Il aura vécu jusqu'au bout sa passion pour la comédie. La poésie qu'il a commencée à chatouiller au milieu des années 70 aussi. Un enfant de 77 ans a quitté notre monde la foi plein le cœur et le patriotisme plein les entrailles. A 18 ans, il s'était illustré dans le football tout en taquinant les planches. Il s'en est allé ensuite à Paris où il put aiguiser son art dramatique : expression corporelle, vocalises et même la danse. Revenu au pays, il rejoint le «Théâtre ouvrier» aux côtés des pionniers de la dramaturgie marocaine. Magistrat, son père était lié au Sultan Mohamed V par une amitié jamais démentie. Plus généralement, toute la famille Essakalli aura servi le Pays et le Trône : Hamid s'était illustré par son implication dans la promotion du sport ; Larbi occupa longtemps le poste de directeur de l'information au sein du ministère du même nom, tandis que le Général a brillé par ses équipées en Somalie et ailleurs. L'histoire consignera le patriotisme tonitruant d'Hassan Essakalli. Dès la fin du discours royal invitant nos concitoyens à entreprendre la Marche Verte, Hassan accourut à la Préfecture de Casablanca, investit le bureau du gouverneur Fizazi et demanda son inscription. Son bulletin comporta le numéro 1. Il en demeurera fier jusqu'à son dernier souffle. Il ira jusqu'à refuser des contrats de tournages ou de tournées en Algérie, en Libye et dans tout autre pays ayant porté atteinte à la réputation et à l'intégrité territoriale du Royaume. Hassan aura occupé la scène artistique durant plus d'un demi-siècle sans jamais se plaindre des misères faites durant des décennies au statut du comédien. Tout au plus des tirades contre ces possédants qui méprisaient la culture et, plus généralement, «le vrai, le bon et le beau». Enfant, il a longtemps joué au ballon avec Feu Hassan II qui n'était son aîné que de deux petites années. Il gardera une fidélité sans faille au défunt Roi. Plus tard, Mohamed VI le fera hospitaliser à ses frais à deux reprises. La dernière aura été celle qui le conduisit à sa dernière demeure. Modeste et accessible, Hassan Essakalli a pris par la main des dizaines de jeunes talents dans la quasi-totalité des disciplines artistiques. Il révèlera des talents aussi distingués que Naïma Samih, cooptée durant les années où il s'adonna à la réalisation télévisuelle des shows du samedi soir tournées aux studios d'Aïn Chok. Au début des années soixante-dix. Hommages mérités Il squatta le premier étage du cabaret Rissani à Casablanca que dirigeait son oncle Benjelloun dit «Taâlab». Là, il rassembla une trentaine de jeunes issus des quartiers déshérités, leur apprenant les fondements de l'art théâtral. Certains d'entre eux brilleront autant dans l'art dramatique que dans le milieu de la chanson, notamment ghiwanie. A ses côtés, il appela le jeune lauréat des cours René Simon que je fus ainsi que des artistes chevronnés tel que Mohamed Saïd Afifi. Durant les dernières années, les hommages à Hassan se sont multipliés. Chacun sentait la nécessité d'une telle affection à l'égard d'un immense comédien qui venait de subir une opération à cœur ouvert et qui refusait de succomber à la fatalité. Son appétit pour la fiction et le théâtre demeurait vivace jusqu'à ce que le cancer en décida autrement. Malgré cela, sa foi alerte et sa gourmandise de vitalité le maintenaient dans l'espérance. Amoureuse et dévouée, sa seconde et dernière épouse Najat ne le quitta pas une seconde durant les six mois de sa maladie, devenue incurable malgré les prouesses chimiothérapiques. C'est au courage et au dévouement de cette femme qu'il y a lieu de rendre hommage après le départ de l'homme auquel elle a offert ses dernières années de bonheur et d'amour. Le souvenir d'Hassan Essakalli doit rester vivace. La ville de Casablanca qu'il a tant chérie serait bien inspirée de donner le nom de ce grand homme à l'une de ses principales artères. Adieu Patriote! Adieu frangin !