La Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS) vient de lancer un pavé dans la marre. Elle a annoncé via un communiqué, qu'à partir du 1er mai, le conditionnement du paiement de toute césarienne à la production d'un rapport médical justifiant le recours à cette pratique. Une mesure critiquée par les médecins du secteur privé, surtout que ces derniers sont à la base en conflit avec la mutuelle des fonctionnaires des établissements publics. Les détails. La décision de la CNOPS, du non-paiement de « toute césarienne non médicalement justifiée sera payée sur la base du forfait de l'accouchement par voie basse», intervient suite au taux anormalement élevé du recours à la césarienne. Pour justifier cette mesure, la CNOPS a souligné que « le secteur privé, qui s'accapare 90% du nombre d'accouchement, enregistre un taux supérieur du recours à la césarienne, se situant à 66% contre seulement 25% dans le secteur public. La Caisse souligne également que « certaines structures privées d'hospitalisation à Casablanca, Rabat, Fès, Agadir, Kénitra et El Jadida, ont même franchi la barre de 80% en 2018 », notant que l'élément qui retient l'attention est que « 72% des femmes césariennes en 2017 étaient âgées entre 20 et 35 ans ». Rien qu'en 2017, la CNOPS a enregistré 30.583 cas d'accouchement, dont 18.522 réalisée par césarienne (61%), alors qu'en 2006 le taux était de 35%, puis il a bondi à 43% en 2009 juste après le relèvement du Tarif National de Référence de 6000 DH à 8000 Dh, pour atteindre 61% en 2017, relève-t-on. Mais pas que ! La CNOPS fait valoir que les taux enregistrés par ses services contrastent avec les indications de l'OMS qui recommande un taux minimum de 15% d'accouchement césarienne, soulignant que la moyenne des 36 pays adhérents à l'Organisation de Coopération et de Développement économiques (Turquie, France, Japon, Allemagne, Espagne ...) et de 27,9%, donnant l'exemple de l'Egypte ou le taux ne dépassent pas 55,5%, l'Argentine (43,1%), la Colombie (36,9%), selon un rapport de l'OMS publié en 2018. Face à cette situation, la caisse invite les producteurs de soins (cliniques, hôpitaux publics ...), à joindre à leur dossier de facturation un compte rendu précisant l'indication médicale du recours à la césarienne programmée ou d'urgence, la raison motivant le recours à cet acte, le rapport bénéfices-risques de l'intervention et les conditions de sa réalisation. Les dépenses de la CNOPS ont augmenté de 10 fois de 2006 à 2017 Les dépenses sont également au centre des préoccupations de la CNOPS. En effet, selon la caisse, les dépenses des césariennes sont passées de 13 MDH en 2006 à 130 MDH en 2017, alors que l'alignement des prestataires de soins sur un taux ne dépasse pas 25% (à l'instar du taux constaté au niveau du secteur public), ce qui lui aurait permis de faire des économies de plus de 70 MDH en moyenne par an, souligne-t-elle. Ce qu'en pensent les médecins du secteur privé Pour Dr Rachid Choukri, Président d'honneur du syndicat national des médecins généralistes, la mesure prise par la CNOPS est « un jugement de valeur ». Dans une déclaration à Hespress Fr, il a indiqué que « la CNOPS est un organisme étatique qui gère les cotisations des citoyens, on doit faire des déclarations scientifiques tester dans le milieu scientifique dans un congrès, mais on ne doit pas faire un communiqué et le publier comme ça parce que c'est déontologique». Ce qu'il propose en revanche c'est « la mise en place de guides de bonne pratique en médecine. C'est-à-dire devant chaque pathologie, quelle est l'attitude qui convient, et on se met tous d'accord pour dire par exemple devant telle pathologie voilà ce qu'on demande comme examen voilà ce qu'on donne comme traitement si on veut faire de l'économie de la santé et être efficace et optimiser les dépenses. Même chose pour toutes les indications ». Fervent défenseur du « parcours de soins », Dr Choukri souligne que « si on avait mis en place ce fameux parcours de santé, dont je parle depuis 25 ans, qui est le partage avec un médecin de famille un médecin traitant. Quand vous avez un médecin traitant qui suit votre grossesse et que vous partez après chez un gynéco vous avez des garde-fous parce qu'il est de la profession il connait les situations dans lesquelles il faut appliquer la césarienne ou pas ». Interrogé sur les femmes qui se retrouvent obligées d'accoucher par voix césarienne, puisqu'à la clinique son médecin, pour ne pas dire l'oblige, lui conseille d'accoucher par césarienne, pour « des raisons de santé » et du coup, ne pas attendre les contractions pour accoucher normalement, Dr Choukri, souligne qu'il y a des femmes qui préfèrent, elles-mêmes, accoucher par césarienne. « Il y a des femmes qui veulent ça, qui demandent ça pour éviter la souffrance de l'accouchement par voie basse, et c'est des cas par cas », explicite notre interlocuteur. Et donc il faut revenir à cette histoire de médecin traitant, poursuit-il, puisque les avis seront partagés entre médecins traitants et gynécologues-obstétriciens. Ces derniers ne pourront pas prendre une décision unilatérale puisque le confrère va dire que ce cas ne nécessite pas une césarienne. Ceci dit, il y a des abus partout, mais il y a des normes internationales pour calculer le nombre de césariennes. Pour les chiffres annoncés par la CNOPS, notre interlocuteur déclare qu'il faut voir sur « quelle base raisonne la CNOPS ». « Je ne suis pas statisticien, mais il faut demander à un statisticien, est-ce que c'est suffisant de prendre en compte les remboursements de la CNOPS pour dire qu'au Maroc il y a tel ou tel nombre de cas d'accouchements par césarienne ? Interrogé sur la mesure prise par la CNOPS, concernant le non-paiement des accouchements par césarienne non justifiés, Dr Choukri trouve que « la demande de justifier un acte est légitime sous plis confidentiel à qui de droit ». « Mais au moment où la césarienne est faite, il n'y a que le médecin qui l'a réalisée qui est là, qui est juge de l'état de la patiente, soit elle a le bassin étroit, soit une souffrance, il y a plusieurs raisons de procéder à une césarienne au lieu d'un accouchement normal. Pour conclure, Dr Rachid Choukri déclare qu'il n'« y a pas de secret. C'est la mise en place d'un parcours de soins avec médecin traitant, médecin consultant avec un circuit et des soins coordonnés, c'est-à-dire qu'il faut une coordination des soins. Si quelqu'un nécessite un autre diagnostic, c'est le médecin traitant qui va l'envoyer chez un spécialiste si son cas nécessite cela. Donc c'est le médecin traitant qui guide le patient ».