Le président Mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz a mis le holà à des mois de suspense et de supputations. En déclarant renoncer définitivement à briguer un 3ème mandat à la tête du pays, le chef de l'Etat a déjoué tous les pronostics, assurant qu'il quittera ses fonctions à la fin du mandat en cours, qui expire en avril prochain. Et pourtant, rien ne laissait présager cette issue. Tout a été envisagé et donné pour acquis...même une révision de la constitution qui limite les mandats présidentiels à deux. Appelé par ses partisans à se représenter en avril « même s'il fallait pour cela amender la Loi fondamentale », Ould Abdel Aziz a dit non, après avoir, semble-t-il, tâté le pouls de la rue, mais surtout de ses opposants, notamment la Conférence démocratique nationale (CDN), qui des mois durant, n'ont cessé d'accuser Ould Abdel Aziz de faire main basse sur le pays et d'assurer que « l'organisation d'élections démocratiques, libres et transparentes en Mauritanie est impossible ». « Soyons clairs. Ce que j'ai dit est clair. J'ai dit que je n'abandonnerai pas la Mauritanie et, personnellement, je ne toucherai pas à la Constitution. Je l'ai dit et répété à plusieurs reprises », ne cessait-il de marteler, mais ses détracteurs n'y croyaient guère. Pour mieux enfoncer le clou, Ould Abdel Aziz, arrivé au pouvoir par un coup d'Etat en 2008, puis élu en 2009 et réélu en 2014, a même appelé « à mettre fin à toutes les initiatives visant la révision de la constitution ». Un communiqué rendu public par la Présidence de la République ce mardi, affirme même qu' »un large groupe de parlementaires ont également commencé une coordination pour collecter les signatures de leurs collègues députés dans le but de modifier les articles de la Constitution relatifs aux mandats de manière à ouvrir devant le président la possibilité de présenter sa candidature aux prochaines échéances présidentielles ». Partir en restant Si avec cette annonce de renonciation, il vient de retirer le tapis de sous les pieds de ses opposants, il n'en demeure pas moins que ces derniers s'attendent à un plan B qui lui permettra, même en « laissant tomber la magistrature suprême », de garder toutes les cartes en main. Ne disait-il pas qu'il « n'acceptera pas de laisser le champ libre à ceux qui ont détruit et pillé ses ressources ». « (...) si j'ai dit que j'allais quitter le pouvoir, cela ne veut pas dire non plus que je vais baliser une autoroute pour des gens qui étaient là, qui ont détruit la Mauritanie et qui l'ont déstabilisée. Je resterai ici en Mauritanie et je ferai tout pour que ce que nous avons fait, avec le soutien du peuple mauritanien, avec le soutien de mon gouvernement, puisse continuer, que le pays puisse se développer dans la sécurité et dans la stabilité », faisait-il savoir. Scénario à la Medvedev De là à l'accuser de « se chercher un Medvedev », le pas est vite franchi, et cela fut fait. Car depuis qu'il s'est engagé à ne pas modifier la Constitution pour pouvoir briguer un troisième mandat en 2019, il n'a pas caché qu'il « soutiendrait un candidat ». Et pour cela, il a l'embarras du choix parmi ses fidèles qu'il a pris le soin de « placer »: le ministre de la Défense, Mohamed Ould Ghazouani, celui de l'Economie, Moctar Ould Diay, le président de l'Assemblée nationale, Cheikh Ould Baya, ou encore l'ancien Premier ministre Yahya Ould Hademine. Le choix est large, et Ould Abdel Aziz prendra certainement son temps pour choisir son dauphin ...en attendant le Grand retour de 2024. Tawassoul en ligne de mire Aux fidèles qui « voulaient changer la constitution pour lui permettre de rempiler », Ould Abdel Aziz a lancé un appel. Il les a en effet invités « à resserrer les rangs pour faire face aux ennemis de la patrie et aux adeptes de la division, de la haine, de la violence et de l'extrémisme ». Le message est clair, et le principal parti islamiste de Mauritanie Tawassoul serait le principal concerné par cette promesse-menace. Il faut dire qu'Ould Abdel Aziz n'a jamais caché son aversion pour la formation. « Il n'est pas normal qu'un seul parti utilise et s'accapare l'islam, ce n'est pas acceptable et ce ne sera plus accepté à l'avenir. L'islam politique est dangereux », a-t-il averti. Selon le président mauritanien, l'islam politique « a détruit des nations entières et rendu les meilleurs services aux Israéliens qui, au regard des conséquences de son activisme, sont d'ailleurs plus cléments que lui vis-à-vis du monde arabe ». Le mot est dit !