D'un mal peut venir un bien. Le Maroc a su tourner les pions et est devenu le principal client du gaz espagnol, renforçant ainsi un partenariat énergétique de plus en plus crucial. Cette évolution fait suite à la décision du gouvernement espagnol de rouvrir le gazoduc de Tarifa pour acheminer du gaz vers Rabat, inversant ainsi le flux habituel, d'après les médias ibériques. Cette mesure intervient après la fermeture unilatérale du gazoduc par l'Algérie, bouleversant les dynamiques régionales du gaz. En effet, la réouverture du gazoduc, qui relie le Maroc à l'Europe via le détroit de Gibraltar, s'est concrétisée deux ans après une décision critique. Ce gazoduc, passant par Tarifa et Cadix, était initialement destiné à fournir du gaz algérien à l'Europe, mais il est désormais utilisé pour approvisionner le Maroc en gaz espagnol. En ce sens, les médias ibériques indiquent que « cette réorientation stratégique intervient dans un contexte de crise énergétique et de tensions diplomatiques entre l'Espagne et l'Algérie, exacerbées par le changement de position de l'Espagne sur le Sahara en faveur du plan d'autonomie proposé par le Maroc, un projet rejeté par Alger ». Le Maroc, un acteur majeur des exportations de gaz espagnol Depuis la réouverture du gazoduc, le Maroc s'est imposé comme une destination clé pour les exportations de gaz d'Espagne. « En seulement deux ans, il est devenu le deuxième plus grand acheteur de gaz réexporté depuis l'Espagne, juste derrière la France. En janvier dernier, le Maroc a atteint un record historique en devenant la principale destination des exportations de gaz espagnol, représentant 28 % du total des exportations mensuelles », rapporte-t-on du journal espagnol Activos. Les données d'Enagás, le gestionnaire du système gazier espagnol, et de la Corporation des réserves stratégiques de produits pétroliers (Cores), montrent que « les expéditions vers le Maroc représentent actuellement 16,5 % de toutes les réexportations de gaz naturel d'Espagne. Ce chiffre dépasse largement les 12,5 % atteints au second semestre 2022 et les modestes 5 % du début de l'accord, indiquant une croissance significative de la demande marocaine ». Contrairement à ce que l'on pourrait penser, Madrid ne vend pas directement du gaz au Maroc. Son rôle se limite à faciliter le transit du gaz. « Le processus commence par la réception des cargaisons de gaz achetées par Rabat auprès de divers pays fournisseurs dans les terminaux de regazéification espagnols. Ce gaz est ensuite transporté via le gazoduc de Tarifa jusqu'au Maroc. Tout le gaz réexporté d'Espagne vers le Maroc porte un certificat d'origine et est soumis à une surveillance stricte pour garantir qu'aucune molécule algérienne ne soit acheminée, conformément aux exigences d'Alger », explique l'auteur de l'étude. La regazéification du gaz acheté par le Maroc en Espagne est économiquement bénéfique pour les deux pays. Selon les données du gouvernement espagnol, ce processus génère environ deux millions d'euros de revenus annuels pour l'Espagne. À cela s'ajoutent les frais de déchargement des navires, le stockage du gaz naturel liquéfié et l'utilisation du réseau de transport, augmentant ainsi les gains économiques. La capacité maximale d'exportation du gazoduc de Tarifa est de 960 gigawattheures (GWh) par mois. Au cours des deux dernières années, cette capacité a été fréquemment exploitée à plus de 90 %, atteignant même son maximum en août dernier avec l'expédition de 958 GWh vers le Maroc. Ces chiffres illustrent la forte demande marocaine et l'efficacité du partenariat énergétique entre les deux pays. Par ailleurs, la coopération énergétique entre le Maroc et l'Espagne, matérialisée par la réouverture du gazoduc de Tarifa, représente un tournant stratégique dans les relations bilatérales.