Pris en tenaille entre combats, rackets et routes coupées, des milliers de Soudanais demeurent piégées à El Fasher et ses environs, tandis que l'accès humanitaire se réduit de jour en jour, ont alerté mercredi des agences humanitaires des Nations Unies. Deux jours après que le chef de l'humanitaire de l'ONU, Tom Fletcher, a décrit le Darfour comme « l'épicentre mondial de la souffrance humaine », les agences des Nations Unies alertent sur la détérioration fulgurante de la situation à El Fasher et dans les régions voisines. Entre violences, famine menaçante et déplacements massifs, les civils restent pris au piège dans une crise dont l'ampleur ne cesse de croître. Selon le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), une partie des habitants serait désormais retenue par des groupes armés en vue d'obtenir une rançon, tandis que d'autres sont empêchés de fuir en raison du coût prohibitif des transports. « Ces facteurs aggravent les risques de famine, de maladie et de violence », détaille l'agence dans son dernier rapport, soulignant que « l'insécurité, les pillages et les routes bloquées continuent de piéger des milliers de personnes sans possibilité de passage sûr et exposent les femmes et les enfants à des risques extrêmes en matière de protection ». Rappelons que depuis plusieurs semaines, la capitale du Darfour du Nord est tombée aux mains des Forces de soutien rapide (FSR), une prise de contrôle qui a précipité un exode massif. Des dizaines de milliers de civils ont quitté la ville dans l'urgence, fuyant affrontements, exactions et pillages systématiques. L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) estime que près de 100.000 personnes ont été déplacées depuis le 26 octobre. Même sur les routes de fuite, le danger est omniprésent. Le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) dit continuer de recevoir « des informations alarmantes faisant état de graves violations » à l'encontre de civils ayant réussi à quitter El Fasher. Les témoignages parvenus dans d'autres localités du Darfour du Nord, des Etats du Nord et du Nil Blanc décrivent un climat de terreur. « Dans le nord du Darfour, les civils qui fuient El Fasher sont exposés à de graves risques le long de leur route vers Tawila et les zones environnantes, où ils s'exposent, aux points de contrôle, à des agressions physiques, des violences sexuelles, des enlèvements contre rançon et des meurtres », rapporte le HCR. Les restrictions de mouvement et l'impossibilité de trouver un transport sûr laissent par ailleurs de nombreuses familles bloquées en pleine zone de combat. Sur le terrain, les ONG peinent à intervenir. Les principales voies d'approvisionnement sont coupées par les affrontements, tandis que les obstacles administratifs ralentissent l'acheminement de l'aide. L'UNICEF décrit une situation « extrêmement grave » en matière de protection : violences sexistes, massacres et pillages se multiplient dans un contexte d'impunité totale. Le coût psychologique pour les enfants est déjà immense. « Beaucoup d'entre eux sont victimes de traumatismes et de pertes sans avoir accès à des espaces sûrs ou à des services de soutien », avertit l'agence onusienne. La crise ne se limite plus au Darfour. Au Kordofan (Nord, Sud et Ouest), la situation se dégrade également à grande vitesse. Depuis début novembre, les régions sont marquées par « une intensification des frappes aériennes, des attaques de drones et une forte mobilisation de troupes », selon l'UNICEF. Les localités de Babanousa, Dilling et Kadugli sont toujours assiégées. Dans ces zones enclavées, l'accès à la nourriture, à l'eau et aux soins se détériore de jour en jour. Dans le nord du Kordofan, les déplacements se poursuivent à mesure que les incidents sécuritaires s'aggravent autour d'Al Obeid. Entre le 26 octobre et le 13 novembre, près de 40.000 personnes ont été forcées de fuir, selon l'OIM, dont une partie provenant de la localité de Bara. Les flux commerciaux ayant presque cessé, les pénuries de nourriture et de médicaments essentiels sont désormais critiques. L'UNICEF a réussi à livrer un volume limité de fournitures médicales et de kits WASH ces dernières semaines, mais les besoins dépassent largement les capacités actuelles. Dans son dernier rapport, l'UNICEF évoque « une grave pénurie de nourriture et de fournitures médicales » en raison notamment du siège du Kordofan du Sud. L'agence assure toutefois vouloir étendre sa présence dans les zones sensibles, en particulier au Darfour et au Kordofan, pour maintenir un minimum de services vitaux aux enfants et aux familles, « au moment où ils en ont le plus besoin ».