Le régime algérien, parrain attitré des causes séparatistes à l'étranger (mais uniquement lorsqu'il s'agit d'embarrasser un adversaire géopolitique, et jamais chez lui), semble s'être trouvé un nouveau cheval de bataille : la question bretonne ! A Paris, Rabat ou Bamako, cette diplomatie de la dissonance ne trompe plus personne : Alger prêche le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, à condition qu'ils ne s'appellent pas Kabyles, Mozabites ou Touaregs. Hypocrisie ? Non, stratégie. Mais une stratégie minable, menée par un régime plus soucieux de semer la discorde que de résoudre ses propres nœuds historiques. « Fiat separatio – tant que c'est le foyer de quelqu'un d'autre". L'épisode de Canal Algérie, qui a diffusé il y a quelque jours un reportage sur l'indépendance bretonne, est le dernier exemple en date de cette manipulation cynique. Soudainement, Alger se prend d'une passion effervescente pour les causes nationalistes en France. La Bretagne, cette région française qui n'a même pas fait parler d'elle dans les médias depuis des décennies, devient le symbole d'un combat contre Paris. Soutien à la Bretagne et réalité algérienne : le choc des incongruités Dans le reportage en question, Canal Algérie va jusqu'à diffuser un message qui ferait pâlir d'indignation le plus tolérant des historiens. Le Parti National Breton (PNB), un groupuscule néonazi dont le fondateur est recherché par Interpol, se retrouve ainsi invité à dire ses quatre vérités contre la France colonisatrice. Erwan Pradier, son président, n'y va pas par quatre chemins, dénonçant une "annexion" de la Bretagne par la France, allant même jusqu'à plaider pour une révolte bretonne contre l'État français. Étonnamment, aucune mention n'est faite du passé néonazi du PNB ou de son caractère antisémite notoire. Un détail oublié par la diplomatie algérienne, probablement trop occupée à vouloir se poser en porte-parole des "opprimés". Mais alors, pourquoi cet engouement soudain pour la Bretagne ? Peut-être parce qu'il s'agit là d'une cause qui ne dérange personne, une cause facile à défendre à distance. Une cause à mille lieues des véritables combats que pourrait mener l'Algérie pour ses propres citoyens. Qu'en est-il de la cause kabyle ? Il est toutefois amusant de voir un régime qui s'arroge la parole des "peuples sans État" se faire passer pour le défenseur de ces causes, alors qu'il réprime implacablement les aspirations à l'autodétermination chez ses propres citoyens. À commencer par la Kabylie, où l'appel à l'indépendance est traité comme un acte de terrorisme par les autorités algériennes. L'histoire de la répression en Kabylie est bien plus ancienne que cette frénésie géopolitique de soutien aux séparatismes ailleurs. Depuis 2001, les Kabyles ne cessent de réclamer plus de droits et de reconnaissance de leur culture et de leur identité. Pour toute réponse, ils reçoivent des balles et des arrestations arbitraires. Le Mouvement pour l'Autodétermination de la Kabylie (MAK) a été qualifié de groupe terroriste par le pouvoir d'Alger, et ses membres sont persécutés, emprisonnés ou forcés à l'exil. Mais quand il s'agit de la Bretagne, qui n'a jamais véritablement connu de répression à l'échelle de ce que vivent les Kabyles, Alger se fait le champion du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Là où, chez soi, toute contestation est violemment écrasée, à l'extérieur, c'est un festival de soutien aux causes séparatistes qui dérangent les puissances avec lesquelles Alger veut se mesurer. Ce double standard, si grossier, n'est qu'une énième tentative d'occuper les premières loges de la scène diplomatique mondiale sans jamais avoir à faire face à ses propres démons. Le jeu de la diversion : Paris dans la ligne de mire Derrière cette mascarade se cache bien sûr la volonté de nuire à la France. Mais cette fois, le régime d'Alger a décidé de jouer sur l'aspect culturel et régional, en soutenant une cause bretonne qui reste anecdotique. La stratégie est claire : jeter la lumières sur des "conflits" en France tout en dissimulant les siens. Mais cette fois-ci, la manœuvre semble tourner à la farce. Les rapports entre l'Algérie et la France se sont tellement détériorés qu'Alger a misé sur une stratégie encore plus risquée : celle de l'instrumentalisation de l'image de la Bretagne, pour contourner l'isolement diplomatique dans lequel il s'est volontairement enfermé. Les contradictions à l'état pur Rien n'illustre mieux ces contradictions que l'attitude du régime algérien vis-à-vis de l'autodétermination. D'un côté, il brandit l'étendard de la liberté des peuples pour les autres ; de l'autre, il emprisonne, expulse et réprime les voix dissidentes qui réclament leur droit à la liberté à l'intérieur de ses frontières. L'Algérie est en guerre contre ses propres citoyens, tout en revendiquant être le défenseur des peuples opprimés ailleurs. Un comble.