Le débat sur la situation de la liberté de la presse au Maroc s'intensifie à l'hémicycle, à la faveur d'une question orale adressée au ministre de la Communication. Le contexte est doublement symbolique : d'un côté, l'élection historique du Maroc à la présidence du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, de l'autre, la publication du dernier classement de l'ONG Reporters sans frontières, qui acte une amélioration notable du Royaume en matière de liberté de la presse. Lors de la réunion de la Commission de l'enseignement de la culture et de la communication, tenue ce mercredi 14 mai 2025 à la Chambre des représentants, le groupe du parti du progrès et du socialisme (PPS) a soulevé de nouvelles inquiétudes à propos de la déstructuration croissante instaurée par l'expansion effervescente et débridée des réseaux sociaux. Une amélioration saluée, notamment en raison de l'absence récente d'emprisonnements en lien avec l'exercice journalistique. Cependant, les appels à la vigilance ne manquent pas. Plusieurs intervenants ont pointé du doigt les menaces persistantes à l'encontre de certains journalistes exprimant des critiques sur la gestion publique, et ont insisté sur la nécessité d'une volonté politique forte pour consolider les acquis. « Démocratie et liberté de la presse sont intimement liées », a rappelé un député du Groupe du PPS, soulignant que la qualité de l'information, l'indépendance financière et éditoriale des médias ainsi que la formation des journalistes sont autant de piliers à renforcer. Le paysage médiatique marocain, à l'instar du reste du monde, subit aussi de plein fouet les effets de la révolution numérique. La montée en puissance des réseaux sociaux et la prolifération des sites électroniques bousculent les équilibres traditionnels. Le phénomène du « citoyen journaliste » appelle à repenser les mécanismes de régulation, non dans une logique de censure, mais de structuration qualitative de l'espace médiatique. La question du financement a également été au centre des préoccupations. Des voix se sont élevées contre l'instrumentalisation potentielle de la publicité publique, perçue comme un levier de contrôle déguisé. C'est dans ce sens qu'une proposition législative visant à encadrer l'octroi de la publicité institutionnelle a été introduite, avec pour objectif d'assurer plus d'équité, de transparence et de soutien aux entreprises médiatiques sérieuses. Autre tournant de crispation, l'impasse institutionnelle autour du Conseil national de la presse. La prolongation exceptionnelle de son mandat, suivie de la nomination d'un comité provisoire dont le mandat arrive à échéance en octobre 2025, n'a pas été accompagnée de réelles avancées, ni en termes d'organisation d'élections, ni d'évaluation de la gouvernance. Une situation qui alimente les soupçons d'instrumentalisation et de tentative de mise sous tutelle du champ médiatique. Certains élus ont dénoncé la tentative de quelques acteurs gouvernementaux, en lien avec des segments minoritaires du corps journalistique, de miner l'autonomie de la profession et de neutraliser toute dynamique d'autorégulation. Ainsi, la question de l'utilisation des médias publics à des fins partisanes a été soulevée, notamment en lien avec la couverture jugée promotionnelle de projets gouvernementaux dans le contexte de l'organisation de la Coupe du monde. Une plainte a été déposée auprès de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle (HACA), tandis qu'un éclaircissement est attendu du gouvernement. Dans le même cadre, Mehdi Bensaid, ministre de la culture, a précisé que son département est actuellement engagé dans l'élaboration d'un cadre juridique « robuste, cohérent et complet », destiné à encadrer les activités des réseaux sociaux, avant de le soumettre aux processus législatifs en vigueur. Il a souligné que l'expérience internationale, notamment le cadre européen DSA (Digital Services Act), constitue une référence essentielle et éclairante dans cette démarche. Il a salué le DSA, entré en application au sein de l'Union européenne en 2023, comme étant « l'un des textes les plus avancés au niveau mondial » en matière de régulation des services numériques en ligne. Ce dispositif impose des obligations strictes en matière de transparence, de lutte contre les contenus illicites, et de garantie de la sécurité des utilisateurs, en particulier des mineurs. Il institue également des mécanismes efficients pour la suppression rapide des contenus nuisibles et confère de considérables pouvoirs aux autorités réglementaires pour suivre la conformité des plateformes et sanctionner les défaillances ou transgressions.