Un serpent numérique est en train de s'étirer sous les mers, et ses anneaux s'enroulent déjà autour des côtes marocaines. Baptisé Medusa, ce câble sous-marin de nouvelle génération ne transporte ni venin ni mythe : il promet, au contraire, une révolution silencieuse dans la connectivité entre l'Europe et l'Afrique du Nord. Aux commandes de cette ambitieuse infrastructure longue de 8 700 km, on retrouve AFR-IX Telecom, opérateur basé à Dublin, qui s'est entouré d'un partenaire technologique de poids : Nokia. Le groupe finlandais, bien connu pour avoir habillé nos téléphones d'antan, fournira cette fois des technologies optiques de pointe – notamment sa plateforme 1830 GX et son module ICE7, capable d'acheminer des dizaines de térabits par seconde avec une efficacité énergétique remarquable. Mais Medusa, ce n'est pas seulement une prouesse technique. C'est un acte stratégique, une réponse concrète à l'urgence de réduire la fracture numérique qui sépare encore l'Afrique du Nord du reste du monde. Conçu comme un réseau en libre accès, il entend démocratiser l'accès aux services de très haute capacité : 5G, cloud, intelligence artificielle… autant de briques indispensables pour bâtir l'économie numérique de demain. Le Maroc au cœur du réseau Sur la carte du câble, le Maroc joue une position charnière. Deux opérateurs y sont déjà embarqués : inwi, qui a officialisé début 2024 un accord stratégique avec Medusa pour sécuriser des liaisons fibre optique vers l'Europe. Orange Maroc, qui avait précédé en annonçant dès 2023 son investissement dans des infrastructures d'accueil à Nador, point d'ancrage marocain du câble, face à Marseille, son homologue européen. Cette double implication illustre un changement de paradigme : le Royaume ne se contente plus de consommer la connectivité. Il la construit, l'oriente et en fait un outil de souveraineté numérique. Un investissement lourd, des ambitions larges Avec un budget de 342 millions d'euros, Medusa n'est pas un projet isolé : c'est un corridor numérique qui reliera à terme le Portugal, la France, l'Espagne, le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, la Libye et l'Egypte, traçant une autoroute optique entre l'Atlantique, la Méditerranée et la mer Rouge. Son déploiement prévu à partir de 2026 ne pourrait pas mieux tomber : à l'heure où les usages explosent — vidéoconférences, services cloud, IA générative — la bande passante devient une ressource aussi stratégique que l'eau ou l'énergie.