L'aboutissement des travaux des diverses commissions sectorielles mises sur pied par la Primature et pilotées par Taïeb Rhafès et Abderrazak El Mossadeq, a engendré le nouveau plan d'aménagement des pêcheries. Des résolutions offensives ont intéressé les trois segments de la production halieutique : hauturière, côtière et artisanale. Si la préservation des ressources de la mer semble être en bonne voie, en revanche l'unanimité tarde à se manifester du côté de certains opérateurs qui déplorent leur “mise en veilleuse” et des marins pêcheurs redoutant la “précarisation de l'emploi”. Le ministre en charge du secteur a tenté de rassurer les uns et les autres en plaidant le consensus national et le partenariat public-privé, garants de la pérennisation des richesses maritimes. Le ministre Rhafès, en présentant, le mardi 30 mars dernier, la nouvelle plate-forme gouvernementale pour une stratégie de gestion et d'exploitation durables et responsables de la pêcherie poulpière, s'est fait l'ardent avocat de la promotion d'une nouvelle culture en encourageant le développement de “pêcheries rationnelles” et en exhortant tous les acteurs et partenaires à honorer les règles et l'éthique d'une “pêche responsable”, orientée en priorité vers la satisfaction des besoins de la collectivité nationale. C'est devenu la marotte du ministre RNI pour qui une “pêche responsable” doit inciter ses opérateurs à observer scrupuleusement les contraintes et les règles convenues, respect du repos biologique, interdiction de capturer les juvéniles, se cantonner dans les zonings délimités, s'abstenir d'activité informelle… Cette philosophie de maturité du secteur est rendue nécessaire par la grave crise du poulpe qui a menacé de disparition cette catégorie très prisée chez les consommateurs internationaux, japonais et européens surtout. La ressource céphalopodière, résultat d'une surexploitation sauvage et abusive, a vu son stock s'effondrer en chute libre remettant en cause sa reproduction compromise et sa pérennité hypothéquée. Ce qui a fait dire au responsable politique que si un terme n'avait été mis à cette “catastrophe” de dépeuplement des fonds marins, “nous n'entendrions parler du poulpe au Maroc que dans les livres de géographie et d'histoire”. Quotas individuels ... La nouvelle stratégie arrêtée en accord avec tous les partenaires institutionnels et professionnels intéressés, est accompagnée de dispositions applicables aux trois segments de la production halieutique, hauturière, côtière et artisanale. En haute mer, les principales mesures entérinées intéressent l'instauration du système de quotas individuels de poulpe par bateau répartis en deux périodes de capture et transférables au sein de la même entreprise ou groupe d'entreprises ayant le même actionnariat de référence. Ces quotas sont ajustés au moyen d'un coefficient de pondération tenant compte de la puissance du bâtiment rapporté au TAC global du segment hauturier. Pour le segment côtier, les résolutions adoptées intéressent la limitation à 100 unités du nombre de bateaux autorisés à incorporer cette pêcherie soumis à l'observation d'un zoning pour l'exploitation de la production halieutique. Enfin, s'agissant de la pêche artisanale, il a été recommandé la reconversion de la flotte artisanale en unités côtières et la suppression des barques en situation irrégulière avant la reprise de la pêche au poulpe, probablement vers mai-juin 2004. A la condition que la période prorogée de repos biologique jusqu'au 30 avril courant ait été mise à profit pour la reconstitution substantielle du stock céphalopodier. La dernière campagne d'investigation et d'évaluation entreprise actuellement par l'INRH, gardien du quota national de capture annuelle tributaire de la reproduction naturelle du stock poulpier, est en passe de fournir ses conclusions sur le maintien ou la reprise. Mais là, le ministre Rhafès a bien voulu laisser entendre que “toutes les indications dont nous disposons jusque-là permettent de penser que les choses vont normalement”, autrement dit, le poulpe sera, de nouveau pris d'assaut, dès le mois de mai 2004. Seulement, selon des quotas individuels et des zonings à respecter. Et gare aux “délinquants” aguichés par les profits juteux de la commercialisation du poulpe, entre 6000 et 10 000 dollars sur les marchés internationaux, qui renoueraient avec leurs anciens travers car un système de contrôle est en train de se mettre en place, avec la bénédiction parlementaire. La nouvelle loi, étendue aux usines de congélation du Sud et aux sorties des marchandises aux frontières,est également applicable pour réprimer tous les écarts constatés dans la dérogation aux repos biologiques, aux zones délimitées de pêche, aux clandestins informels qui dilapident le patrimoine halieutique national… Déjà, la collaboration de la Gendarmerie et de la Marine Royales ont été qualifiées de “très efficace” et des cellules locales de contrôle veillent à interdire les pratiques illicites de pêche et à imposer la réglementation à tous les opérateurs. La mise en garde du ministre RNI n'est certainement pas à prendre à la légère : “je suis partisan d'une loi de contrôle totalement dissuasive qui sanctionnerait les infractions en rendant la justice pour tous”. ... et reconversion industrielle Un autre engagement de taille a été publiquement réaffirmé par le titulaire du Département gouvernemental au sujet de l'octroi des autorisations de pêche à l'avenir. “Je m'engage fermement à ne délivrer toute licence de pêche à l'avenir que si les postulants adhèrent à la condition de créer, à terre, une activité intégrée de développement économique liée au secteur et génératrice de richesses et d'emplois”, a insisté Taïeb Rhafès.Celui-ci a rappelé que cette plate-forme stratégique pour les pêcheries poulpières s'intègre parfaitement dans la nouvelle stratégie globale du Département de tutelle fondée sur les axes majeurs suivants : préservation et valorisation de la ressource, modernisation et mise à niveau de l'outil de production et d'exploitation, valorisation des ressources humaines au double plan de la formation qualifiante et de l'amélioration des conditions sociales (généralisation CNSS, retraite spéciale, contractualisation professionnelle…) A l'ordre du jour également, la reconversion des usines de congélation notamment à Dakhla auxquelles est consenti un quota de 200 000 tonnes de petits pélagiques pour les libérer définitivement de la filière “à risques” du poulpe. Une mesure qui est complétée par une action de soutien d'affrètement de chalutiers pélagiques. Ces unités industrielles seront ainsi autorisées à traiter du congelé et du frais en même temps pour se remettre en selle et éviter une banqueroute programmée. En définitive, le “capitaine” Rhafès tient le bon cap après la “tempête” et ne doit sa stratégie qu'à son seul courage politique et son audace militante pour arrêter les bonnes décisions favorables aux intérêts nationaux et à la collectivité, aussi “impopulaires” qu'elles aient pu être perçues. Comme il l'explique d'ailleurs à maintes occasions : “suite à une accumulation de facteurs négatifs liés tant à la surpêche qu'à des considérations hydroclimatiques défavorables, la pêcherie poulpière connaît une crise aiguë qui a nécessité une révision profonde de son mode d'exploitation dans le cadre d'une approche écosystémique basée sur les principes d'une pêche responsable, l'utilisation durable de la diversité biologique, la définition des droits et des obligations des opérateurs vis-à-vis de la ressource en tenant compte des aspects socioéconomiques de l'ensemble des intervenants directs dans la pêcherie”. C'est pour honorer tous ces paramètres, malgré des situations délicates et difficiles, que le ministre a assumé ses pleines responsabilités en prenant ces décisions courageuses. Benhamed Mohammadi