La manifestation des avocats contre le juge d'instruction Jamal Sarhane cache des zones d'ombre. Enquête Menés par le nouveau bâtonnier de Casablanca, quelques dizaines d'avocats ont manifesté, au sein même de l'enceinte du tribunal et devant le bureau du juge d'instruction Jamal Sarhane. Celui-ci en mission ce jour-là, a été insulté grossièrement. Les slogans, entre autres joyeusetés, le traitaient de lâche. Pourquoi cette ire ? La pétition des avocats estime que Jamal Sarhane les traitent comme une serpillière, qu'il est insultant. Ce qui n'honore pas le barreau, qui aurait accepté un tel traitement durant les quatre années que Jamal Sarhane a passées à Casablanca. Plus objectivement les avocats parlent d'une atteinte aux droits de la défense par le refus du magistrat de l'instruction de les laisser photocopier les dossiers. Ce que non seulement il fait, mais qu'il revendique par une ordonnance et que «Al Majliss Al Aâla» a confirmé par un jugement. Le législateur ne donne, durant l'instruction, qu'un droit de lecture aux avocats. Un ténor du barreau explique «en France il y avait la même disposition, les avocats ont ouvert un débat national et ont réussi à imposer un changement de la législation. Ici on préfère manifester contre un magistrat qui applique la loi». Le deuxième grief concerne les droits de visite en prison à leurs clients. Du côté de la chambre 4, les assistants de Jamal Sarhane précisent «tout avocat ayant une désignation en règle de la part d'un détenu reçoit automatiquement son autorisation. Le problème ce sont les avocats qui vont faire leur prospection en prison». Sous le sceau de la confidence, un avocat qui affirme avoir des cas concrets, explique un phénomène plus grave. «Les avocats qui ont ce problème sont généralement ceux qui s'occupent d'affaires de drogue. Ils ne sont pas mandatés par les détenus, mais par les barons en fuite. Ils poussent les détenus les ayant dénoncés à les blanchir et négocient avec eux, ensuite les autres peuvent se présenter à la police et requérir leur innocence». Accusation très grave de la part d'un membre du barreau. Ultime grief du barreau de Casablanca contre Jamal Sarhane, la détention de deux avocats, accusés d'escroquerie. Ils estiment cette décision abusive. Les deux concernés sont actuellement en liberté provisoire, mais l'accusation porte sur 4 milliards. « Jamal Sarhane n'est pas fou, il ne peut mettre en péril sa propre liberté pour le plaisir de mettre en taule deux avocats » affirme un juge «assis». Le pourquoi d'une cabale En fait, il n'y a pas de malaise réel entre l'ensemble des avocats et le juge d'instruction Jamal Sarhane. Celui-ci est hyper-médiatisé parce qu'il a hérité des dossiers qui relevaient de la cour spéciale de justice. En fait, selon des sources concordantes, le malaise réel est entre le juge d'instruction et le procureur du Roi. Le premier serait «trop indépendant», «peu malléable» au goût du second. Selon ces sources, la preuve est cette manifestation elle-même. «Le procureur du Roi est chargé de la sécurisation du tribunal, la manifestation n'avait aucune autorisation et n'aurait jamais dû atteindre le bureau personnel de Sarhane». La cabale serait organisée par «un complexe d'intérêts» gêné par la personnalité de Jamal Sarhane. Mais qu'y gagne l'état de droit ? La grande famille de la justice s'est donné en spectacle pendant quelques heures, révélant au public l'état de délabrement qui est le sien. Parmi les manifestants, il n'y avait que deux «ténors». Le bâtonnier de Casablanca et Abderrahmane Ben Amrou, les autres se sont abstenus ou étaient contre l'initiative et l'ont fait savoir. Parmi le corps des avocats, il y a maintenant ce que l'on appelle les SDF. Ils n'ont pas de cabinet et se limitent à «pêcher» les clients au sein même du tribunal. Le nombre de dossiers conflictuels entre avocats et justiciables est en croissance continue. Certains avocats sont devenus de simples «Samsar» des juges véreux. Naguère, le barreau de Casablanca était une véritable force politique. Il n'y a pas de réforme possible sans redonner à ce métier son aura d'antan. Il faut un débat national sur tous ces points. Quant aux relations entre le juge d'instruction et la défense, Jamal Sarhane a publié un livre présentant sa lecture de la législation. L'occasion propice pour les avocats d'entrer dans le débat. Cela élèverait le niveau.