La dernière sortie d'Abdelilah Benkirane, secrétaire général du Parti de la Justice et du Développement (PJD), n'a pas manqué de raviver les tensions dans une scène politique marocaine déjà marquée par de profondes recompositions. En s'en prenant de manière moqueuse au président français, dans un contexte diplomatique particulièrement sensible, l'ancien chef du gouvernement a, une fois de plus, cédé à la tentation de la posture au détriment de la responsabilité d'homme d'État. Une dérive que n'a pas manqué de relever Nezha El Ouafi, Secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Energie, des Mines et du Développement Durable et figure modérée du même parti. Dans une publication mesurée mais ferme, diffusée sur son compte Facebook, elle a dénoncé « un sarcasme inapproprié » dirigé contre le chef de l'État français, tout en appelant à une hauteur de vue plus en phase avec les enjeux géopolitiques du moment. Sans jamais le nommer explicitement, El Ouafi adresse à Benkirane une leçon de diplomatie en règle : « Défendre la cause palestinienne, aussi noble et partagée soit-elle par les Marocains, ne saurait justifier qu'on piétine les symboles d'États alliés avec lesquels le Royaume entretient des partenariats stratégiques ». Et de rappeler, dans un rappel salutaire aux réalités du terrain, que la France s'est tenue aux côtés du Maroc dans des moments-clés, notamment sur la question du Sahara. Elle met en garde contre les effets contre-productifs de ces sorties : loin de renforcer la position marocaine, elles «affaiblissent le crédit diplomatique du pays », en plus d'ouvrir des brèches inutiles sur le plan international. Une manière polie de souligner que la politique étrangère ne se mène ni en meeting, ni à la tribune d'un parti en mal de repères. Mais au-delà du rappel à la raison diplomatique, c'est un véritable diagnostic sur l'état du PJD que propose l'ancienne ministre. Un parti, selon elle, « jadis espace de débat et de plaidoyer pour les grandes causes nationales», mais qui semble désormais s'égarer dans des « réactions personnelles » éloignées de toute construction politique sérieuse. La dérive langagière n'est pas qu'un accident : elle serait, à en croire El Ouafi, le symptôme d'un affaissement idéologique plus large. Elle évoque la nécessité pour le parti à référentiel islamique de renouer avec les valeurs de respect, modération et décence dans le discours public, et condamne fermement les invectives et les propos injurieux, « réprouvés tant par la religion que par l'éthique marocaine ». En creux, cette intervention sonne comme un appel — peut-être désespéré — à un sursaut d'élégance politique au sein d'un parti dont la boussole semble aujourd'hui déréglée. Benkirane, qui fut un tribun charismatique et un tacticien redoutable, semble aujourd'hui prisonnier d'un style oratoire devenu caricatural, plus apte à galvaniser les foules qu'à servir les intérêts supérieurs de la nation. Loin de l'excès et de la surenchère, la posture d'El Ouafi rappelle une évidence trop souvent oubliée : le leadership, en politique, ne se mesure pas à la virulence des mots, mais à la capacité de porter une vision lucide, digne et stratégiquement utile pour son pays.