Le gouvernement fédéral américain se retrouve à court d'argent samedi après l'échec des négociatons entre républicains et démocrates en vue de prolonger les financements nécessaires. Des centaines de milliers de fonctionnaires fédéraux sont au chômage technique. Le fonctionnement normal du gouvernement fédéral américain est une fois de plus suspendu depuis vendredi soir à minuit (heure locale). La situation absurde, dite de «shutdown», est le résultat de l'incapacité des républicains, majoritaires dans les deux chambres du Congrès, à s'entendre sur les priorités budgétaires du pays, ne serait-ce que pour une période transitoire de quelques semaines. Le gouvernement américain se retrouve officiellement à court d'argent. Alors que la Chambre des représentants avait adopté jeudi une proposition de loi visant à prolonger le financement du gouvernement fédéral jusqu'au 16 février, le Sénat a voté à 50 voix pour et 49 contre, manquant de 10 voix la majorité qualifée de 60 pour que le texte passe. Les démocrates minoritaires ont tout faire pour ne pas aider leurs rivaux. Dans le climat extrêmement partisan qui règne à Washington, le «shutdown» est devenu une arme électorale. Les démocrates veulent s'en servir pour démontrer à l'opinion américaine que les républicains, bien que majoritaires, ne sont pas capables de gouverner et méritent d'être remplacés lors des législatives de novembre. Pour les républicains, le «shutdown» est censé démontrer que les démocrates sont des idéologues et des démagogues, prêts à aller jusqu'au bout de l'absurde pour faire passer les intérêts de leur clientèle électorale, avant ceux du pays. Ce «shutdown» intervient le jour du premier anniversaire de l'investiture du président Donald Trump. Pour la première fois depuis 2013, le gouvernement fédéral va devoir fermer des dizaines d'agences à travers le pays et suspendre le versement des salaires de centaines de milliers de fonctionnaires fédéraux «non-essentiels», sur un total de 2, 8 millions. Les forces armées, les polices fédérales, les services des douanes, des contrôleurs aériens, des inspections vétérinaires de produits alimentaires, de la justice, par exemple ne sont pas affectés par un «shutdown». En revanche les parcs nationaux resteront fermés. Les statistiques économiques ne seront plus compilées. Les permis d'exploiter les mines ne seront plus délivrés. Les licences d'exportation non plus. La poste américaine assurera cependant son service normalement car elle n'est pas financée par le budget. Les écoles militaires seront fermées, mais les écoles ordinaires continueront d'accueillir leurs élèves car elles ne dépendent pas du budget fédéral, mais des Etats. Dans un communiqué, la Maison-Blanche rend les démocrates responsables de la situation. La situation est aggravée par les interventions intempestives du Président Trump, souvent par le biais de tweets. Il suffit qu'un accord fragile se dessine pour que brusquement une colère présidentielle vienne tout faire capoter. Les républicains au Congrès sont les premiers, en privé, à déplorer ces outrances de la Maison-Blanche. On peut en conclure que quelque part, les deux camps se réjouissent à court terme du drame politique que représente le «shutdown». À condition bien entendu qu'il n'aille pas trop loin. En 2013 le «shutdown» avait duré 16 jours et fait perdre 6, 6 millions de journées de travail aux fonctionnaires fédéraux qui furent néanmoins payés rétroactivement. Les leaders démocrates, soutenus par la presse résolument hostile à Donald Trump, utilisent le sort de 700.000 jeunes sans papier, nés de parents entrés illégalement sur le territoire américain, pour dramatiser leur affrontement partisan. Ils veulent profiter du levier que leur donne le «shutdown» pour obtenir des républicains que ces jeunes surnommés «dreamers», soient protégés d'un ordre d'expulsion de territoire américain. Les républicains arguent que de toute façon le statut des «dreamers» n'est pas une question urgente. Le Congrès a jusqu'au 5 mars pour statuer sur leur sort. Leur expulsion n'est donc pas imminente. Mais certains républicains conditionnent leur vote d'un compromis fiscal à l'inclusion dans le texte du financement de la construction d'un mur sur une partie de la frontière mexicaine. «Pas question» répliquent les démocrates. Comment en est-on arrivé là? L'année fiscale 2018 a commencé le 1er octobre 2017, mais le Congrès n'a toujours pas voté les budgets des dépenses militaires et civiles. Le gouvernement fédéral américain n'a pu fonctionner depuis trois mois et demi que grâce à des crédits votés pour de très courtes périodes. L'idée était de donner aux leaders républicains et démocrates le temps de négocier une solution couvrant l'ensemble du calendrier fiscal jusqu'au 30 septembre 2018. L'Amérique a connu 21 «shutdowns» depuis 1981. Le plus long en décembre 1995-janvier 1996, opposant le président démocrate Bill Clinton aux républicains de la Chambre des représentants, avait duré 21 jours.