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Une nuit d'horreur
Publié dans La Gazette du Maroc le 19 - 05 - 2003

Cinq attentats ont secoué la capitale économique du royaume, tous concentrés dans le centre-ville. Des dizaines de morts et autant de blessés sont les victimes des premiers attentats terroristes du pays. Retour sur une nuit d'enfer.
Devant la Casa de Espana, il y avait un témoin qui a tout vu. Il a vu les deux kamikazes descendre d'une Fiat Palio de location : “je n'ai pas noté son numéro d'immatriculation, je ne savais pas qu'ils allaient faire exploser le quartier”. Il a vu l'un deux se diriger vers la porte d'entrée, là où l'on présente sa carte d'adhérent au club, et l'autre vers la porte en fer forgé qui mène vers la chambre de commerce espagnole. Une dizaine de mètres séparent les deux entrées. Il a vu l'un deux : “pas très grand, plus grand que moi, mais pas fort” trancher la gorge du préposé qui filtre les entrées. “Après, tout est passé comme dans un cauchemar, l'explosion, les gens en sang qui se précipitaient dehors, la deuxième déflagration, les débris de verre, les cris, le sang, je ne voyais plus rien”. Le vide, pendant quelques minutes. Et un silence “dans ma tête”. Quand il reprend ses esprits, il voit un bonhomme courir, ensanglanté, “une jambe arrachée qui ne tenait qu'à l'aide d'une membrane” et d'autres femmes et filles, grièvement blessées qui tombaient devant la porte de la Casa à mi-chemin de l'Hôtel Mauritanie dont le gérant confirme avoir aperçu : “des cheveux arrachés, des morceaux de peaux qui pendouillaient, du sang partout, des visages défigurés… des membres entiers manquaient”. La porte d'entrée de l'hôtel a été soufflée par la force de l'explosion. «C'est là qu'une femme s'est écroulée, je crois qu'elle était morte. Il était 22h 17 minutes», selon notre témoin .
Le maître d'hôtel précise qu'il était 22 h 20 ou 25, mais pas au-delà. La télévision espagnole, dépêchée sur les lieux, dira ensuite que les forces de sécurité et les secours ont mis du temps à venir. Le quartier tout entier dit être surpris par la rapidité de l'intervention des forces de l'ordre. Quand nous avons pris en aparté le Consul général d'Espagne, qui était sur les lieux, il nous a confié que “tout s'est très vite passé et que les secours étaient sur place quelques minutes après l'explosion”. Des témoins diront plus tard que les premiers blessés qui ont été évacués du restaurant ont été transportés aux urgences avant l'arrivée des journalistes et des agences de presse étrangères. Notre témoin affirme que les deux hommes qui sont descendus de la Palio n'avaient pas de barbe : “Je suis sûr de ce que j'ai vu. Ils ont attiré mon attention parce qu'ils sont descendus en courant, en faisant du bruit. D'ailleurs d'autres personnes les ont vus. Je n'étais pas seul”. Un agent de police en veston en cuir, casquette et Jeans, qui a assisté à ma “prise de bec” avec les journalistes espagnols a sympathisé avec moi. C'est lui qui m'a laissé entrer à l'intérieur de la Casa de Espana pour voir ce qui s'est réellement passé.
La Chambre de commerce est littéralement saccagée. Des débris de verre aux quatre coins, du sang sur les murs, sur le dallage, sur les fenêtres. Le gardien me dit qu'il y a un corps au deuxième étage coupé en deux, sans tête. Ce qui restait de ce cadavre était collé aux murs.
Puis un gros morceau de cerveau humain, encore rosâtre, et des os, des membranes, des parties de viscères dans une mare de sang qui commençait à coaguler. À l'intérieur des bureaux de la Chambre du commerce, encore du sang, des morceaux de chair. Pourtant personne ne travaillait à cette heure-ci ? Les quelques responsables espagnols, encore sous le choc, n'ont pas pu répondre. Du côté du restaurant, c'est un véritable carnage.
Des dizaines de cadavres entiers, d'autres en pièces attendaient qu'on les mette dans des sacs en plastique, gisaient à même le sol. Parmi eux, certains étaient carbonisés. Un haut responsable de la police locale parlait de 17 morts et plus de quarante blessés. Le gérant du restaurant, lui, parlait de cent couverts, donc 100 personnes qui étaient de la fête ce soir-là. “Je n'ai pas vu de vivant”. Plus tard, après l'arrivée des voitures des pompes funèbres et des pompiers, un officier de police a fait savoir qu'il y avait 30 morts et autant de blessés graves. Pour nous, il était clair que le lieu était le théâtre du bilan le plus lourd de ces attaques. On n'en saura pas plus. Les jets d'eaux nettoyaient le macadam devant la Casa de Espana. Il était presque 2 heures du matin.
Le Farah Hôtel
C'est un taxi rouge qui semble être à l'origine de la déflagration qui a secoué le Farah Hôtel, ex-Safir, dans le centre-ville. L'onde de choc a été ressentie jusqu'aux confins de l'ancienne médina. Des centaines de personnes ont couru vers les lieux. Des témoins oculaires parlent d'un taxi et d'un jeune homme, qui est entré dans le hall avant l'explosion.
On n'a pas trouvé les cadavres de victimes, mais les responsables des autorités sur place attestent que deux garçons de l'hôtel et deux autres chargés de la sécurité ont été emportés dans la déflagration. On n'a trouvé que des lambeaux de chair et des os de l'autre côté du boulevard des FAR. Le corps du kamikaze n'a pas été trouvé. La police parle de trois autres, dont un blessé, qui ont été pris par les services de sécurité sur place. Ils sont tous Marocains. Pour notre part, nous quittons les lieux alertés par une autre explosion sur le boulevard Lalla Yakout, mais il n'en était rien... Une simple rumeur. Fausse alerte.
Une BMW, deux kamikazes
Le corps ressemble à une marionnette grandeur nature, disloquée. La tête gisait à proximité du cadavre recouvert de débris et de cendre. On trouvera sa jambe devant le restaurant Le Positano, le cou, les épaules et la moitié du buste tiennent miraculeusement. Le tout semble artificiel, irréel, comme une mauvaise mise en scène d'un film d'horreur. Des bribes de tissu, des morceaux gluants et noirâtres collaient au béton, des touffes de cheveux et une peau calcinée contre le pare-brise éclaté d'une BMW.
On s'approche de la porte d'une maison presque désaffectée où vivaient un gardien et ses enfants. La déflagration a défoncé la grille en fer, les pompiers sur place disent que le gardien ne survivrait pas à ses blessures. D'autres affirment qu'il était déjà mort. On ne l'a pas vu. Pas plus que l'agent de police devant le consulat de Belgique et que l'on disait déchiqueté par la force de l'explosion.
Ce qui semble sûr, c'est que le gardien du restaurant a été égorgé comme celui de La Casa de Espana. Selon un pompier, les deux couteaux trouvés devant l'Alliance israélite et le Positano, sont de la même marque et ont les mêmes dimensions. Monsieur Kakon, propriétaire du Positano est clair : “Les deux kamikazes ne visaient pas le resto. Ils étaient deux, pourquoi se faire exploser à deux quand un seul suffisait. La ruelle était discrète et on visait les consulats belge et américain à deux pas d'ici ”. Kakon dit qu'il a été sauvé par le rideau de fer de son restaurant qui fait office de paravent. Il croyait que c'étaient les bonbonnes à gaz qui avaient explosé. C'est la jambe de l'un des assaillants et l'odeur des explosifs qui lui a vite fait prendre conscience de ce qui s'était passé. Apparemment, aucune personne présente dans le restaurant n'a été touchée. Les deux cadavres dont un décapité ont été évacués à 2h35 du matin exactement.
Les policiers sur place qui avaient trouvé des morceaux d'une carte d'identité marocaine, cherchaient les autres morceaux pour rassembler les pièces du puzzle. Devant le Positano, la façade du consulat général de Belgique n'est plus qu'un amas de ferrailles et de pierres. Le 4x4 stationné devant le restaurant semble avoir été défoncé par un train. Cependant, un détail rapporté par un pompier a semé le trouble. Selon M. Kakon, les deux cadavres sont ceux des deux kamikazes. Alors que pour ce pompier, les deux corps déchiquetés sont ceux de simples citoyens qui se trouvaient au mauvais endroit et au mauvais moment. L'attentat avait été commis par une voiture piégée, une BMW que l'on n'a pas trouvée sur les lieux. Il était aussi clair que c'était le restaurant et non le consulat qui était visé.
A 300 mètres de là, l'Alliance israélite a été emportée par le souffle d'une charge explosive. Selon tous les témoins, les deux policiers qui gardaient les lieux ont été pulvérisés. Un habitant du quartier dit avoir indiqué aux forces de secours des bouts de chair humaine sur la terrasse de son immeuble de cinq étages. Les policiers parlent de 3 morts dont les policiers, d'autres disent 5 puisqu'il y avait trois personnes à l'intérieur de l'Alliance qui n'est pleine que le dimanche à midi. “Ils savaient qu'il n'y aurait pas foule. Ils l'ont fait pour attaquer la coalition contre l'Irak comme ils ont attaqué les Espagnols à la Casa de Espana, les Koweïtiens à l'hôtel Farah et un restaurant tenu par un juif”.
Et pourquoi alors une autre explosion dans l'ancienne médina ? La maisonnette éventrée n'est pas un lieu stratégique, un de ces endroits où l'on a ciblé des symboles étrangers. C'était une pauvre ruelle devant une fontaine où une fillette, deux garçons qui fumaient une cigarette et le kamikaze ont sauté et avec eux des pans entiers d'un mur de la maison. Là, les avis divergent.
Certains, comme les policiers sur les lieux, sont catégoriques. “Il a dû enclencher sa bombe par erreur”. Les voisins, eux, disent que c'est le cimetière juif du quartier qui était visé. Il était cinq heures du matin quand nous avons refait le tour encore une fois des cinq lieux des attentats. Des images de désastre et toujours cette odeur d'explosifs dans l'air, mêlée à un arrière-goût de chair brûlée. Le petit matin n'avait rien des jours paisibles de la ville blanche. Une chape de plomb drape l'atmosphère d'un lourd présage. Au loin, l'horizon semble brumeux.
A 6 heures et quelques minutes, un coup de fil. Un ami qui habite près de l'hôtel Farah dit avoir entendu une autre explosion. D'autres appels le confirment. Sinon pour le reste de la journée, les rumeurs sont allées bon train. On parlait d'une bombe trouvée à proximité de l'Hôtel Les Almohades, une autre sur le boulevard d'Anfa et une troisième derrière l'hôtel Sheraton...
Un gros morceau de cerveau humain, encore rosâtre, et des os, des membranes, des parties de viscères dans une mare de sang qui commençait à coaguler.
Détermination et sang froid
Il était 23 h vendredi devant le Positano quand le wali du Grand Casablanca, M'hamed Dryef, est arrivé sur les lieux. Serein, calme, le wali a su réagir au tragique de la situation avec la maîtrise de soi qui est de rigueur dans ce genre de catastrophe. Nous l'avons rencontré très tôt dans la soirée devant l'Hôtel Farah, puis devant la Casa de Espana, toujours aussi sûr de lui, courtois et rassurant. Il mesurait l'ampleur de la tragédie, mais voulait montrer à tous que le moment imposait des nerfs solides et de la clairvoyance. Il n'a pas donné dans la surenchère pour répondre à la presse empressée d'en savoir plus. Il avait le mot juste, éveiller en nous le réflexe de nous entraider, tous, policiers, pompiers, ambulanciers, journalistes et citoyens dans un moment aussi déterminant pour le bien de ce pays. Il a appelé au calme et au
sang- froid pour ne pas céder à la panique.


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