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Hôtel Lincoln à Casablanca : L'histoire réhabilitée
Publié dans La Gazette du Maroc le 22 - 05 - 2006

« C'est maintenant officiel ! la façade de l'Hôtel Lincoln, sera enfin préservée et restaurée… ». Que de fois, avons-nous entendu cette litanie, pour finalement, ne rien voir arriver… ? Le projet de restauration de l'hôtel Lincoln, déclaré patrimoine architectural de la ville est bloqué depuis des lustres. Le fait est là ! Le bâtiment se dégrade sous nos yeux. Et ironie du sort, il a même servi paraît-il, au tournage d'un film américain sur la guerre civile en Somalie ! Ce superbe édifice est passé au-devant de la scène médiatique depuis les accidents mortels qu'il a provoqués et le bras de fer qui a opposé son propriétaire au Ministère de la Culture et à la société civile. À trop vouloir oublier ou renier son histoire… Qu'en est-il aujourd'hui ?
L'immeuble Bessonneau, communément appelé “hôtel Lincoln” par référence à l'hôtel qu'il abritait est conçu par l'architecte français Hubert Bride. Construit en 1916 sur le boulevard de la Gare (actuel Bd Mohammed V), il est au début du XXe siècle, un repère autour duquel s'articule l'organisation de l'espace urbain de Casablanca. L'articulation du boulevard Mohammed V aux rues voisines se fait à cette époque, par le découpage de grandes parcelles pouvant accueillir des immeubles d'angle monumentaux. Edifié face au marché central, l'hôtel Lincoln occupe le tronçon le plus large de la voie. Lors de sa construction, le trottoir est réduit. Cet élargissement, entre le marché et l'hôtel (de 25 m entre les deux), est destiné à donner du recul à cet endroit particulier. Henri Prost suit lui-même la construction. Implanté sur une parcelle de 2800 m2, le bâtiment abrite environ soixante appartements, avec salles de bains et un établissement de bains. Il comporte un sous-sol et trois étages. Le pavillon central est surélevé, par le biais d'un 4ème étage. Les hauteurs sous plafonds sont généreuses. Elles vont de 5,45 m pour le rez- de chaussée, à 3,70 m pour les étages; ce qui donne une hauteur totale de 19m20. L'édifice comporte selon le règlement de 1915, une galerie piétonne de 5 m de large, le long du boulevard. L'immeuble est construit selon les techniques répandues à Casablanca vers les années 10 et 20. Mais l'hôtel Lincoln est aussi et surtout, un témoin essentiel du patrimoine Art déco de Casablanca. Au début du siècle dernier, l'architecture mauresque fascine très vite les constructeurs, venus s'implanter au Maroc. Dès lors, ils décident d'associer les caractéristiques marocaines de la construction, à l'architecture, dite rationnelle qu'ils véhiculent. L'immeuble Bessonneau est le premier résultat de l'hybridation d'une construction monumentale, solennelle et massive, de style européen, avec l'architecture délicate et les ornements d'inspiration marocaine. Aujourd'hui, les façades latérales de l'hôtel Lincoln longent d'un côté, la rue Ibn Battouta, de l'autre la rue Abdelkrim El Mediouni.
Peut-on renier son histoire ?
Les bâtiments de cette période (début XXe siècle), représentatifs de l'architecture Art déco, furent parfois considérés comme le symbole de la présence française au Maroc. Bon nombre d'entre eux furent malheureusement détruits, sans aucune restriction. Au lendemain de l'Indépendance, les autorités avaient démoli certains édifices, légués par la colonisation. Cette volonté d'effacer ce pan de l'histoire, rejoignait celle de retrouver l'identité culturelle arabo - musulmane. Mais, en détruisant à tort et à travers, propriétaires privés et autorités ne réalisaient pas qu'ils faisaient disparaître de précieux témoins de l'histoire du Maroc et de l'architecture (hôtel d'Anfa, théatre municipal…)… C'est ainsi, que suite à la démolition sauvage de certains bâtiments, architectes et société civile manifestent leur refus de voir la mémoire de leur ville, saccagée ou réduite à néant. Ils déclarent « qu'on ne peut démolir impunément de tels repères de l'Histoire ». L'état critique et délabré de l'hôtel Lincoln, relance le débat sur la protection du patrimoine de Casablanca. La bataille menée dès le début par l'association Casamémoire pour préserver cet édifice, marque le départ de cette prise de conscience collective. Le cas de l'hôtel Lincoln a mis à nu, l'absence de politique réelle, en matière de patrimoine au Maroc (à cette époque). Sur le plan architectural, Casablanca évolue à une vitesse vertigineuse. Cette tendance risque d'éclipser les legs précieux du passé de la ville et par là même, une page de son Histoire.
Pourquoi tous ces effondrements ?
Les planchers se seraient effondrés pour diverses raisons. L'immeuble est construit en calcarénite poreuse, donc perméable. Les planchers sont en simple terre, damée sur des briques creuses, disposées en voûtains, s'appuyant sur des poutrelles métalliques. Par ailleurs, l'édifice n'est protégé par aucune étanchéité. Son réseau de plomberie est vétuste et fuit en plusieurs endroits. Son entretien a été quasi inexistant. Lors de la rupture des planchers, les poutrelles métalliques et les murs porteurs sont demeurés stables à leur place. Seuls les entrevous se sont effondrés. Le problème a été accentué, sur une longue période, par la grande vétusté de l'immeuble. Celle-ci a été favorisée par l'absence de toute étanchéité et par la porosité de ses matériaux de construction à l'origine. Il est clair que l'absence d'entretien (protection des façades, étanchéité des terrasses, traitement des réseaux de canalisation qui pénètrent en plusieurs endroits, structure porteuse) est la cause essentielle de l'état actuel de l'immeuble. Mais de fragile, l'édifice est devenu instable. La disparition des planchers au coin Ouest du bâtiment a mis la construction dans un état de stabilité différent de son état initial. Avant l'effondrement des planchers, les murs porteurs étaient stabilisés par leurs attaches à ces mêmes planchers. Après disparition de ces derniers, les murs sont devenus libres sur toute la hauteur de l'immeuble. De nouveaux problèmes de traction et de cisaillement sont apparus. La construction s'est retrouvé considérablement fragilisée (surtout du côté hôtel Lincoln). L'immeuble Bessonneau a donc souffert d'un réel manque d'entretien. Sa dégradation a été d'autant plus rapide et intense en raison du climat semi-aride et de l'exposition alternée à la pluie et au soleil. L'humidité ambiante a accentué la corrosion de l'édifice.
Que d'aventures… !
En 1989, le plancher d'une chambre de l'hôtel Lincoln s'effondre, causant la mort de deux personnes et faisant plusieurs blessés. Les victimes sont des passants et des habitués du café la Bourse. Très vite une autre partie de l'édifice connaît le même sort. Le bâtiment est vidé de ses occupants. Appartements, commerces et cafés appartenant à l'ensemble résidentiel cessent toute activité. Le wali donne des instructions pour que des travaux d'étayage de la façade soient entrepris. Le Conseil de l'ordre des architectes du Centre se mobilise pour que la restauration du «Lincoln» se fasse dans les règles de l'art. La commune urbaine de Sidi Belyout est mise à contribution ; puis, plus rien ! Le propriétaire des lieux fait prévaloir en son temps une expertise. Celle-ci indique que les structures de l'immeuble sont entièrement instables et que la construction risque de s'écrouler à tout moment. Le projet de rénovation bloque pendant une dizaine d'années, pour une question de financement. Des formules de partenariat entre la ville et le secteur privé, pour financer la restauration, sont proposées. Mais la ville a d'autres priorités. Puis à la question de mémoire et de patrimoine architectural de la ville, s'ajoute le problème de sécurité des passants. Une partie du Boulevard Mohammed V est fermée à la circulation. Une déviation est installée, les lignes d'autobus et des grands taxis sont chamboulées. Des palissades sont installées pour éviter aux passants de se rapprocher. Laissé à l'abandon, l'hôtel reste une menace de chaque instant. Au fil des effondrements (parfois des incendies), les élus provoquent des réunions d'urgence. Des résolutions sont prises mais jamais appliquées. Le 12 avril 2004, une énième chute d'une partie d'un plancher tue un SDF. Abandonné, le bâtiment était squatté par des vagabonds… L'avenir de ce qui reste de l'hôtel Lincoln empoisonne les relations entre le ministère de la Culture et les autorités locales de Casablanca. Le coût des travaux de rénovation est évalué à 20 millions de dirhams. Mais le financement est la grande inconnue ! Le ministère de la Culture propose une contribution de 150.000 dirhams. Le maire, Mohamed Sajid promet de débloquer 2 MDH pour sécuriser l'immeuble et protéger la façade. Des études pour la restauration et la réintégration de l'immeuble sont réalisées* (voir encadré). Nul ne connaît la date de lancement des travaux. Entre-temps les façades de l'hôtel Lincoln sont classées patrimoine historique en 2000. Cet arrêté du ministère de la Culture « coupe l'herbe sous les pieds » au propriétaire. Il ne peut plus entreprendre le moindre projet sur l'immeuble sans l'aval des autorités. Il fait plusieurs propositions. Aucune n'est retenue. Il souhaite tout démolir pour laisser place à des immeubles de bureaux, commerces… Sa seule concession étant de restituer la même façade. L'association Casa Mémoire et l'Ordre des architectes s'y opposent vivement.Dès lors, la situation se bloque. L'hôtel n'est ni détruit, ni restauré. Un réel bras de fer oppose le Ministère de la Culture au propriétaire. La Communauté urbaine se retrouve confrontée à un problème de droit, l'immeuble en question n'étant pas sa propriété. Le propriétaire refuse d'entendre parler d'un plan de reconstruction à l'identique (préconisé par la ville) sur la base de trois étages, unique possibilité pour garder la fameuse façade. Il déclare que le plan d'aménagement de la commune de Sidi Belyout l'autorise à construire 5 étages et n'en démord pas. Suite à l'échec de plusieurs tentatives d'arrangements, La commune urbaine de Casablanca décide l'expropriation. En novembre 2005, Madame Ennaher, chef de la division bâtiments, nous rassurait quant au devenir de l'hôtel Lincoln. L'appel d'offres relatif à la consolidation et à la réfection était lancé. La décision d'expropriation, devait être entériné incessamment par le Conseil de la ville de Casablanca. La situation foncière réglée, les travaux allaient être entamé dans les plus brefs délais.
Et aujourd'hui ?
En l'état actuel des choses (fin mai 2006), la ville a mis en place le budget nécessaire pour les études et les travaux de consolidation de l'hôtel Lincoln. Concernant l'expropriation, une expertise est en cours. Les études de consolidation ont été finalisées par une équipe d'experts (architectes et ingénieurs) franco-marocaine. Les appels d'offres, lancés depuis mai 2005, n'ont pas encore permis de désigner l'entreprise de réalisation des travaux.
Dans le cadre de partenariat entre la ville de Casablanca et Paris, la fin de l'année 2004 a été marquée par la visite à Casablanca du maire de Paris. L'expertise de la capitale française est mise à la disposition de Casablanca dans les domaines de l'aménagement urbain et des actions culturelle et sociale. La réhabilitation de l'hôtel Lincoln fait également partie des termes de la convention. Des études de consolidation et de réhabilitation du monument sont réalisées par des architectes spécialistes du patrimoine français et marocain.
Une Américaine séduite…
La directrice fondatrice du Rick's Café, Kathy Griger a proposé de reconvertir l'hôtel Lincoln en centre de musique. Inspirée par le Centre Lincoln de New York, abritant concerts, clubs de jazz, cours de musique et ateliers d'enregistrement, elle souhaitait faire du Lincoln de Casablanca, un centre culturel équivalent. Des concerts de jazz (et autres) auraient été offerts gracieusement. «L'idée est d'offrir des spectacles de musique gratuitement aux jeunes de quartiers» avait - elle expliqué. Pour ce, Madame Griger avait envoyé un dossier au maire, en avril 2005. Sa requête comportait tous les détails du projet. Elle devait servir à lancer un appel d'offres pour donner une assise financière à la création du centre. Kathy Griger comptait s'adresser à des sponsors. «Le centre de New York a lui-même été construit grâce à des fonds privés» avait-elle ajouté.
Rétablir l'histoire
En 1990, le conseil régional de l'ordre national des architectes (région du Centre) adresse une demande d'inscription au ministre des affaires culturelles le 4 février 2000. La requête s'appuie sur des considérations historiques, urbanistiques, architecturales et artistiques du bâtiment. Le 25 février 2000, la commission du patrimoine approuve le projet d'arrêté du ministre des affaires culturelles sur l'inscription des façades de l'immeuble Bessonneau. Les façades de l'Hôtel Lincoln sont inscrites (arrêté du 14 mars 2000) au répertoire national des monuments historiques. La commission du patrimoine se compose du Ministère de la Culture, de la Commune de Sidi Belyout, la Préfecture de Casa-Anfa, la Wilaya de Casablanca, l'Agence Urbaine et l'Ordre des Architectes. Celui-ci est représenté par Monsieur El Hariri Ahmed, architecte et actuel Président de do.co.mo.mo-Maroc (commission de documentation sur le patrimoine moderne de l'architecture et du paysage urbain du XXe siècle).


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