Son enfance est enterrée bien plus tôt que prévu. Sa vie ne ressemble plus à celle d'une jeune fille de quinze années. Le bonheur lui a filé à l'anglaise sous le regard impuissant d'un destin on ne peut plus cruel. Les tâches noires qui parent sa petite robe moutarde, mettent en évidence ce qu'elle a enduré. Regard effacé, émotion mutilée et traits gommés, la petite Saloua, petite de son âge, s'est mise en position fœtale et s'est abandonnée au silence depuis ce qui s'est passé. Ses orbites étaient plus creuses que jamais. Son petit corps chétif, était tâché de coups et de blessures profondes. Un bleu par-ci, une égratignure par-là, elle souffrait en silence. Mais que lui-est-il arrivé ? Saloua a goûté aux plaisirs de la chair. Ou plutôt, on a goûté aux plaisirs de sa chair. El quels plaisirs… Saloua a été violée 25 fois dans une seule soirée. Elle a été jetée dans la rue après s'être disputée avec son père. Depuis, la pauvre fille ne vit plus. «Après avoir diné, Saloua, studieuse, révisait pour ses mathématiques. Apparemment pris d'une colère noire, son père fit soudain irruption dans la chambre de la fillette et lui dit qu'un ami du café du quartier l'a vue passer avec le fils de la voisine. Conservateur, il jura par tous les Dieux qu'il l'empêchera de continuer ses études, car il refuse d'être déshonnoré. La pauvre Saloua ne trouvait que ses larmes pour se défendre devant une telle accusation. Et quand elle contesta la décision de son géniteur, il la gifla, la prit par le bras et la jeta dehors. En pleurs, sa mère ne put rien devant le déchainement de son mari. Il était 23 heures. Sans argent, la jeune fille décida d'aller chez une amie habitant le même quartier. Soudain, une voiture s'arrêta, sa musique aussi. Trois malfrats en sortent. Ivres et inconscients, ils emmènent Saloua de force. Arrivés dans un appartement, les coups de téléphone fusent. Quelques minutes après, les personnes se multiplient. Elle ne savait plus ce qui se passait. Seule dans une chambre, elle reçoit la visite du premier invité, du deuxième, du troisième… la liste fut longue». Sa gorge se noue, ses larmes arrêtent le récit. Jamila, la tante qui abrite actuellement Saloua, a l'impression de raconter l'histoire d'un film. Elle insiste quand même. «Après avoir rempli leur mission, l'un d'eux se débarrassa du petit corps immobile et le déposa auprès d'un immeuble. Sortie dans le noir, complètement désemparée, la petite fille va être violée encore une fois par des clochards. Le lendemain, le concierge avertit la police…» Détrompez-vous, ce n'est pas l'histoire du prochain film d'un Saad Chraibi ou d'un Hakim Nouri. Cela est arrivé, Saloua en est la victime. Elle n'a rien fait pour mériter un tel châtiment. Pourtant, elle le subit. Son père ne veut plus la voir. Il a changé de ville afin d'oublier le souvenir d'un déshonneur qu'il s'est infligé. Sa mère a pleuré toutes les larmes de son corps, mais ne pourrait pas réécrire le passé. L'histoire de cette jeune fille de quinze ans ne sera, certes, pas la dernière. On continuera malheureusement à voir un Driss qui envoie son fils dehors pour un motif «bidon» ou une Aicha qui impose une virée à sa petite adolescente sous l'obscurité d'un soir avec les chauves-souris. On continuera également à voir des enfants violés, maltraités ou encore engloutis par le monde de la prostitution ou de la drogue. Qu'a-t-on à voir d'autre ? Parent, un métier qui s'apprend… De nos jours, les associations poussent comme des champignons. De l'association de lutte contre la violence des femmes (ou des hommes…) jusqu'aux mères célibataires en passant par celle de la protection des enfants. la création d'une association pour la lutte contre les parents irresponsables et inconscients n'a jamais effleuré l'esprit. Cette association devrait accueillir les petits enfants moralement maltraités par leurs ainés. Une bonne brochette de parents ne sait malheureusement pas la valeur de ces enfants. «Etre parent, c'est un métier qui s'apprend, une mission qui nécessite une éducation morale avant toute chose» témoigne Mohcine, psychologue. Si l'on mélange une cuillerée d'implication, un zeste de responsabilité, un soupçon de bon sens et une pincée de savoir-faire, cela donnera le profil idéal pour ce métier pas comme les autres. Cher père, ne te rappelles-tu pas des gazouillis de ton enfant encore bébé ? Du soir où il te suppliait de lui lire «Le petit prince» ou «Peter Pan», du jour de sa circoncision, de l'instant où il t'enlaçait pour sentir ta chaleur, de son 1er jour à l'école… Et toi chère mère, ne te souviens-tu pas de tes neuf mois de grossesse ? Du jour où tu as donné la vie à ta petite fille, qui pleurait dès que tu t'éloignais d'elle, qui se vouait à tous «les seins» quand elle avait faim, qui t'embrassait fièrement pour te montrer à ses jolies copines, qui se jetait dans tes bras dès qu'elle en sentait le besoin… Malgré tous ces souvenirs qui ont certainement existé un jour, on voit des parents qui jettent leur charge aux oubliettes et privent ainsi leurs enfants d'une vie normale. «Faites ce que vous voulez de nos enfants» devrait remplacer «Matkich waldi», avec un petit clin d'œil pour les parents qui se disent «il suffit d'avoir des enfants». Non mesdames et messieurs ! Vous les avez eus… Assumez ! Et Elvis Presley qui disait «Les enfants sont la chose la plus précieuse dans la vie. Un parent doit faire tout ce qu'il peut pour donner à un enfant le sens de la famille». Il devrait quitter le temps d'une petite heure son monde céleste et venir faire une petite balade terrestre. Il en serait…ahuri. Tous ces enfants qui travaillent ont certainement un passé de ce genre derrière eux. Othman, un jeunot de 14 ans, s'est vu couper les quatre doigts de sa main droite par une machine de menuiserie. Sa mère, qui a préféré s'offrir un nouveau mari en se débarrassant de son petit en serait probablement «touchée». Mais a-t-elle pensé à cela quand elle a décidé de couper le cordon ombilical avec son fils de cette manière ? Allez voir… De toute façon, le petit Othman a perdu l'usage de sa main à tout jamais. Drôle de destin. Et ces parents qui envoient leurs petites filles travailler dans des maisons, ont-ils conscience qu'ils envoient leurs bouts de choux vers le néant ? Savent-ils qu'ils leur font encourir un sérieux danger ? Malheureusement, il n'y a pas de lois assez judicieuses qui puniraient un parent irresponsable. On ne l'aura jamais tant que notre société ne sent pas l'impact de ce qui se passe et ne le prend pas en considération. Une enfant violée 25 fois, un enfant dont les doigts de la main ont été coupés, une enfant brûlée par sa patronne, un enfant accro à la drogue… La liste est longue.