Le jeu existe partout dans le Monde, mais toutes les cultures n'y réagissent pas de la même manière. Le joueur Marocain est un vrai kamikaze. Pourquoi ? Il ne s'agit pas ici de faire de la morale, ni l'apologie des jeux du hasard. Le fait de décrier la prostitution ne l'a arrêtée nulle part, les jeux de hasard existent depuis la nuit des temps et dans toutes les civilisations. Dans les grandes religions, le judaïsme le tolère, le christianisme le réprouve et l'Islam l'interdit. La morale, partout, le réprouve. Mais il existe, sous différentes formes d'ailleurs : certains parient sur des combats de coq, des dés, des osselets de pigeons ou des formes modernes, telles que les compétitions sportives. Les jeux de cartes ou les courses d'animaux, chevaux et lévriers sont les plus pratiqués. Cependant, on divise les joueurs, souvent en trois catégories : le ludique, le contrôlé et le compulsif. Le premier garde le sens du jeu, il est là pour s'amuser. Joue petit, très petit et n'espère pas de gros gains. Il se paye un peu d'adrénaline à moindre frais. Le contrôlé c'est le vrai joueur «professionnel», il a des règles du jeu, contrôle ses enjeux, s'arrête dès qu'il arrive à un certain niveau de gains, ne se grise jamais. Le compulsif est le perdant assuré. Il joue jusqu'à sa dernière chemise, est prêt à mentir, à escroquer, pour pouvoir jouer, remet en jeu instantanément tous ses gains jusqu'à les perdre. Il s'auto punit le lendemain et sombre dans la dépression avant de replonger dans le jeu. Il n'a plus aucun plaisir à jouer, c'est un drogué comme un autre, qu'aucune thérapie n'a réussi à soigner depuis que le jeu existe. Les seuls cas de «rédemption» connus sont dûs à un effort propre, souvent lié à la perte de tout et l'envie d'une resocialisation digne. Les joueurs compulsifs au Maroc forment la majorité des joueurs. En France, des millions de gens jouent au loto, au PMU, grattent ou font un poker par internet. La mise moyenne dépasse à peine le prix d'un paquet de cigarettes. Le joueur français dépense en moyenne 6 euros par jour. Ce qui, rapporté au revenu, est fort supportable. La grande masse ne dépasse pas 2 euros. Un gain de 30 ou 40 euros permet d'inviter sa femme au restaurant et de continuer de rêver du gros lot. Au Maroc, les joueurs compulsifs sont la majorité. Pourquoi ? Il y a d'abord un problème culturel. La société méprise le joueur. Celui-ci charriant les mêmes valeurs, il n'y a aucune place pour le ludique dans cet espace. Le joueur Marocain, ne vient pas jouer, s'amuser, se payer un peu d'adrénaline. Il vient pour gagner et il s'empêtre. Que faire ? Des gens viennent jouer leur salaire en espérant le doubler, parce qu'il ne suffit pas. Ils le perdent, entrent dans le circuit des usuriers et n'en sortent jamais. Autour des tripots PMU, il y a toute une faune d'anciens cadres, ouvriers, petits commerçants. Ils ont tous la même histoire, mais ne racontent que le gros quinté qu'ils ont raté parce qu'ils ne se sont pas réveillés le matin. Justement chaque matin, ils descendent en ville pour vendre leur «science». L'accro-marocain ressemble à tous les accros du monde, mais les nôtres sont plus nombreux et surtout plus pathétiques. Dans d'autres pays, le législateur a fait des choix draconiens. Israël a interdit le jeu sur son territoire, les Israéliens vont en Turquie ou à Charm Cheikh pour jouer, l'Egypte interdit à ses citoyens l'accès aux casinos. Il y a probablement des tripots clandestins. Aucun choix n'est exemplaire. De la même manière que l'éradication de la prostitution est une chimère, celle du jeu est impossible. Par contre, mettre en place des garde-fous est envisageable. Surtout permettre une véritable information. Le drame, c'est que nous fonctionnons sur la base de ce qui n'est pas légal n'existe pas. Il n'y a pas de problèmes d'alcoolisme puisque les musulmans ne boivent pas et il n'y a donc aucun problème de jeu. Une bonne information, un suivi médical pour ceux qui le souhaitent, l'interdiction de tous les circuits parallèles, c'est tout ce que l'Etat peut faire. Les dégâts sont si énormes, qu'il doit le faire.