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Lettre de Washington rêvant de Palestine
Publié dans La Gazette du Maroc le 30 - 06 - 2003

Cela faisait plus de trente ans que j'étais tombé amoureux de la Palestine. C'était en 1971. J'étais au Liban où je faisais des recherches pour ma thèse de doctorat. Ghassan Kanafani, le brillant romancier palestinien m'avait conseillé en me disant : “pour apprendre sur notre sujet, vous devez aller dans les camps et vous mêler aux gens”
Ainsi, j'étais parti à Aïn Al Helweh pour passer quelque temps avec Abed, un nouvel ami qui m'avait présenté à sa famille et de nombreux et inoubliables réfugiés. Au cours de la période que j'ai passée avec eux, ils m'avaient raconté des histoires sur leurs foyers et villages qu'ils avaient laissés en Palestine et sur le traumatisme de l'exode de 1948 et sur leur vie dans les camps, leur “Palestine temporaire”. Ils m'avaient également montré des photos et autres vestiges de la vie passée, plus particulièrement les clefs – précieusement gardées – de leurs maisons qu'ils avaient quittées et qu'ils espèrent regagner un jour.
Loin d'avoir été une expérience déprimante, il y avait de la beauté à Aïn Al Helweh. Le camp, bien que désespérément pauvre, avait donné une remarquable démonstration du pouvoir de l'esprit humain à créer et à espérer. Intérieurement, Aïn Al Helweh était organisée comme une récréation de la Palestine. Ses habitants se regroupaient en voisinages reflétant les villes et les villages desquels ils avaient été expulsés. Chaque voisinage portait des noms palestiniens. Marchant dans les rues de Aïn Al Helweh, je traversais Safsaf, Ras Al Ahmar et Safad.
Beauté des souvenirs
J'ai parcouru les ruelles poussiéreuses et non pavées du camp. J'étais entré dans l'une de ses demeures où j'avais découvert un autre monde. Il y avait une cour couverte de vigne. Les maisons étaient petites et quelque peu délabrées et en y regardant de plus près, j'avais relevé que les vignes étaient plantées dans un tonneau. Mais elles égayaient les maisons, une fière réplique des demeures de village palestinien. Ces familles à l'instar de beaucoup d'autres que je devais rencontrer n'avaient pas cédé au désespoir. Pour elles, la Palestine n'était pas seulement un souvenir mais plutôt une réalité vivante. Elles portaient la Palestine en elles. Elles l'ont ramenée à la vie dans leurs histoires et dans leurs nouvelles et temporaires demeures. Et pour la Palestine, elles étaient déterminées à y retourner.A la fin, ce qui m'a captivé c'était la beauté de ces souvenirs et le pouvoir de cet espoir. Les histoires que ces réfugiés me racontaient étaient si vivantes dans les détails et si douloureuses dans l'émotion qu'elles transmettaient et si justes dans la quête d'équité qu'elles réclamaient. J'étais arrivé à la conviction que c'était ce genre de choses qui avaient gardé la Palestine vivante. C'était ce genre d'histoires et de souvenirs et non pas les détournements et les Kalachnikovs qui avaient obtenu le soutien pour une juste cause et réclamé une réponse de la communauté internationale. Comme j'allais le découvrir tôt, ce pouvoir de l'espoir palestinien était devenu la matière première des artistes palestiniens. Ainsi je m'étais plongé dans leurs œuvres et travaux. Des poètes comme Mahmoud Darwish, Sameh Al Qasim et Tawfiq Zayyad et des peintres comme Kamal Boulatta et Ismaïl Shamout et le romancier Ghassan Kanafani. Ils avaient tous joint leurs voix aux rêves, aux histoires de leur peuple et sa revendication pour une reconnaissance de façon à ce que d'autres puissent se rendre compte de ce que le peuple palestinien a perdu et respecter son droit à la justice.
Ce qui me trouble aujourd'hui, c'est combien de tout cela est perdu ou ignoré. Les histoires ne sont plus racontées. La poésie ne s'est pas exprimée des années durant. Les peintures n'ont pas été non plus exposées. Une nouvelle génération souhaitant apprendre sur la Palestine doit plutôt raconter de nouvelles histoires, des déclamations politiques, etc.L'on pourrait raisonnablement demander comment un public désorienté peut soutenir les droits des réfugiés quand ils sont devenus invisibles ? Comment une nouvelle génération arrive à être inspirée et à apprendre à aimer le rêve palestinien lorsqu'il n'est plus partagé ? Et comment la revendication palestinienne pour une justice peut gagner le soutien quand sa représentation a été réduite par ses défenseurs à une plainte ou à une polémique furieuse ? Ce n'est pas que le cas de la Palestine ne soit pas soutenu et plaidé mais il est exposé de façon arbitraire sans visage humain et sans histoire humaine.
Ce qui me trouble néanmoins, c'est que maintenant avec une grande attention du monde concentré sur la Palestine, la véritable histoire du peuple palestinien n'est pas racontée. Comme il l'a fait durant des décennies, Israël définit la présentation. Résultat : les images dominantes de la Palestine sont devenues des terroristes et une autorité efficace avec des gens rendus invisibles et leurs histoires non entendues. C'était dans ce contexte que j'ai écouté le nouveau Premier ministre palestinien Mahmoud Abbas parler à Aqaba. Son dénigrement de la “militarisation de l'Intifada” était un appel aux Palestiniens de reconcentrer leur combat mais sur quoi ? Même aujourd'hui, la direction palestinienne ne raconte aucune histoire, ne met aucun visage humain sur les souffrances palestiniennes et ne donne aucune voix aux rêves et aux espoirs palestiniens. Et je crois que cela représente une perte.
Il n'y a aucun doute que la réalité palestinienne aujourd'hui est tragique. Les réfugiés demeurent dans leurs camps avec leurs espoirs et leurs clefs ayant survécu plus d'un demi-siècle de dépossession et d'expropriation, de dislocation…En Cisjordanie et dans la bande de Gazza, le reste des Palestiniens sont tellement traumatisés par une occupation sans cesse oppressive qui continue à échapper à la projection que “cela ne peut devenir pire”. Les indicateurs économiques et sociaux peignent un portrait atterrant de privation. Le tout a engendré colère et désespoir et un enchaînement explosif. Telle est la réalité. Mais ceux qui alimentent cette colère en abusent et envoient des jeunes hommes et des jeunes filles en missions suicides, n'ont aucune vision et ne peuvent pas apporter le changement et l'espoir dont le peuple palestinien a besoin. La direction palestinienne doit faire beaucoup plus que se plaindre et s'enflammer. Elle doit captiver l'espoir du peuple, inspirer l'espoir et gagner le soutien. Abou Mazen a raison quand il appelle à mettre fin à la militarisation de la réalité palestinienne. La vengeance n'est pas une vision et la mort n'apporte aucun espoir.
Je me rappelle d'une nuit que j'ai passée avec Tawfiq Zayyad quand il était maire de Nazareth, il y a plus de deux décennies. Je lui faisais visiter les Etats-Unis pour parler dans des manifestations communautaires. Il a été invité à parler à une cérémonie de collecte de fonds parrainée par une organisation palestinienne locale. La soirée était placée sous le signe de la “célébration du folklore palestinien”.
Recréer la narration palestinienne
Elle présentait la Debka palestinienne, le costume traditionnel et la poésie. Au milieu du programme, un groupe de danseurs composé d'enfants est monté sur scène habillés en treillis militaire et portant des pistolets en bois. Tawfiq s'est senti affligé est embarrassé. Il se tourna vers moi et dit : “ceci n'est ni notre culture ni notre tradition”. Cela nous a été tragiquement imposé. Cela ne doit pas être célébré.Ses paroles demeurent vraies aujourd'hui. Lorsque je vois des milliers de jeunes palestiniens en colère célébrant une attaque à la bombe, je pense à la remontrance de Tawfiq.L'art de la narration palestinienne doit être recréé. Une nouvelle stratégie politique doit être développée. Les actions et les histoires palestiniennes devraient refléter la beauté simple et le pouvoir du peuple qui est demeuré constant dans son espoir, que son histoire ne serait pas oubliée et que la Palestine renaîtrait. Dans ce contexte, je relève un signe plein d'espoir. Un article récent paru dans un quotidien palestinien envisageait de donner le pouvoir aux Palestiniens de s'engager dans une campagne massive de résistance à l'échelle nationale. L'auteur de l'article demandait pourquoi ne pas organiser une marche en direction de la Moukataâ (NDLR : lieu de résidence du Président palestinien) demandant la liberté pour Arafat ? Pourquoi ne pas organiser une résistance massive aux points de passage et de contrôle ? Ni pierres ni pistolets, uniquement la force morale supérieure de justice, le pouvoir du peuple et son rêve d'être libre. Feuille de route ou pas, les Palestiniens ont besoin d'une stratégie qui rejette la mort et mise sur la force et l'espoir créatif du peuple. Un monde informé attend d'être inspiré par l'histoire et les rêves du peuple palestinien. Nous devrions leur donner de la Palestine qu'ils peuvent embrasser.


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