Accusations excessives, vocabulaire virulent et paranoïa grandissante : quand ce n'est pas le ministère des Affaires étrangères algérien qui se charge de lancer des communiqués cinglants à l'encontre de certains États, ce sont les médias publics de ce pays qui s'illustrent par des diatribes d'un autre temps. Cette fois, c'est aux Émirats Arabes Unis qu'Alger s'en prend, après une émission au cours de laquelle un universitaire algérien a été interviewé par une présentatrice....algérienne ! Après le Maroc, et la France, le régime algérien s'en est violemment pris aux Émirats arabes unis après la diffusion, sur Sky News Arabia, d'une émission traitant de l'amazighité. Le ton employé par la télévision publique algérienne dans sa réaction ne laisse aucun doute : Alger estime être directement visée par une campagne émiratie qu'elle juge attentatoire à son unité nationale. Dans une publication au vitriol sur sa page Facebook officielle, ainsi que dans un segment diffusé lors du journal télévisé, la télévision publique algérienne – porte-voix du régime – s'en est prise à ce qu'elle qualifie de "douayla", mot péjoratif désignant un "petit État", "sans souveraineté réelle". Elle accuse les Émirats de tenter de semer la discorde en Algérie, à travers une "opération médiatique planifiée" visant les fondements de l'identité nationale. "Ce qui s'est passé sur la chaîne de ce petit État ne relève pas de la liberté d'expression, mais d'un plan ciblé pour provoquer l'Algérie", affirme le média officiel. La réaction hystérique d'Alger a éclaté après la diffusion, sur Sky News Arabia, d'une émission au cours de laquelle l'universitaire algérien Mohamed El Amine Belghit a tenu des propos niant la dimension amazighe de l'identité algérienne. Selon lui, l'amazighité n'est qu'un "projet idéologique franco-sioniste", et les populations berbères ne seraient, au fond, que des Arabes d'origine phénicienne. Des déclarations qui ont provoqué un tollé sur les réseaux sociaux algériens, mais aussi une réponse officielle particulièrement agressive, dirigée moins contre l'historien que contre l'État émirati. Le média d'État parle d'un "marchand d'idéologie vendu dans le souk de l'Histoire" utilisé comme outil de déstabilisation par une "entité sans légitimité historique ni profondeur civilisationnelle". Des accusations graves à l'encontre d'un pays arabe Plus qu'une simple controverse médiatique, Alger transforme l'affaire en confrontation diplomatique. Le message de la télévision publique algérienne affirme que l'émission s'inscrit dans "une série d'actes hostiles" de la part d'Abu Dhabi, et met en garde contre "toute tentative de manipulation des constantes de la nation algérienne". Il conclut par une menace à peine voilée : "l'Algérie répondra avec force à toute provocation, quelle qu'en soit l'origine". Ce n'est pas la première fois qu'Alger manifeste son irritation à l'égard des Émirats. Depuis plus d'un an, plusieurs signes de tension sont apparus, notamment dans les discours officiels évoquant de manière cryptée, puis explicite, des "actes de déstabilisation venant d'un pays frère du Golfe". Le président Abdelmadjid Tebboune avait lui-même pointé, en mars 2024, une "main étrangère arabe" cherchant à "attiser les divisions ethniques et confessionnelles dans la région". Un débat identitaire instrumentalisé par le pouvoir Dans le fond, l'émission de Sky News Arabia n'a fait que raviver une fracture interne que le régime algérien peine à gérer : celle du traitement de l'amazighité. Si la langue amazighe est reconnue officiellement, la place de l'identité amazighe dans la construction nationale demeure un sujet sensible. L'Etat algérien lui-même combat l'identité Amazigh qui s'illustre notamment dans le dossier de la Kabylie. En désignant un ennemi extérieur – ici les Émirats –, le pouvoir tente manifestement de détourner la colère populaire vers une cible étrangère, au lieu d'assumer ses propres ambiguïtés. C'est bel et bien le régime algérien, au niveau politique et militaire, qui avait interdit aux manifestants du Hirak de hisser le drapeau Amazigh. L'interdiction avait été brandie par l'ancien général Gaid Salah et les manifestants avaient été emprisonnés. Plusieurs militants amazighs, en Algérie comme dans la diaspora, ont dénoncé la manœuvre algérienne cherchant à attribuer le problème à « l'ennemi extérieur ». "Ce n'est pas Sky News Arabia qui nie notre histoire, c'est l'État algérien qui donne la parole à ceux qui falsifient nos origines", a réagi un activiste kabyle sur X (ex-Twitter), en réponse aux propos de Mohamed El Amine Belghit.