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“Pour vous dire adieu !”
Publié dans La Gazette du Maroc le 03 - 11 - 2003


La dernière interview de
Mohamed Kacimi
Entre le bleu de l'océan et le bleu du ciel, à Témara, Mohamed Kacimi, qui nous
a quitté il y a quelques jours, a construit son Eden du Sud… Il nous avait reçus chez lui et avait accepté de parler de sa vie intime, il y a un mois, pour une dernière interview car il se savait condamné. Aujourd'hui, pour qu'il nous dise “adieu”, il prend la parole une dernière fois…
La Gazette du Maroc : la porte de votre propriété s'ouvre et l'on est surpris par l'exubérance de votre jardin…
Mohamed Kacimi : cela n'a rien à voir avec les jardins du Nord qui sont plutôt carrés et uniformisés à outrance. Je vis à Témara dans un parc que je qualifierai de méditerranéen et même d'africain.
Est-ce que ce jardin ressemble à son propriétaire ?
C'est moi qui ai planté les arbres.
Le jardin est mi-sauvage, avec un ordonnancement dans un certain désordre. La nature est domptée, mais le maître, lui, a laissé sa propre liberté de croissance. C'est la philosophie que l'on ressent en entrant ici. Les visiteurs, en général, disent qu'il y a un rapport entre le jardin et moi, mais en aménageant le parc je n'ai pas pensé à cela, je n'ai pas pensé que la disposition des choses allait refléter une part de ma personne…
Comment se déroulent vos journées à Témara et comment vivez-vous actuellement ?
La maison proprement dite se dégage discrètement, presque secondairement dans la nature… La maison est très fonctionnelle. Elle n'est pas très importante au fait… Plus loin, au fond du parc, j'ai construit mon atelier qui baigne dans la lumière et les plantes. Le jardin est un lieu qui favorise mon inspiration. Le matin, très tôt, lorsque je me réveille, je fais une promenade entre les arbres et les oiseaux. Il m'arrive de m'asseoir sous un grand arbre que j'ai planté en plein milieu de la propriété et je réfléchis alors à la vie et à mon travail. Il y a toujours l'appel de l'atelier et de ses pinceaux là-bas, au fond… Je cherche à atteindre cette beauté naturelle qui se combine, dans son expression la plus simple, entre le végétal, le minéral, le jeu des lumières, les couleurs des choses…
Vivriez-vous en permanence à Témara ?
Eh bien, c'est ce que je pense faire désormais… J'ai beaucoup voyagé pendant mon existence, mais maintenant j'ai besoin de me reposer. D'ailleurs, j'ai pris une grande décision en vendant mon appartement que je possédais à Paris et en choisissant de m'installer définitivement à Témara. Ce qui me reste comme énergie, ce qui me reste comme force vitale, je veux les dépenser ici. Je veux attendre la mort chez moi, avec ma femme…
Beaucoup de gens rendent visite à Kacimi dans sa demeure de Témara. Vous avez dit un jour : “les autres font en même temps mon malheur et mon bonheur, car j'ai besoin de leur regard…”
En tant que créateur, je suis sans cesse confronté à la solitude. Je ne parle évidemment pas de la solitude au sens romantique, je pense à une attitude dans son aspect réactionnel, dans le sens où je sais que si matériellement je n'organise pas ces plages de solitude, je ne créerai jamais… Mais par rapport à l'hospitalité, les gens finissent par savoir à quels moments ils peuvent venir frapper à la porte. Ils prennent ce temps partagé avec moi en considération et ces échanges croisés ne sont jamais artificiels. J'organise ici des soirées de lecture poétique avec des hommes de lettres, je reçois des amis artistes africains ou européens, parfois ce sont même des groupes scolaires qui viennent me surprendre dans mon atelier. J'aime ces rencontres qui sont de l'ordre du spirituel, de l'humain et du partage. J'irai jusqu'à dire de l'esthétique. Ce partage permet de voir plus clair dans ma propre pensée, pour des remises en question par la force des choses, et c'est aussi une forme d'amour et de confrontation…
Avez-vous beaucoup “partagé” durant votre vie ?
Oui, surtout à travers mon art qui est un don à l'autre, un message de ce que je suis –ou une partie de moi. Mais je tiens à dire que j'aime recevoir et être reçu dans le langage le plus simple, le plus naturel et convivial. Selon la vie que je mène, c'est en général la nuit que je peux recevoir, mais comme je suis lié à la lumière par la nature de mon travail, je rencontre beaucoup de monde le jour, surtout les gens qui partagent artistiquement des choses avec moi. Chez les autres, Mohamed Kacimi va à la rencontre de la différence. Quand je suis chez les gens, c'est leurs propres goûts que je cherche à connaître, que j'ai envie de découvrir. En changeant de lieu, je change aussi d'esprit.
Le partage sur terre est évanescent. Mis à part les sentiments, que peut-on partager ? Que peut-on donner ?
C'est ce que nous avons d'essentiel et de poétique en nous-mêmes que nous pouvons partager. C'est l'atmosphère que je me suis créée et dans laquelle je vis, que je partage avec des êtres aimés. Etre chez soi, vivre au milieu des souvenirs et des objets… Les objets, dans la demeure de Témara, cohabitent ensemble, ils forment un mélange de choses, d'impressions, de styles. On peut aussi partager un objet… Des amis m'ont offert des objets provenant des quatre coins de la planète qui sont entrés dans ma vie. Je vais vous raconter l'histoire de ce bibelot (il montre un curieux objet rond) et vous décrire comment peut fonctionner un partage... Cela s'est passé à Bamako. Je me trouvais un soir chez une amie qui était ministre de la Culture. Cela s'est passé quelques jours avant mon anniversaire que j'allais fêter cette année-là à Bamako. Je regardais ce bibelot dans sa demeure, c'était un pot rond, sans beaucoup de valeur, mais il y a eu ces regards croisés. Mon regard posé sur l'objet et le regard de mon amie posé sur moi qui regardait l'objet… C'est ce qui a fait la valeur du bibelot qu'elle m'a offert pour mon anniversaire. Dans ma vie, beaucoup d'objets ont une histoire comme celle-ci. Cela donne fortuitement un rapport à la nature, aux hommes et à ma mémoire.
Vous évoquiez tout à l'heure le centre de votre jardin de Témara. Dans ce centre, vous avez planté un arbre africain. Pourquoi ?
Le nombril de la propriété de l'artiste se trouve dans le jardin (rires). Cet arbre majestueux, que j'ai trouvé là en achetant le terrain, peut représenter un symbole africain. Il est un peu mystérieux, cet arbre au-dessous duquel il fait bon profiter de l'ombre… Il est, avec son cercle, mon protecteur et celui de la propriété. C'est le centre architectural du jardin, avec des lignes qui se rejoignent et qui ont un sens de recoupement et de synthèse harmonieux. Cet arbre me sert d'atelier en été. C'est l'endroit le plus frais de la maison. Quand il fait beau, j'installe mon chevalet et je regarde la matinée s'écouler.
Que pensez-vous de la mort ?
C'est un mystère que j'essaie de percer depuis si longtemps dans mes toiles. Je n'ai pas peur de mourir. J'attends pour conclure mon destin. A une certaine époque, quand j'étais admiratif d'une certaine analyse intello –je ne le suis plus-, je voyageais beaucoup et me sentais déphasé quant aux rites des hommes et à leurs façons de vivre. Un jour, tout simplement, j'ai compris que ce n'étaient pas les voyages qui me dénaturaient, mais la propre conscience de mon corps. Pourquoi, me suis-je dis, ne pas considérer mon corps comme une architecture, une cathédrale, une mosquée ?… A présent je me sens libre dans ma tête et je vis en intimité avec mon corps. Tout peut arriver maintenant.


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