Le débat autour du transport via applications continue de s'intensifier au Maroc. Après plusieurs mois de frictions croissantes entre chauffeurs de taxi et opérateurs des plateformes numériques, le Conseil de la concurrence a décidé d'ouvrir une enquête visant à éclaircir des soupçons « d'atteinte aux règles de la concurrence loyale » dans ce secteur en pleine expansion. Selon des sources professionnelles concordantes, l'institution a choisi d'examiner de près les mécanismes qui structurent cette activité, dont le cadre légal reste lacunaire, en s'intéressant notamment au rôle joué par les agences de location de voitures sans chauffeur. L'objectif affiché est de comprendre les interactions, directes ou indirectes, qui pourraient exister entre ces agences et les conducteurs utilisant les applications numériques de transport. Un secteur dont les contours restent flous Les mêmes sources soulignent que l'initiative du Conseil vise à « démêler les fils de toute relation éventuelle » entre ces deux segments d'activité. Les véhicules, rappellent-elles, constituent le « moteur principal » du transport via plateformes, un modèle qui, en se développant rapidement, exerce une pression accrue sur les professionnels traditionnels du taxi. Dans ce contexte, le Conseil de la concurrence a reçu, mercredi, des représentants de la Fédération des associations des agences de location de voitures (FALAM), lors d'une réunion destinée à exposer l'état du secteur et à fournir des éléments détaillés sur son fonctionnement au sein du Royaume. Cette audition s'inscrit dans un cycle plus large de consultations que mène actuellement l'institution. D'après les mêmes sources, les enquêteurs ont souhaité savoir si les agences de location collaborent, de manière formelle ou informelle, avec les plateformes de transport présentes au Maroc. Cette interrogation intervient alors que persiste un vide juridique : aucune réglementation précise ne définit encore les conditions d'exploitation, de contractualisation ou de partenariat au sein de ce marché émergent. Les agences de location entre opportunité et incertitude juridique La délégation représentant ces agences a insisté sur l'ambivalence du moment présent. Selon elle, « les nouvelles applications numériques constituent une opportunité pour les professionnels de la location de voitures », mais une opportunité fragilisée par l'absence d'un cadre légal clair permettant de régir l'activité et d'établir les formes de coopération possibles entre les acteurs concernés. Elle a également indiqué que les agences observent une hausse des demandes de location émanant de particuliers susceptibles d'être liés aux conducteurs utilisant les applications numériques. Or, rappellent-elles, « il est difficile de vérifier cette relation », puisque le rôle des agences se limite à contrôler la validité des documents fournis et l'identité du locataire. L'évaluation de l'usage réel du véhicule échappe donc, de fait, à leur champ de compétence. Des professionnels du secteur confirment que nombre de conducteurs actifs sur les plateformes louent des véhicules au mois pour un coût pouvant atteindre environ 7.000 dirhams, un montant qu'ils amortissent ensuite en exerçant une activité de transport de passagers souvent qualifiée « d'illégale » en l'absence de reconnaissance réglementaire. Le Conseil élargit le cercle des auditions L'ouverture de ce nouveau volet intervient alors que le Conseil de la concurrence avait déjà engagé, au début du mois, une série d'auditions auprès des chauffeurs de taxi. Celles-ci portaient sur les modalités d'exercice de l'activité de transport via applications, sur les conditions de l'accès à la profession et sur la nature des liens contractuels qui unissent les plateformes numériques aux conducteurs. En élargissant ses investigations aux agences de location, le Conseil semble vouloir dresser une cartographie exhaustive d'un marché polymorphe, où se superposent acteurs traditionnels, plateformes internationales ou locales, et prestataires de services périphériques. Un secteur en quête de régulation Les entreprises et individus impliqués dans le transport via applications se montrent particulièrement attentifs à l'issue de cette enquête. Ils espèrent qu'elle permettra de dresser un inventaire précis des dysfonctionnements qui traversent ce secteur afin d'encourager, à terme, l'adoption par le gouvernement de textes juridiques apportant clarté et stabilité. Pour l'heure, l'absence de cadre légal demeure l'un des principaux points de crispation, alimentant tensions, incertitudes et situations de concurrence problématiques. L'enquête du Conseil de la concurrence pourrait ainsi constituer une étape décisive dans la restructuration d'un marché en pleine mutation, où se jouent à la fois des enjeux économiques, sociaux et réglementaires.