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Le temps des remises en question
Publié dans La Gazette du Maroc le 09 - 06 - 2003


Etat, partis, société civile...
Confrontés à la situation
de l'après-16 mai, l'Etat, les partis et la société civile sont en plein “repositionnement”. La mobilisation tous azimuts reste tributaire de la remise en question des séquelles du passé.
Dur réveil pour la société et la classe politique. “On avait sous-estimé la profondeur du mal et la gravité des dangers”: telle est la tonalité générale des réactions qui ne cessent de se multiplier depuis le 16 mai et à mesure que l'enquête révèle l'ampleur du réseau terroriste islamiste.
“L'exception marocaine” est remise en cause : les carences diverses, tant au niveau de l'Etat que des partis et du tissu associatif apparaissent au grand jour. Contraints à la lucidité par le danger devenu mortel, les différents acteurs de la scène politique surmontent leur stupeur et se repositionnent à qui mieux mieux.
Au sommet de l'Etat, le discours royal du 29 mai s'est voulu net et tranchant. Pas de laxisme avec “le terreau de l'obscurantisme, du fanatisme et de la discorde”, réaffirmation de “la fermeté que requiert la loi” et mise en exergue du “projet sociétal démocratique et moderniste”.
La promptitude et l'efficacité soulignées de l'enquête et des mesures de sécurité prises à travers l'ensemble du pays rendent encore plus vives les interrogations sur “le relâchement”, “le laxisme” et “les failles” qui ont été exploités par le réseau terroriste pour s'organiser et passer à l'acte. Redoutables questions qui interpellent les structures étatiques, leur niveau d'organisation et de modernisation, les ressources, la motivation et la formation des différents corps en charge de la sécurité et de l'administration territoriale.
Ce n'est pas un hasard si, à ce propos, les langues se sont à nouveau déliées au sein des partis et dans le discours politique ambiant sur la nécessité de reprendre et d'approfondir l'examen critique “des séquelles du système Basri”. On évoque avec insistance les responsabilités cumulées depuis les années 70 à propos des spéculations foncières sur les zones périphériques de Casablanca et des grandes villes qui ont abouti à la gangrène des bidonvilles.
La nécessité de faire le procès des trafics et du laxisme complice qui les a favorisés apparaît comme étant inéluctable si l'on veut inscrire l'administration dans une nouvelle stratégie. Les ceintures d'habitat insalubre ne sont plus seulement un problème social mais aussi un grave problème de sécurité.
Les bidonvilles, longtemps utilisés comme fonds spéculatif et comme réserve électorale, sont devenus un terreau de choix pour les recruteurs du terrorisme islamiste.
En annonçant des programmes de logement social et de lutte contre l'habitat insalubre, l'Etat montre bien qu'il en est conscient. Cependant, l'ampleur et la continuité de ces programmes seront-elles en rupture avec le caractère sporadique et de circonstance qui les avait marquées jusqu'ici ? La volonté prévaudra-t-elle d'attaquer ce problème jusqu'à la racine, quitte à remettre en cause certains intérêts spéculatifs et les pratiques de certains fonctionnaires.
Le train de “mesures de proximité” annoncées par le premier ministre, Driss Jettou, s'inscrit dans cette optique d'urgence. Or ce qui n'a cessé de faire problème, c'est la continuité sur le long terme.
L'examen critique de la stratégie du “durer pour durer” qui a prévalu pendant trois décennies est aujourd'hui devenu inéluctable. Avec timidité ou expressément, il est sous-jacent aux discours et aux actions urgentes d'aujourd'hui. Sans nul doute, cet examen est appelé à s'approfondir car rien n'est plus dangereux, désormais, que de retomber dans la léthargie et les attitudes timorées et sans perspective.
Les partis au pied du mur
Ceci apparaît d'autant plus évident que les partis politiques sont mis face à leurs propres carences et à la nécessité d'opérer leur autocritique. Deux types de reproches sont faits aux partis qui avaient une assise populaire, notamment ceux de la Koutla.
D'une part, il leur est fait grief d'avoir trop concédé à l'ancien système et de s'être laissé atomiser et vider de leur substance dans un jeu électoral et parlementaire sans efficacité. Pire, encore, on incrimine leur “abandon” de l'action militante tous terrains et leur impact sur la vie sociale, associative et culturelle, notamment auprès de la jeunesse.
D'autre part, les partis se voient reprocher de n'avoir pas été vigilants sur le front idéologique et de n'avoir pas développé, argumenté et diffusé tous azimuts une défense et illustration du projet de société démocratique et moderniste. Ils auraient ainsi laissé le champ libre à la propagation de la vulgate idéologique islamiste qui n'a cessé de dégénérer en un discours de plus en plus obscurantiste et incitateur à la haine et à la violence.
Les premières réactions des partis annoncent-elles l'éveil salutaire que beaucoup en attendent ? L'organisation de la grande marche de Casablanca, les prises de position des différentes instances semblent être des signes en ce sens. Cependant, tout dépendra de la capacité de chaque parti à faire son autocritique, à évaluer son parcours, à redynamiser ses structures, à rajeunir ses effectifs et ses cadres. La production et la large diffusion de discours et de vecteurs idéologiques pour défendre les principes de démocratie, de progrès, de modernité et de tolérance religieuse et culturelle correspondent à une urgence impérieuse pour faire contrepoids à la dérive de l'islamisme fanatisé.
L'accent est mis avec insistance sur l'enseignement où on constate les dégâts de l'influence wahhabite et du laxisme qui a laissé certains enseignants inculquer un discours de haine dans les écoles. L'éducation religieuse et l'enseignement de l'histoire et de la civilisation marocaines sont en cours de révision et le ministre de l'Education nationale a annoncé des mesures concrètes pour la prochaine rentrée.
“Les enseignants ont donné le meilleur et le pire en politique dans notre pays”, souligne un universitaire.
La plupart des dirigeants islamistes et même le prédicateur “takfiri”, El Fizazi de Tanger, sont des enseignants. C'est là un signe qui prête à réflexion quand on sait que les enseignants ont toujours constitué la base des partis de gauche.
La paupérisation qui a touché cette catégorie depuis la fin des années 70 et la crise structurelle de l'enseignement ont eu un effet délétère marquant une régression sur les plans éducatif et culturel.
Personne, dans ce contexte, ne s'étonne que le PJD soit dans l'œil du cyclone. La quasi-totalité des partis le rendent responsable d'avoir favorisé la propagation d'un islamisme intolérant et fermé, faisant le lit de l'extrémisme “takfiri” violent. Malgré les dénégations des dirigeants de ce parti et des journaux de son obédience quant à leur influence ou leurs liens avec les terroristes, ils font l'objet d'une suspicion générale. “Leur presse et leurs idéologues, tels un Zemzemi, ont été trop loin dans les anathèmes et les provocations”, souligne un journaliste socialiste. Ils ne se sont pas démarqué à temps des individus et des groupes qui affichaient leur attitude “takfirie”, dite “salafiste jihadiya”, ouvertement pro-Ben Laden. Le risque terroriste a été minimisé par le PJD dont des éléments se sont retrouvés dans la nasse de l'enquête sur les attentats de Casablanca.
Le PJD peut-il réellement démontrer sa crédibilité dans l'optique d'un Maroc démocratique et ouvert ? La voie semble particulièrement étroite pour ce parti qui, tout en affichant une étiquette de modéré, demeure prisonnier d'un discours idéologique sommaire, sans envergure et moralisateur qui confond référence religieuse et “bigoterie populiste” (selon l'expression de l'islamologue Mohamed Arkoun). La pauvreté de ce discours ressort du fait qu'il oppose sa “référence islamique” aux références libérale, socialiste ou universaliste, alors que ces dernières ne sont pas a priori opposables à l'Islam.
On attend toujours le PJD sur le plan de ses programmes économiques et sociaux chiffrés. Dans les mois à venir, il ne pourra échapper à cette contrainte et à ce débat s'il ne veut pas être emporté par la vague anti-extrémiste et anti-terroriste.
Les contre-coups de cette crise se font ressentir au sein même du PJD où, malgré l'allégeance affichée au vieux leader Abdelkrim Khatib, des lignes de fracture sont apparues.
Société civile en colère
“Dégoût et colère” : ainsi s'exprime un des membres fondateurs de la toute nouvelle “Organisation nationale de lutte contre la haine”. “Il faut tout reprendre à zéro”, renchérit un vieux militant du PPS lors de l'assemblée préparatoire de la création de cette association qui veut instituer un observatoire des discours et comportements incitant à la haine raciale, religieuse ou sexiste et organiser des actions de lutte contre ces phénomènes aux plan local et national.
D'autres associations se constituent ou se mobilisent pour multiplier les actions de résistance à l'idéologie et à la violence islamistes.
Toutefois, les associations déplorent le fait qu'elles n'ont pas les moyens suffisants pour étendre leur implantation et leur action. Elles rappellent que les organisations islamistes ont, durant de longues années, profité de sources de financement occultes, notamment grâce à la filière wahhabite.
Le plus urgent pour ces associations est de raviver le sentiment et la solidarité “nationales” contre “l'internationale wahhabite” qui nie toute identité nationale, culturelle et civilisationnelle et veut imposer partout le modèle “taliban afghan”.
Pour la société civile comme pour l'Etat et les partis, le défi le plus pressant reste néanmoins la capacité à remettre en question les ornières du passé.


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