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prison centrale de kénitra : Dieu reconnaîtra les siens
Publié dans La Gazette du Maroc le 05 - 06 - 2006

Hamid est natif de la région de Settat. À l'âge de vingt-cinq ans, il tue ses deux oncles pour une histoire d'héritage. Les deux meurtres passent inaperçus dans le bled. Il faudra attendre une autre tentative de meurtre pour coincer Hamid qui passe aux aveux. Pour le détenu, «les choses devaient se passer comme cela». Entre regrets et amertume, entre perdition et désespoir, le jeune homme, qui a à peine dépassé la trentaine, vit un cauchemar à ciel ouvert. Il dit qu'il a tué pour venger sa mère qui a été bafouée, frappée et humiliée par ses oncles qui ont fait main basse sur le lopin de terre que son défunt père leur avait laissé. Hamid était très jeune à l'époque. Il dit avoir nourri le sentiment de vengeance dans son cœur durant plusieurs années en attendant le moment propice pour passer à l'acte. Il traîne l'image d'une mère écrasée et de ses frères qui croupissent sous le poids des privations. À l'âge adulte, une fois la force peut suivre les desseins du cœur, Hamid s'arrange avec le destin. Récit.
L'histoire est connue dans la région de Settat. Hamid aussi jouit d'une célébrité à rebours. Presque personne ne connaît son visage ni l'allure qu'il avait à l'époque du meurtre, mais les langues semblent prendre un malin plaisir à étoffer le récit de ce double crime. Hamid apparaît sous les traits d'un grand tueur, un malfrat sanguinaire, une espèce de monstre déchaîné qui sévit dans les parages. Mais quand on le rencontre, on se rend vite compte que le monstre n'est qu'un jeune homme écrasé par le poids de la prison, chétif et très maladroit. Du moins en apparence, il n'a rien du grand méchant tueur qui prend du plaisir à éviscérer ses semblables.
La ville et son fantasme
«J'ai grandi dans la compagne. Je n'ai jamais rien connu d'autre durant plusieurs années. Les seules sorties loin du village étaient celles où j'accompagnais mon père (Allay rahmou) à Settat ou à Ben Ahmed. Ce sont, d'ailleurs, les seules villes que je connais. Je n'ai jamais été à Casablanca». Casablanca est un rêve enfoui dans son esprit. On ne s'en rend pas compte, puisque nous sommes plongés dans l'univers tapageur de la ville, mais pour un type comme Hamid, rien que le nom Casablanca est, à lui seul, un fantasme. Ses yeux brillent quand je lui ai décrit les grands boulevards, le port, les plages (Hamid jure n'avoir jamais été en bord de mer !), les terrasses de cafés, le stade de foot lors d'un derby entre le Wydad et le Raja (Il ne sait pas s'il est wydadi ou rajaoui, mais il aime les deux clubs), la corniche, les bars et les cabarets, les filles… Hamid tourne presque de l'œil. On aurait cru un gamin à qui l'on narrait une histoire fantastique, droit sortie du monde des frères Grimm ou de Stevenson. «On m'a beaucoup raconté ici sur la ville (Casablanca). J'aurais aimé la connaître, mais mon père n'y allait presque jamais ou alors une fois. Les amis ici disent que Casa est une ville qui peut te rendre fou. Qu'est-ce que tu en dis ?» Oui, Casablanca pourrait lâcher ses tentacules et t'étriper si tu n'as pas une carapace solide pour amortir les chocs. Oui, Casablanca pourrait te charmer comme une bacchante et te faire entrevoir les portes du paradis, mais elle peut aussi te donner un aperçu sur l'enfer. Cela dépend de ton approche de la ville. Oui, Casablanca est une personne à part entière qui vit de droit naturel et qui, souvent, semble nous narguer et ne pas trop s'occuper de qui nous sommes. Je lui fais part de mes impressions sur une ville que je connais très bien, et Hamid me décrit, à son tour, son patelin quelque part entre Settat et Ben Ahmed.
Un enfant de la Chaouia
«Ma mère a beaucoup fait pour nous. Aujourd'hui, c'est la seule personne au monde qui me manque. Elle me manque et elle me fait de la peine. Mon père est mort, et moi, son fils aîné, je suis condamné à mort ici. Quel malheur. Je sais qu'elle ne supporte pas, et quand elle vient me rendre visite, elle fait beaucoup d'efforts pour ne pas pleurer. Mais la pauvre, elle ne peut pas venir souvent, parce que personne ne l'aide. Je sais qu'elle souffre, et je voudrais lui dire de ne plus venir pour lui épargner tout cela, mais je ne dois pas lui faire plus de mal». Hamid aime sa mère. D'ailleurs, c'est elle le leitmotiv de son récit. Il ramène tout à cette femme qui a tout fait pour lui et ses frères et sœurs. La famille de Hamid se compose de cinq personnes. Outre la mère, il y a deux frères et une sœur. La sœur n'a plus revu son frère depuis le jour où les gendarmes lui ont passé les menottes. Hamid a de tendres pensées pour elle, et surtout pour son frère cadet avec qui il jouait dans les champs. «J'ai été à l'école, et j'ai très vite fait de tout laisser derrière moi. J'ai aidé mon père et nous avons tous travaillé la terre. Ma mère était très gentille et nous ne manquions de rien. Les champs, c'est là tout ce que je connaissais. On jouait au football avec d'autres gamins du douar comme tous les enfants. Je n'ai jamais fumé avant de venir ici». Hamid ne fume toujours pas devant sa mère. «Quand elle vient me rendre visite, je ne fume pas devant elle. Mais je sais qu'elle sait que je fume. Elle doit sentir l'odeur sur moi». Ce rapport fusionnel avec la mère me laisse troublé. Hamid a une sensibilité étrange. Il prend son air le plus serein quand il évoque les souvenirs du passé. On aurait cru que les images qui défilaient dans son esprit le transportaient dans un autre monde où il doit, l'espace d'un rêve, vivre libre. Cette lueur dans le creux de l'œil, un sourire à peine esquissé et une mine apaisée de celui qui vient de vivre un grand moment de bonheur. Puis, le flot du présent vient recouvrir les plages radieuses du passé, et la tempête fait sa loi. Hamid se recroqueville comme quelqu'un qui a eu très mal après avoir accouché de tant de visions sur un univers qu'il ne reverra jamais.
La mort du père
«Mon père est mort quand j'avais douze ans. C'était très dur pour nous tous. Mes frères et ma sœur ont plus souffert que moi. Pour ma part, j'avais peur pour ma mère qui avait beaucoup de problèmes avec mes oncles et mes tantes. Pour moi, c'était le début d'une autre vie. Rien n'était plus comme avant. Les choses avaient perdu de leur saveur. J'avais envie de partir du douar, mais ma mère nous disait qu'il ne fallait pas partir. D'ailleurs, nous n'avions aucun autre endroit pour vivre. Les premiers mois ont été très difficiles. Par la suite, c'était la guerre entre mes oncles et ma mère. L'un de mes oncles avait un jour insulté ma mère chez nous en lui disant que la famille n'a jamais voulu d'elle et que tôt ou tard on allait la jeter et garder les enfants. Ma mère en était malade. Après cet incident, il y en a eu d'autres. Une fois ma tante a giflé ma mère qui le lui a rendu devant nous tous. Et c'est là que les choses ont empiré. On était tout le temps menacé par mes oncles. Jusqu'au jour où les deux oncles sont venus à la maison et ont frappé ma mère devant moi. Moi aussi, j'ai été frappé parce que je criais qu'il fallait laisser ma mère tranquille.» Hamid est amer. Le souvenir de ces incidents de violence répétée sur les siens le remplit encore aujourd'hui de haine et de colère. Il me raconte comment il avait essayé d'intervenir pour aider sa mère devant ses oncles, sans succès. «J'étais jeune et j'avais honte de voir ma mère se faire frapper sans pouvoir lui venir en aide». On imagine un enfant soumis à la loi du plus fort. Deux oncles animés de toutes les «bonnes» intentions du monde et qui viennent intimider leur belle-soeur. Un gamin de douze ans qui voit sa mère violentée par deux hommes et qui s'interpose. Il essuie les coups et ne peut pas riposter. Comme traumatisme, il n'y a presque rien de pire.
Le temps passe
«J'ai attendu longtemps, mais je savais que tôt ou tard, il fallait leur donner une leçon. Non seulement ils nous ont humiliés, mais ils ont réussi à nous prendre le peu de terre que mon père nous avait laissé. Ma mère était condamnée à travailler pour les autres et nous étions plus pauvres que jamais. Tout cela à cause des oncles et des tantes qui détestaient ma mère. D'ailleurs, je ne sais même pas pourquoi ils avaient une telle haine pour elle, elle qui ne leur avait jamais rien fait». Hamid raconte par la suite comment il a dû patienter avec l'envie de se venger. Oui, il ne nie pas avoir vécu avec ce poids sur le cœur en attendant le moment adéquat pour donner une leçon aux oncles. Les années passent lentement. La situation familiale est de plus en plus dégradée. Les manques, les privations, le besoin constant d'une mère qui veut nourrir ses gosses et qui, souvent, ne réussit pas. Hamid emmagasine, se laisse remplir par le flux de haine grandissante. Et voici que l'âge des hommes vient à lui. Il a dépassé ses vingt ans. C'est désormais un homme : «Une fois, j'avais envie de tabasser mon oncle devant tout le monde, mais je me suis ravisé à la dernière minute. Une autre fois, j'ai été voir une tante chez elle pour lui dire que si jamais elle s'en prenait à ma mère, je vais l'enterrer vivante. Elle le répète à mon oncle qui vient me voir pour m'avertir que plus jamais je ne devais mettre les pieds chez eux. Je l'ai envoyé balader en lui disant que son heure viendra». Ce que Hamid tente d'expliquer par la suite, c'est que l'oncle en question a senti, ce jour-là, que le gamin avait grandi et qu'il était capable de se venger. Il revient sur ses pas et tente de faire comme si cet échange avec son neveu n'avait jamais eu lieu. Entre temps, Hamid était en passe de devenir «le justicier» de sa famille. «Je savais ce que je faisais, mais rien, plus rien ne pouvait m'arrêter ».
Tous égaux
sous terre
«C'est un soir, après la prière de «L'îcha» que j'ai décidé d'aller voir l'un de mes oncles. J'ai commencé par choisir celui qui avait frappé ma mère la première fois. Je lui ai dit que je voulais lui demander pardon et que j'avais besoin de lui pour me trouver du travail chez quelqu'un pour aider ma mère. Nous avons marché longuement. Il me parlait comme si de rien n'était. Nous sommes restés ensemble longtemps, et une fois nous avons longé le cimetière, je lui ai planté le couteau dans le ventre. Il est tombé et je lui ai donné d'autres coups dans le ventre. Il faisait froid et personne n'était dehors. D'ailleurs, c'était trop tard pour que les gens sortent encore. Je l'ai enterré dans le cimetière, après avoir creusé une tombe. J'avais tout mis là-bas.» Hamid avait prémédité son crime. À la tombée de la nuit, il s'assure que personne n'était dans les parages, sort une pelle et s'en va vers le cimetière. Il cache son instrument dans le coin et attend la fin de la prière pour aller exécuter son plan. La tombe creusée, il y glisse le corps, couvre le cadavre et s'assure qu'il n'a pas laissé de traces. Cette nuit, il ne dormira pas. Il reviendra au cimetière à l'aube pour vérifier si on pouvait se douter de quelque chose. Rien. D'ailleurs, une semaine plus tard, personne ne pouvait dire ce qui était arrivé à l'oncle. Disparition louche, mais bon, aucun indice et, surtout, personne n'a vu Hamid en compagnie de l'oncle. Il laisse le temps s'écouler. Il assure que sa mère ne se doutait de rien et ne savait rien de ses plans. Au bout d'une semaine, il remet le couvert. Il va voir l'autre oncle, lui demande de leur prêter un peu d'argent parce qu'ils allaient quitter le village. Hamid dit que c'était une bonne entrée en matière pour rassurer l'oncle. Ce dernier se laisse faire et Hamid peut alors déployer son jeu. Même schéma. Personne ne le verra avec l'oncle en question. Ils marchent ensemble et au bout de la route, Hamid frappe un coup sec sur le crâne de son oncle qui s'effondre. Il lui assène d'autres coups à l'aide d'une espèce de hache rudimentaire. L'oncle gît dans son sang. Hamid répète le même rituel que pour l'autre oncle et l'enterre. Sans laisser de traces. À l'aube, il ira vérifier et le lendemain, il va à Settat pour la journée. Il rentre le soir, va rendre visite à sa tante qui était seule dans sa maison. Elle ouvre la porte, lui donne un coup, et avant de l'achever comme c'était son dessein, il lui révèle tout sur les deux autres meurtres. Après avoir tout déballé à la tante qui était sonnée, il lui tranche la gorge et la laisse pour morte. La suite est étrange. La tante sera sauvée. «J'étais sûr qu'elle était morte. Enfin, quand je l'ai égorgée, je suis sorti. Pour moi, elle allait mourir». Hamid part le soir même à Settat et y passe la nuit. Le lendemain, les gendarmes le cueillent tout frais. La tante, avant de sombrer dans l'inconscience, avait tout dit à sa sœur qui l'avait trouvée presque morte. L'autre tante ameute le village et Hamid était cuit. On ira creuser dans le cimetière, on déterre les cadavres, la tante s'en tire par miracle et Hamid avoue tout avec les menus détails.


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