Contrairement à l'adage, l'assiduité est, chez Ahmed Raïssouni (encore lui), “mère de toutes les bêtises”. Sa dernière sortie sur les colonnes d'“Al Ayyam” laisse coi tout un chacun qui croirait y déceler quelque réflexion méritant l'attention. Si elle mérite bien d'être lue, l'interview de l'ancien chef du MUR (Mouvement de l'Unification et de la Réforme), elle n'en mérite pas moins d'être taxée de pittoresque ou de cynique. En tout cas superflue. Commençons par la fin. Pour Raïssouni: “Oussama Ben Laden est sincère, et croit bien faire. Cela ne fait aucun doute”. Une sincérité “religieuse”, selon Raïssouni, qui n'empêche pas le leader d'Al Qaïda d'être “un grand déviant du point de vue politique”. Une deuxième chose “aussi irrécusable que la première”. Le tristement célèbre chef de tous les fous intégristes est très modeste ! “Il ne prétend ni au pouvoir, ni à la fortune. Il aurait dû être de ces nababs du monde”, mais comble du comble : “Il a tout sacrifié, pour ses convictions”. Lesquelles, d'ailleurs ? Semer la terreur, multiplier les carnages, promouvoir la haine, et bien évidemment répandre sa vision apocalyptique ! Les familles de toutes les victimes, de Bali à New York, en passant par Casablanca souffrent dans leur chair et portent encore le deuil. Raïssouni ne changerait pas d'idée : Ce n'est là qu'une “simple déviance politique”. Autrement : au mieux, un détail parmi d'autres, au pire un accident. Sur la même lancée, Raïssouni pour lequel les milliers de victimes, y compris Musulmans et Chrétiens, ne mérite aucun sentiment de compassion, déculpabilise Ben Laden, l'innocente, le lave de toute déviation religieuse. “Sa foi est saine”, tranche-t-il à propos de Ben Laden. Ce dont on lui reproche, n'est autre qu'un “écart politique et intellectuel” ! Que dire donc de cet écart qui conduit à commettre des crimes, des meurtres et fait couler beaucoup de sang ? Qu'en dit la religion ? Motus, Ahmed Raïssouni avale sa langue. Un tantinet pensif : “je ne sais… Je ne suis pas juge pour me prononcer là-dessus. Vaut mieux comprendre que de prononcer un verdict” ! Toujours superflu, il se revendique l'historien de Ben Laden. De ses convictions, précisément. Versatile, ambigu, il fait le politique devant un sujet de “loi islamique”, il n'hésite pas non plus à jouer le philosophe, quand on lui suggère de commenter jusqu'au bout, les résultats de ses analyses politiques. Pour Raïssouni, Ben Laden n'est ni un fou, ni un tueur. Même si ses folies et son “basic instinct” d'assassin fauchent la vie à des milliers de gens. Le faqih semble oublier le verset 32 de la Sourate V (la Table servie) est explicite et ne souffre aucune équivoque : “Celui qui a tué un homme (innocent) est considéré comme s'il avait tué tous les hommes ; celui qui sauve un seul homme est considéré comme s'il avait sauvé tous les hommes” (Coran). Beau et magnifique. Clair comme une goutte d'eau divine. Cela fait quatorze siècles que le commun des croyants le sait. Raïssouni, lui, hésite. Cynique ? Plutôt “mysticomique”. L'aspect pittoresque de l'idéologue – politique – théologue – philosophe, itou, itou est déjà soulevé. Comme d'ailleurs “l'imbécillité” dont l'a taxé son compagnon A. Khatib. Le nec plus ultra, Raïssouni le cache sous le turban de… Omar Al Bachir. “Omar Al Bachir est Amir Al Mouminine au Soudan”, martela-t-il, insoucieux. Risible ? “Pourquoi ? s'enquiert Raïssouni. Omar Al Bachir en a le droit. Pas lui seulement. Les gens ont fait allégeance à Numeïri également”. Entre les deux, l'interrogé penche pour le premier “il est le meilleur et de loin. Car Al Bachir déploie des efforts remarquables dans l'application de l'Islam” ! Après Ben Laden, “la tête brûlée, (il n'est pas tendancieux de parler de l'amour du biographe à son saint), Omar Al Bachir en Calife exemplaire. Entre les deux, le caractère sacré du monarque comme stipulé dans la Constitution, serait une erreur de traduction”. Question, pour comprendre : Ahmed Raïssouni serait-il devenu un philosophe, et donc un spécialiste de la langue française, domaine qui, on s'en doute, n'est pas le premier de ses soucis, en oubliant ce que la jurisprudence et donc l'Islam, stipule en cas de crimes contre les innocents ? Est-ce une de ses “mues” dans laquelle excelle-t-il ? Simple question… qu'on espère qu'elle soit comprise avant tout jugement.