La Gambie réaffirme son appui au Plan d'autonomie    Ministère public : Un service numérique pour renforcer la communication avec les usagers    La chute du dernier masque : le régime militaire algérien vote là où son peuple ne voulait pas    Chlorure de potassium : le ministre de la Santé réfute tout conflit d'intérêts devant le Parlement    «L'Algérie ne parle pas au nom du Polisario», affirme l'ambassadeur algérien aux Etats-Unis    Migration de la richesse mondiale : le Maroc parmi les rares gagnants africains    Nouveaux programmes de développement territorial: les entreprises et coopératives face à un nouveau paysage d'opportunités stratégiques    Télécoms : FiberCo et TowerCo, les infrastructures mutualisées voient le jour    SGTM prépare un tournant stratégique avec son entrée en Bourse à Casablanca    Sortie de Sanae Takaichi sur Taiwan : mépris de textes ou provocation    Paris accueillera officiellement la proclamation de l'indépendance de la Kabylie le 14 décembre 2025    Terres rares : Washington "espère" finaliser l'accord avec Pékin d'ici fin novembre    Royaume-Uni : le gouvernement défend sa réforme contre l'immigration irrégulière    Moroccan Ghizlaine Chebbak crowned Player of the Year at CAF Awards 2025    CAF Awards 2025 : L'équipe du Maroc U20 désignée sélection masculine de l'année    Classement FIFA : le Maroc 11è mondial, 1er aux niveaux africain et arabe    Fouzi Lekjaa : le Maroc fier d'accueillir les stars du football africain    CAF Awards 2025 : Le Marocain Yassine Bounou meilleur gardien de but    Azzedine El Midaoui: «Nadie tocará la gratuidad de la educación superior pública»    Azzedine El Midaoui : «Personne ne touchera à la gratuité de l'enseignement supérieur public»    Fondation Mohammed VI pour la réinsertion des détenus: 303 projets soutenus pour plus de 10 MDH    Résilience climatique au Sahel : don de plus de 9 millions de dollars US du FAD    Be Magazine : Rabat se fait une place méritée dans les grandes tendances du voyage    Festival International du Film de Marrakech : La composition du jury dévoilée    Marrakech : l'UCA inaugure l'exposition « L'Afrique aux origines de la vie »    Jameel Motors renforce sa présence au Maroc avec la distribution des véhicules utilitaires JMC    Education financière. L'ACAPS et la Banque de France unissent leurs forces    Qualifs CDM 26 : Mardi décisif en Europe    A Washington, le Prince héritier d'Arabie Saoudite annonce 1.000 milliards de dollars d'investissements aux Etats-Unis    L'ambassadrice de Chine en visite à la Commune de Marrakech pour explorer les perspectives de coopération    Le Maroc redessine son modèle agricole grâce à une ingénierie financière de nouvelle génération    Rabat accueille jeudi la Conférence ministérielle africaine sur le Désarmement, la Démobilisation et la Réintégration des enfants soldats    Kénitra: Les informations sur un prétendu mariage par "la Fatiha" d'une mineure dénuées de tout fondement    Hammouchi préside la cérémonie d'excellence annuelle organisée par la Fondation Mohammed VI pour les oeuvres sociales du personnel de la Sûreté nationale    Regragui after 4–0 win : «We must arrive at AFCON as a united group»    PAM: Pas moins de 318 millions de personnes pourraient être confrontées à une crise alimentaire en 2026    Mafia : Le Maroc arrête le chef du clan d'Aprilia, activement recherché par l'Italie    CAF Awards 2025 : Ce mercredi, c'est "Soirée Cérémonie" !    Festival International du Film de Marrakech: la composition du jury de la 22e édition dévoilée    Marrakech Film Festival 2025 jury unites global cinema icons    Mélita Toscan du Plantier : Le FIFM soutient «l'émergence de nouvelles écritures autour du cinéma» [Interview]    FIFM 2025 : un jury cosmopolite et intergénérationnel    La Bourse de Casablanca ouvre en grise mine    Le ministère de la Santé assure l'évacuation sanitaire urgente d'un nouveau-né de Laâyoune vers Rabat    L'ambassadrice de Chine visite le Centre de langue chinoise "Mandarin" à Marrakech    Pressée par Trump, l'Algérie lâche les Palestiniens à l'ONU    18 Novembre : La date des dates!    L'artisanat marocain s'expose à Séville pour renforcer les liens culturels avec l'Andalousie    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le calvaire des «hommes-mulets»
Publié dans La Gazette du Maroc le 16 - 05 - 2008

Derb Omar. Silhouette filiforme, mains enflées, jambes arquées. « Les hommes-chevaux », ou les tireurs de carrioles de Derb Omar à Casablanca, vivent très mal leur quotidien. Et ils tiennent à le faire savoir…
Un corps chétif à la Charlie Chaplin, un visage paré de rides, des bras traînant les bribes de quelques biceps éteints avec le temps, un vieillot qui tire vers la soixantaine de son âge, une carriole qui dépasse une centaine de kilos. A la vue d'une autre marchandise, ses yeux sortent de leurs orbites, ses traits quittent leur indifférence habituelle et son ancienne démarche laisse maintenant place à une inlassable course contre la montre. L'homme devient plus alerte, il oublie subitement ses années. Quand son acolyte de travail, plus jeune que lui, l'écrase et lui prend «la virée» qui le faisait tant baver, il maudit tous les Saints et les Chorfas de Sidi Hajjaj, d'où il est originaire. C'est ainsi que se passe une journée d'un «homme cheval» à Derb Omar, le poumon économique de Casablanca. Travailler, se serrer les coudes, tirer les carrioles, sentir les épaules dissociées du corps, avoir des jambes qui subissent le supplice… Tout cela, pour en fin de compte, recevoir une petite poignée de sous. Se sentant départagé en voyant tous les devoirs qu'il doit accomplir, il se contente de se lamenter sur son sort sinistre et de demander grâce au créateur tout puissant.
La journée commence…
Six heures du matin. Les carrioles se bousculent sur le pavé comme si c'était un bureau des Adouls. Les « hommes-mulets » se serrent comme des sardines et se tournent les pouces en attendant le client ou le grossiste qui fera appel à leurs services. Un festival de charrettes de toutes les couleurs.
Dès que l'ombre d'un client apparaît, ils se mettent au garde à vous et prennent leurs jambes à leur cou. Non pas pour fuir, mais surtout pour remporter « le marché » et gagner les quelques dirhams de la journée. Qu'il fasse froid, qu'il pleuve ou qu'il vente, les « hommes-mulets » sont prêts à se battre. Qu'il fasse chaud, ils sont également prêts à entendre crépiter le son de leurs gouttes de sueur sous le soleil accablant des solstices d'été. Pourquoi ce calvaire ? «On n'a pas le choix, pour continuer à lutter contre ce pêcher originel qu'est la mendicité. On ne peut pas lâcher ce boulot malgré toute l'ingratitude de cette activité », explique Ba Ahmed, un ex-docker du port de Casablanca. Midi. Ils se réunissent tous autour d'un petit plat : c'est le déjeuner. Les porteurs qui désirent partager le couvert cotisent et s'offrent ainsi une assiette d'oeufs, ou encore un bol bien consistant de féculents (lentilles, fèves, pois chiche…). Le soleil tapant de midi, n'empêche pas la bonne ambiance de s'installer ni le brouhaha des discussions s'imposer. Ils laissent libre-court à leurs rires et à leurs échanges tout en se léchant les babines. Les histoires fusent, les blagues se poursuivent et les défis se lancent. Le déjeuner était succulent, l'assemblée encore plus… En guise de dessert, quelques parties de cartes ponctuées de cris leur procurent le plus grand plaisir. La compétition se passe désormais entre l'as de cœur et la dame de pique, sans pour autant oublier le deux de trèfle. Le groupe compte maintenant plus d'éléments à son actif et les mauvais perdants se passent des savons entre eux. Tout cela, dans une atmosphère de joie et de gaieté. Pas pour longtemps … Une dizaine de minutes après, le supplice reprend. Après un repos bien mérité, une légère sieste à même le sol, ces porteurs d'un autre âge » rejoignent leurs carrioles laissées au soleil. Les conflits refont surface et la rivalité est maîtresse de la scène. Nos héros reprennent leurs courses folles et n'ont plus froid aux yeux. Plus rien ne compte, la journée touchera bientôt à sa fin et les familles attendent l'argent. C'est ainsi que cela se passe…
« Ma vie, mon cri… »
Hicham, un jeune au printemps de son âge, fêtait hier ses 24 ans. Une fête sans goût, une année de plus qui marquera davantage les malheurs d'un citoyen, si l'on se permet de le qualifier ainsi. Ce jeune garçon, fort d'apparence, a préféré suivre les pas de son défunt père, plutôt que d'agresser les gens et se retrouver derrière les barreaux, comme son frère aîné. « J'ai quitté l'école à 20 ans pour retrouver une famille plus pauvre que jamais. Je me suis laissé aller, j'ai volé, j'ai fait tout mon possible pour me procurer de la drogue. L'incarcération de mon grand frère m'a gravement secoué. Mon père est décédé suite à cet événement qui a bouleversé la famille. Dès lors, j'ai commencé à tirer les carrioles. J'ai arrêté la drogue, la cigarette aussi. Et je fais tout mon possible, pour remplacer le père et le frère aîné ». Mendier, un terme banni du langage du jeune homme. Humble, sans ressources, dépourvu du nécessaire, le cas de Hicham se répète souvent, mais cette fois-ci en d'autres circonstances. Said, un quadragénaire, responsable d'une famille nombreuse, issu d'un douar de Tiznit, a été contraint de quitter son nid douillet pour s'engager dans une vie plus hasardeuse. Il a quitté ses enfants, sa femme, ses parents, sa campagne pour se retrouver du jour au lendemain, dans un dilemme sans issue. « Nous sommes très pauvres. Je suis l'aîné, donc c'est moi qui prends la relève de mon père. Je n'admettrai jamais de tendre la main à qui que ce soit. Je suis un homme « rajl ou gad bi rassi ». Tant de paroles, tant de douleur, tant de peine, souvent en vain. Ces « hommes-mulets» n'arrivent même pas à subvenir à leurs besoins. Quant à ceux de leurs familles …
Sourire aux lèvres, des lèvres très pincées à force de tirer, Mohamed, le plus âgé de tous, a accepté fièrement de se livrer. Mains dans les poches, démarche élégante malgré son âge, regard défiant, Mohamed relate l'histoire de sa vie sans amertume. Une vie qui a connu des hauts et des bas, et qui a bien laissé des traces. « Depuis 30 ans, le destin m'a joué bien des tours. Il m'a arraché tous les membres de ma famille dans un incendie. Mes parents, mon frère, ma femme, et mon petit enfant. Choqué par ce nouveau changement, je me suis laissé aller de ville en ville, de village en village. Cinq ans d'errance, m'ont appris pleins de choses. Et depuis 25 ans, je me suis installé à Casablanca. Vivant seul, je n'ai pas pu reformer une nouvelle famille. Cela peut paraître normal puisque je n'ai pas de famille à nourrir. Mais en tout cas «hamdoullah» ». Ainsi, Mohamed cachait bien sa peine derrière son sourire trompeur. A 60 ans, il est toujours seul, sans famille, sans enfants. Ses «collègues» de travail l'aident à oublier le passé. Le passé est dépassé certes, mais les plaies, elles, ne le seront jamais.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.