chaleur meurtrière pour le poulet, heureusement, mais le prix moyen de luf, acheté par le consommateur, sest envolé un mois déjà avant le Ramadan, passant denviron 0,65 DH à 0,90 DH. La hausse est énorme compte tenu du niveau conjoncturel de consommation et de limpact de cette hausse sur les ressources des ménages, car il nexiste pratiquement pas de maison, en ce mois sacré, où luf est absent sur la table, à la rupture du jeûne. De fait, léconomie avicole connaît une surchauffe dautant plus importante quelle est nourrie par lanarchie qui sévit en amont de la filière, en particulier au niveau des circuits de production et des ventes au gros. Arrivant des élevages qui se sont développés un peu partout dans les environs de la métropole, en particulier de Médiouna, Bir Jdid, Dar Bouâazza et Had Soualem, les picks-ups chargés de caisses dufs écoulent leurs livraisons dans les grands marchés de la ville, mais le flux se concentre à plus de 80% sur la fameuse place des Biyadas, longtemps considérée comme la première plateforme commerciale avicole du pays. Haj Omar, un des grossistes qui saccroche encore à son commerce, malgré la déprime actuelle du secteur, sindigne de ce que le consommateur accuse à la légère les grossistes et leur impute la responsabilité de la surchauffe qui prévaut en ce moment sur les prix : «Quand on achète luf aux alentours de 0,75 DH, comment voulez-vous quon survive sinon en le revendant à peu près 0,80 DH ? Parfois, cette marge est encore inférieure, ce qui nous oblige à devoir écouler de très grosses quantités, soit des milliers dunités chaque jour, pour espérer rentabiliser décemment notre commerce». Comme les prix tournent dans ces eaux-là, le consommateur en paie les frais et la boucle est bouclée, consacrant cette logique de hausse effrénée dont la plupart des gens méconnaissent les ressorts. Les professionnels de la FISA aussi se plaignent souvent de ce que le caractère conjoncturel de cette activité occulte une autre donne, structurelle celle-là, concernant lenvironnement économique de la filière. Les contraintes structurelles de lélevage La «chaleur» qui sévit sur le marché nest pas du seul fait des prix mais trouve son fondement aussi dans le cadre réglementaire de lactivité, notamment en ce qui concerne les contraintes de production. Il faut savoir, en effet, que le cycle de productivité dune poule pondeuse ne dépasse généralement pas 18 mois, dont à peu près 6 mois en terme délevage. De fait, les charges liées à lélevage et au traitement des poules pondeuses restent importantes. Les responsables de la Fédération misent sur la refonte du système de tarification actuel, lequel pénalise les professionnels de la filière à cause du niveau élevé des droits de douane, situé à hauteur de 30% pour le maïs et de 25% pour les tourteaux. Ils espèrent que les pouvoirs publics se mettront bientôt à table avec eux pour négocier un cadre plus adéquat, tenant compte des contraintes structurelles du secteur et des intérêts de lensemble de la corporation qui compte actuellement plus de 600 éleveurs structurés.