Une année après le regretté Abdelhamid Aouad, un autre Conseiller du Roi Hassan II, feu Ahmed Bensouda, s'est éteint à l'âge de 88 ans, le samedi 26 avril à Rabat en laissant en legs aux générations montantes, une véritable école de valeurs tirées des gisements inépuisables de la fidélité sans faille au Trône Alaouite, du patriotisme précoce dans la lutte contre le joug colonial, du militantisme partisan et journalistique et des vertus de l'éducation et des sciences en sa qualité de professeur apprécié au Collège Royal. Le natif de Fès, à l'hiver 1920, fut l'un des tous premiers à s'associer aux protagonistes nationalistes de la lutte pour le recouvrement de l'indépendance nationale, avec lesquels il s'appliqua à jeter les fondements du mouvement de la lutte contre le double protectorat franco-marocain imposé au Royaume par le traité de Fès de 1912. En tant qu'intellectuel éclairé, soucieux de la légitimité de la Couronne Alaouite, menacée par l'occupation coloniale, Ahmed Bensouda contribua au mouvement d'émancipation du Royaume de toute dépendance et de toute ingérence étrangères, en étant actif au sein du Parti de la Choura et de l'Istiqlal, où ses prises de position en firent l'un des ennemis les plus redoutables des occupants. D'ailleurs, il fut traqué et emprisonné par les franco-espagnols qui cherchèrent à le neutraliser, car voyant en lui un de ces leaders aptes à accélérer le mouvement de libération nationale que le protectorat craignait tant. Le combat politique mené inlassablement par l'ancien Directeur du Cabinet et Conseiller du Roi Hassan II se doublait, très vite, d'un engagement exemplaire dans le journalisme militant où ses écrits revendicatifs le mirent souvent en évidence dans l'opinion publique nationale et internationale. C'est avec beaucoup de conviction et d'esprit de sacrifice, que Bensouda fonda, en 1947, le journal «Arraï El Am» comme nouvel instrument de lutte anticoloniale et d'éducation patriotique des masses populaires. Et dès l'indépendance, Ahmed Bensouda a occupé les charges ministérielles de Secrétaire d'Etat à la Jeunesse et aux Sports dans le premier gouvernement de M'barek Bekkaï. L'épopée du Sahara marocain L'ancien conseiller de feu Hassan II, qui fut aussi au service du père de l'indépendance Mohammed V, et qui avait, avant de prendre les rênes du Cabinet Royal, assuré les charges d'ambassadeur du Maroc au Liban, a été conduit à sa dernière demeure au cimetière Achouhada de la capitale.Funérailles auxquelles ont pris part, ce dimanche 27 avril, les ministres de l'Intérieur Chakib Benmoussa et des Habous et Affaires Islamiques, Ahmed Taoufiq, accompagnés des Conseillers du Roi Mohammed VI, Mohamed El Mouatassim, Abdelaziz Méziane Belfkih, Abbas Jirari et Omar Kabbaj, ainsi que par plusieurs responsables civils et militaires. Le Souverain Mohammed VI s'est montré particulièrement affecté par le constat énoncé qu'avec «sa disparition, le Maroc a perdu l'un de ses authentiques patriotes. Nous nous remémorions avec considération les œuvres grandioses du défunt en tant que l'un des professeurs et érudits, dont nous avons puisé dans le savoir et la science». Lui, qui fut unanimement respecté et écouté, aussi, comme professeur et éducateur distingué, notamment au Collège Royal dont il représentait une figure de proue dans l'enseignement dispensé aux Princes et princesses. Et quelle vive émotion ressentie par une foule massive qui a fait le déplacement en hommage à la dépouille mortelle de Bensouda quand El Mouatassim donna, avec des trémolos difficilement contenus dans la voix, lecture du Message Royal de condoléances, adressé à la famille de l'illustre défunt soulignant les «vives condoléances et la sincère compassion» du Roi Mohammed VI à la mémoire d'hommes «connus pour leur patriotisme et le sacrifice qu'ils ont consentis dans le combat pour la libération et l'édification d'un Maroc libre et uni, sous la sage conduite de feu SM Mohammed V et de feu SM Hassan II». Fidélité au Trône Conseiller perspicace, interlocuteur politique chevronné, journaliste avéré et une mémoire nationale distinguée, rien n'est laissé au hasard dans les épithètes et les attributs soigneusement choisis en la circonstance, pour honorer le parcours exemplaire d'un grand Commis d'Etat, dont le souvenir vivace restera longtemps encore dans la mémoire collective de la nation. L'une des étapes les plus caractéristiques de la carrière de feu Ahmed Bensouda fut, incontestablement, son «épopée du Sahara marocain» lorsqu'il fut nommé le 22 novembre 1975, dans la foulée de la Glorieuse marche verte et des Accords de Madrid, Gouverneur au Sahara.Impossible d'oublier cette image à la symbolique très forte attachée, désormais, à l'histoire de Bensouda : c'était l'instant solennel où le défunt eut l'insigne honneur pour descendre le drapeau espagnol du haut de la résidence du gouverneur militaire colonial, pour hisser celui de la mère-patrie réunifiée par la récupération définitive de ses provinces du Sud. Fidélité au Trône et patriote jaloux de l'intégrité territoriale et de la souveraineté nationale, voici les deux qualifications majeures qui collent le mieux à l'envergure et à la stature du regretté défunt. Qualités avérées auxquelles il faut ajouter la compétence et l'abnégation du personnage dans toutes les responsabilités dont il s'est acquitté.