Le dernier rapport annuel des réseaux « Association Ennajd contre les violences basées sur le genre » et « Femmes solidaires » dresse un tableau alarmant de la situation des femmes victimes de violence au Maroc. Entre le 1er juillet 2024 et le 30 juin 2025, leurs centres ont enregistré 28.980 cas, dont près de la moitié, soit 47 %, relèvent de la violence psychologique, confirmant ainsi la domination persistante de cette forme d'abus au sein des signalements. Présenté ce jeudi à Rabat lors d'une conférence de presse et élaboré en coordination avec la Fédération de la Ligue des droits des femmes, le rapport souligne que la violence économique et sociale constitue la deuxième forme de violence la plus déclarée, avec 23 % des cas recensés. Les violences juridiques (10 %), physiques (8 %), numériques (7 %) et sexuelles (5 %) apparaissent dans des proportions moindres, bien qu'elles témoignent, selon les rédactrices du document, de « la persistance des dimensions structurelles de la violence contre les femmes, nourries par des rapports de force inégaux au sein de la famille et de la société, ainsi que par la faiblesse de l'indépendance économique des femmes ». Sur le terrain, les structures d'écoute des deux réseaux continuent d'enregistrer une forte demande. Celles relevant du réseau Ennajd ont reçu 1.302 victimes, tandis que les centres du réseau Femmes solidaires en ont accueilli 2.977, portant à 4.279 le total des femmes ayant sollicité un accompagnement entre juillet 2024 et juin 2025. Appel à une réforme profonde des lois Sur le plan législatif, le rapport plaide pour une révision globale de la loi 103-13, en insistant sur la nécessité de criminaliser explicitement toutes les formes de violence les plus courantes, comme le viol conjugal, la violence économique et la violence numérique dans toutes ses manifestations contemporaines. Il recommande également de simplifier et renforcer les mesures de protection immédiate, en rendant leur mise en œuvre obligatoire pour le parquet et la police judiciaire. La fédération appelle également à une révision en profondeur du Code pénal, en revoyant sa classification tripartite des infractions et en consacrant un chapitre spécifique à la violence fondée sur le genre. Elle insiste aussi sur l'urgence d'« accélérer la publication d'un Code de la famille égalitaire et juste », avec la mise en place de garanties assurant l'égalité entre les sexes, la suppression de toute discrimination dans les droits et obligations, l'abolition définitive des exceptions autorisant le mariage des mineures et la fixation ferme de l'âge légal du mariage à 18 ans. Le rapport recommande en outre de considérer l'acte de mariage comme seul moyen de preuve, de simplifier les procédures de formalisation des unions, et d'accélérer la numérisation des actes afin de garantir l'enregistrement systématique de tous les mariages dans des registres officiels en format numérique. La violence demeure en hausse de manière préoccupante Prenant la parole lors de la présentation, Najia Tazrout, présidente du réseau « Ennajd contre les violences basées sur le genre », a souligné que la publication coïncide avec les Journées internationales de lutte contre la violence à l'égard des femmes. Selon elle, le rapport « contient des statistiques précises sur la violence contre les femmes et les filles, et propose des recommandations importantes avec une classification claire des violences recensées ». Elle a insisté sur le fait que « les cas documentés à travers les deux réseaux montrent que la violence reste en hausse de façon inquiétante, et que les politiques publiques ainsi que les réformes législatives engagées jusqu'ici demeurent insuffisantes pour combattre cette violence de manière globale ». Pour Najia Tazrout, les textes juridiques, notamment le Code de la famille et le Code pénal, représentent un levier essentiel pour instaurer l'égalité et lutter contre les différentes formes de violence. Elle a également rappelé que les actions de sensibilisation et de prévention jouent un rôle crucial dans la réduction de ce fléau. Ce rapport s'inscrit dans une démarche continue menée depuis plusieurs années par la Fédération de la Ligue des droits des femmes, qui a accumulé une solide expérience dans l'accompagnement, l'orientation, le soutien et parfois l'hébergement des femmes victimes de violence. En partenariat avec les réseaux Ennajd et Femmes solidaires, elle a également développé des compétences reconnues en matière de veille, de collecte des données et de suivi régulier des différentes formes de violences subies par les femmes et les filles, grâce à un réseau de centres d'écoute et d'appui présents sur l'ensemble du territoire, en milieux urbain comme rural.