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Les marchands de la crise
Publié dans Finances news le 20 - 12 - 2021

L'OIT alerte sur les effets délétères de la crise et ses séquelles qui risquent d'être durables. En effet, l'organisation annonce des chiffres alarmants pour le chômage au niveau mondial, qui pourrait atteindre 205 millions de personnes en 2022, contre un niveau de 187 millions enregistré en 2019. Néanmoins, certains secteurs d'activités ont tiré leur épingle du jeu et sont sortis enrichis durant l'épidémie. Les chiffres affichés dans leurs états financiers présentent une situation paradoxale vis-à-vis de la réalité socioéconomique internationale.
Ces grandes multinationales ont enregistré des bénéfices astronomiques et ont exacerbé les incidences de la crise en privilégiant l'augmentation des dividendes au détriment de la sauvegarde de l'emploi et de la sécurité de leurs travailleurs. World Inequality Report 2022 affirme que le fossé et les inégalités continuent de se creuser entre les plus riches et les plus pauvres de la planète. Le rapport montre que les écarts de richesse sont plus prononcés que ceux du revenu. La moitié de la population la plus pauvre est pratiquement exclue du partage de richesse et possède moins de 2% du patrimoine, tandis que les 10% les plus riches totalisent 76% de la richesse mondiale. Le rapport affirme que la région la plus inégalitaire en termes de distribution et de partage des richesses est l'Afrique et le Moyen- Orient, tandis que la plus égalitaire est l'Europe.
Toujours d'après le World Inequality Report, les résultats montrent une augmentation fulgurante du patrimoine possédé par le secteur privé au détriment du patrimoine public. A l'international, les Etats s'appauvrissent et le secteur privé s'enrichit. La situation s'est largement aggravée pendant la pandémie : la dette des Etats a fortement augmenté depuis la crise pour faire face à la baisse des recettes fiscales et à l'augmentation des dépenses servant à mettre en place les politiques coûteuses de relance économique et de soutien social. Une bonne partie de la dette sera versée aux entreprises privées pour préserver l'emploi et relancer l'activité. Dans les pays étudiés, les résultats montrent que le patrimoine détenu par l'Etat et les collectivités publiques est proche de zéro, voire négatif, tandis que celui possédé par les acteurs privés ne cesse de croître.
D'après un récent rapport de la Banque mondiale, la dette internationale pourrait atteindre un niveau record de 300.000 milliards de dollars en 2021. L'enquête réalisée par le Consortium international des journalistes d'investigation en octobre 2021 souligne que l'évasion fiscale orchestrée systématiquement par les multinationales et les plus riches amputent les nations de 427 milliards de dollars chaque année. Cette fuite, hors norme, détériore les services publics et désavantage, essentiellement, les couches sociales les plus pauvres. Le scandale des Pandora Papers met en cause la politique des paradis fiscaux qui permettent d'opacifier les gains grâce à un système de montage financier et de sociétés fictives d'offshore. Tout le monde n'est pas logé à la même enseigne.
Pendant que de nombreuses familles s'enfonçaient dans la pauvreté, les entreprises du numérique et de l'industrie pharmaceutique ont multiplié leurs bénéfices et les plus grandes fortunes du monde ont continué à grossir. Le cru 2021 du magazine américain Forbes, qui publie le classement des hommes les plus riches de la planète, annonce une augmentation des fortunes des plus riches malgré le contexte de la crise sanitaire. Le magazine se dit surpris des résultats qui affirment des consolidations incroyables de richesse. Cette année, c'est Jeff Bezos, le patron d'Amazon, qui domine le classement avec une augmentation de 35% de sa fortune quantifiée désormais à 198 milliards de dollars.
Elon Musk, le patron de Tesla, a réussi cette année à multiplier son patrimoine par 6 en cumulant 151 milliards de dollars. Le patron de LVMH, Bernard Arnault, a multiplié par deux sa fortune qui pèse désormais 150 milliards de dollars. Quant à l'héritière de l'Oréal, Françoise Bettencourt, elle a empoché, cette année, près de 25 milliards de dollars tandis que le patrimoine de François Pinault a progressé de plus 15 milliards de dollars. Le numérique et l'industrie pharmaceutique sont les deux secteurs d'activités qui ont particulièrement profité du contexte de la crise et ont prospéré considérablement. La holding Alphabet est la société-mère de plusieurs fleurons de la technologie dont, notamment Google et YouTube. Elle affiche une augmentation de plus de 65% de son revenu durant le troisième trimestre de 2021. Et une augmentation de 70% du bénéfice par action (EPS).
Durant le 3ème trimestre de l'année 2021, le géant de l'e-commerce, Amazon, a réalisé un chiffre d'affaires de 110,8 milliards de dollars contrairement aux prévisions du marché qui s'attendaient à 113 milliards de dollars. Dans un communiqué de presse, Amazon attribue cette baisse à l'investissement massif en achat d'entrepôts dont le nombre a quasiment doublé depuis le début de l'épidémie, en plus de l'accroissement du recrutement pour accompagner la hausse substantielle de l'activité. 7,8 milliards de dollars est le bénéfice réalisé par Amazon, soit une hausse de 48% par rapport à l'année 2020, et une vertigineuse hausse des revenus publicitaires de près de 87%.
La marque de la pomme affiche également une très belle vitalité avec un chiffre d'affaires de 83,4 milliards de dollars durant le dernier trimestre de 2021, soit une hausse de 36% par rapport à l'année dernière. Facebook affiche plutôt une bonne mine malgré les scandales de réputation et le procès de non respect de la confidentialité des informations personnelles et ses nombreux dangers sur la santé mentale. L'entreprise enregistre un bénéfice de 9,2 milliards de dollars, soit une hausse de 17% par rapport à l'année précédente et se hisse à la deuxième place du podium de la publicité en ligne, avec une part de 23,7% du marché mondial, juste derrière Google. Le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, talonne le top 5 des 20 personnes les plus riches de la planète et cumule une richesse de 97 milliards de dollars. Microsoft dépasse toutes les attentes et affiche des résultats record.
Son PDG, Satya Nadella, brandit un chiffre d'affaires de 45,3 milliards de dollars, soit une hausse de 22%. Et réalise un bénéfice de 20,5 milliards de dollars en augmentation de 48% par rapport à l'année précédente. Les big pharma ont également profité de la crise et ont affiché des bénéfices opulents. Selon les données financières de Pfizer, BioNTech et Moderna, People's Vaccine Alliance affirme que ces sociétés engrangeront en 2021 des bénéfices avant impôts de 34 milliards de dollars. La presse mondiale a relayé l'information sur les gains vertigineux et ignobles, au regard de la crise, des trois entreprises qui réalisent à, elles seules, plus de mille dollars de bénéfices par seconde, soit 65.000 dollars par minute. People's Vaccine Alliance est un rassemblement international d'organisations, de dirigeants mondiaux et d'activistes unis dans l'objectif de défendre la généralisation de l'accès au vaccin contre le virus de la Covid-19. Le mouvement comporte des organisations comme Oxfam, Global Justice Now et ONUSIDA «Programme commun des Nations unies sur le VIH».
Ses membres demandent une suspension des accords internationaux sur les droits de propriété intellectuelle en vue de généraliser la production des vaccins antiCovid. Malheureusement, cette demande se heurte à la cupidité des mastodontes de la santé et de certains pays comme l'Allemagne et l'Angleterre. L'alliance pointe dans ses rapports la politique de tarification exorbitante du vaccin qui favorise les inégalités régionales d'accès à la vaccination. L'organisation estime que le vaccin est vendu actuellement à un prix qui varie de 4 à 24 fois plus qu'il ne pourrait l'être. D'après l'alliance, la position de monopole exercée et défendue farouchement par le lobby pharmaceutique a favorisé l'émergence de cinq nouveaux milliardaires, avec une accumulation de richesse de 35,1 milliards de dollars.
D'après Maaza Seyoum, de la People's Vaccine Alliance Africa, «il est obscène que seules quelques entreprises réalisent des millions de dollars de bénéfices chaque heure alors que seulement 2% des habitants des pays les plus pauvres ont été complètement vaccinés contre le coronavirus». Le rapport d'Oxfam 2021 indique que les trois sociétés ont reçu un financement public de plus de 8 milliards de dollars, mais refusent toujours de concéder aux pays pauvres et en voie de développement le transfert technologique et le savoir-faire pour la production locale des vaccins. Albert Bourla, le PDG de Pfizer, a refusé les appels de partage et a considéré la doléance de l'OMS comme un «non-sens dangereux». Tous ces faits révèlent que la théorie du ruissellement qui stipule que les avantages fiscaux concédés aux plus riches favoriseront les investissements et la création d'emploi pour les pauvres n'est en effet qu'un leurre. Arnaud Parienty (2018), professeur de sciences économiques et sociales, indique dans son livre intitulé «le mythe de la théorie du ruissellement», que cette théorie n'a jamais fait l'objet d'un fondement ou de vérification de validité. Il affirme que l'expression Trickle Down Effect a été initiée en 1932 par l'humoriste Américain Will Rogers pour critiquer la mesure fiscale du président George Hoover, qui voulait défendre l'application d'avantages fiscaux pour les riches.
Les faits économiques le prouvent, le ruissellement n'opère pas et la suppression de l'impôt sur la fortune augmente les inégalités et ne permet pas de relancer la croissance. D'après une étude réalisée en 2015 par le Fonds monétaire international, une augmentation de +1% des revenus des 20% les plus riches induit une croissance négative de -0.08%. Cependant, quand on augmente de +1% les 20% plus pauvres cela conduit à une croissance de +0.38%. Et dans le rapport «Fiscal Monotor» publié en avril 2021, le directeur du département des finances publiques du FMI, Vitor Gaspar, appelle à une taxation provisoire des fortunes et des multinationales qui ont prospéré pendant la crise, notamment les secteurs numérique et pharmaceutique. Il s'agit d'une taxe de solidarité payée par ceux qui se sont gavés pendant la crise pour réduire les inégalités et les fractures sociales.
Le rapport salue la mesure proposée par les Etats-Unis qui recommandent d'adopter le taux de 21% comme un niveau minimum d'imposition des entreprises à l'international. Mais finalement, ce taux a été revu à la baisse lors du sommet du G7 en juin dernier pour s'établir à 15%. Par ailleurs, les pays doivent s'accorder sur l'application d'une fiscalité commune et équitable en taxant les entreprises tentaculaires dans tous les pays où elles exercent une activité réelle. La taxation unitaire constitue à ce titre une technique plébiscitée par plusieurs experts et organisations de lutte contre l'évasion fiscale. Elle consiste d'abord à considérer la multinationale et ses nombreuses filiales comme une seule entité pour le calcul du bénéfice global. Ensuite, il s'agit de répartir ce bénéfice sur les différents pays dans lesquels la multinationale réalise une activité réelle en utilisant des clés de répartition économique comme le volume des ventes, la masse salariale et la valeur des actifs immobilisés. Enfin, le profit réalisé par pays fera l'objet d'une taxation au taux national dans un total respect de la souveraineté fiscale des Etats.

(*) Enseignante-chercheuse à l'Université Hassan II (Casablanca)


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