Purger une peine ne signifie pas être privé de ses droits élémentaires dêtre humain. La prison manquerait à sa fonction, en effet, si elle se cantonnait dans ce rôle privatif, comme lexplique ci-après Mustapha Meddah, directeur de lAdministration Pénitentiaire et de la Réinsertion. Finances News Hebdo : Quel rôle social la prison est-elle censée remplir en dehors de son statut despace carcéral ? Mustapha Meddah : La peine privative de liberté manquerait certainement à sa fonction et à son but si elle nétait pas compétée par des mesures éducatives visant la réinsertion des détenus dans la société. À cela sajoute la nécessaire volonté du détenu de participer aux programmes établis par lAdministration pénitentiaire. Cest dans cet esprit quil faudrait comprendre les nouvelles dispositions de la nouvelle loi 23/98 et son décret dapplication. F. N. H. : Quelles sont les activités et formations dispensées au sein des prisons marocaines ? M. M. : La Direction de lAdministration pénitentiaire agit selon un plan daction dont on peut reproduire les grandes lignes. Dans le domaine de lenseignement, lAdministration procède à la création au sein des établissements pénitentiaires de plusieurs classes scolaires couvrant les différents cycles dalphabétisation et les différents niveaux de lenseignement fondamental et secondaire. Cet enseignement est assuré essentiellement par une personne relevant du ministère de lEducation Nationale, lequel supervise également le déroulement et le contrôle des examens et délivre les diplômes aux lauréats sans faire mention de leur statut de détenu. En outre, les prisons assurent linscription des détenus se présentant en candidats libres aux différents examens de lenseignement secondaire et du baccalauréat. Quant à lenseignement supérieur, des mesures sont prises pour assurer linscription des détenus et pour les mettre en contact avec les enseignants chargés de leur encadrement. Les examens se déroulent selon les règles établies par les établissements denseignement supérieur. Dans cette perspective de traitement pénitentiaire, la formation professionnelle occupe une place de choix dans la mesure où elle permet au détenu dacquérir, soit dans les unités de production soit dans les centres de formation, un métier lui assurant des opportunités dembauche après sa libération. Des cadres qualifiés de lAdministration et un personnel relevant du ministère chargé de la Formation professionnelle assurent lapprentissage dactivités telles que lélectricité, la plomberie, la menuiserie, la construction et BTP, la coupe et couture, la ferronnerie, la maroquinerie, la cordonnerie, la coiffure, la broderie etc. La santé, quant à elle, est placée sous la responsabilité dune équipe composée actuellement de 66 médecins à plein temps, 85 médecins conventionnés, 64 infirmiers et 80 aides soignants. En outre, et dans le but de préserver le bien-être mental de lindividu, lAdministration pénitentiaire assure un climat de sérénité en organisant, en collaboration avec le ministère des Habous et des Affaires islamiques, des cours dinitiation ou de formation en matière religieuse. Laspect récréatif et créatif constitue, lui aussi, un élément important du traitement pénitentiaire dans la mesure où il contribue à lallégement de la vie carcérale. Aussi, des terrains pour les activités physiques et sportives et des ateliers dart plastique, de musique et de théâtre ont été aménagés dans la plupart des établissements pénitentiaires. Dans lesprit de permettre aux détenus de préserver le contact avec le monde extérieur, ces derniers peuvent se procurer des livres, des revues et divers périodiques et disposer également de moyens audio-visuels ainsi que de cabines téléphoniques. À ces différents rôles à dimension sociale, sajoute celui de lassistance sociale que lAdministration se doit de prêter aux détenus et à leur famille. Dans sa globalité, cette assistance vise à faciliter les démarches administratives telles que la transmission du courrier du détenu aux services intéressés, laccomplissement des formalités nécessaires pour lobtention de la carte didentité nationale, lenregistrement sur les registres détat civil des enfants nés de mère détenue, le placement de ces enfants dans des orphelinats ou dans des centres réservés aux enfants démunis, la recherche demploi après libération et lobtention éventuelle dun logement à la cité universitaire pour les anciens détenus qui poursuivent encore leurs études. Dans le même cadre dassistance sociale, lAdministration favorise le maintien des relations du détenu avec sa famille en incitant cette dernière à lui rendre visite, en généralisant la visite dans des parloirs non grillagés et en permettant au détenu de recevoir son épouse dans des conditions intimes. Désirant maintenir et renforcer les liens familiaux, la législation et les dispositions réglementaires prévoient par ailleurs la possibilité daccorder au détenu le droit de bénéficier dune permission de sortie allant jusquà 10 jours pour rendre visite à ses proches à loccasion dune fête nationale ou religieuse, pour consolider ses liens familiaux ou encore pour préparer sa réinsertion sociale. Le détenu peut aussi se rendre au chevet dun parent malade ou assister aux obsèques dun proche. F. N. H. : Tout cela est-il généralisé à lensemble des prisons marocaines ? M. M. : La plupart de ces activités sont généralisées. Quant à lenseignement et à la formation professionnelle, qui nécessitent un espace pédagogique approprié, ils sont dispensés dans 49 classes dalphabétisation, 36 classes denseignement primaire, 21 classes denseignement secondaire, 78 centres de formation professionnelle diplômant dans plusieurs filières. La coiffure, lesthétique, la broderie, le tricotage et le tapis sont réservés aux détenus de sexe féminin. F. N. H. : Quel rôle joue votre Administration dans ce sens ? Vos prérogatives sétendent-elles en dehors des prisons ? M.M. : Dans un souci délargir le champ de laction sociale et éducative, lAdministration pénitentiaire ne cesse duvrer pour lamélioration des conditions de vie dans les prisons tout en permettant aux détenus dacquérir une formation, véritable garant de la réinsertion sociale. Ne pouvant, à elle seule, subvenir aux besoins croissants des détenus pendant et après leur séjour en prison, lAdministration est soutenue dans ce domaine par quelques bienfaiteurs et des associations agissant en milieu carcéral. À cette occasion, il faut rappeler la décision royale du 15 janvier 2002 de créer la Fondation Mohammed VI pour la réinsertion des détenus qui, conformément aux orientations du Souverain, na cessé dapporter aide et soutien aux détenus en vue de favoriser leur réinsertion dans la société. F. N. H. : Quel est le budget alloué à toutes ces activités ? M.M. : Il est difficile davancer un chiffre précis sur le coût de laction sociale en milieu pénitentiaire. Si le budget de lEtat a alloué 1,35 million de DH pour les besoins de lenseignement et de la formation professionnelle, il nen demeure pas moins que les apports dautres intervenants ne sont pas négligeables, que ce soit sur le plan matériel, pédagogique ou autre. F. N. H. : Un chiffre sur les prisonniers récidivistes ? M. M. : Il sagit dun problème assez complexe dans la mesure où il faut distinguer la récidive légale, telle quelle est définie par larticle 154 du Code pénal, et le simple fait dune nouvelle incarcération après une première condamnation à une peine privative de liberté sans considération des éléments constitutifs de la récidive légale. En ce qui concerne ce dernier aspect, lAdministration pénitentiaire dispose de certaines données statistiques, mais ne pourra répondre dune manière précise à la question que lorsquelle aura terminé la mise en place du système informatique qui couvrira lensemble des établissements pénitentiaires du pays et qui permettra ainsi de recueillir toutes les données nécessaires.