Prospective 2030 De quoi le lendemain du Maroc sera-t-il fait ? Dernièrement, le Haut commissariat au Plan a réuni une pléiade de chercheurs, d'experts, d'universitaires, tant nationaux qu'internationaux, et d'autres acteurs de différents horizons, pour une deuxième rencontre d'un cycle que le Commissariat compte continuer jusqu'à 2005, date butoir pour présenter les résultats des ateliers organisés à cet effet. Moderniser, c'est prévoir d'abord. Pour ce faire, un travail de prospective reste un passage obligé. Loin d'être “un prestige” ou “quelconque exercice intellectualiste”, comme le souligne Ahmed Lahlimi, le HCP n'a eu de cesse de le répéter, Prospective 2030 est une obligation : politique, stratégique. D'où l'intitulé de cette deuxième rencontre : éveil des problématiques. En d'autres termes : bien définir les questions cruciales auxquelles le Maroc doit impérativement répondre dans ce monde en pleine mutation. Un signe : les ateliers tombent à point nommé, car “ils coïncident avec l'échéance de la préparation du prochain plan”, remarque Lazarev, consultant du PNUD. Entamer la réflexion nécessaire, revient à mobiliser les moyens, aussi nécessaires, en vue des choix stratégiques. Lesquels se définissent sur cette question, très simple et d'autant plus méthodique qu'il serait fortuit de chercher “d'autres lieux de réflexion globale” sans la définir : où en sommes-nous ? Les chiffres présentés par différents intervenants sont inquiétants, parfois alarmants : taux de croissance en deçà du seuil requis, part du marché international stagnante, un monde rural, une baisse en eau de 10 à 15 %, réduction de 4 % du volume de précipitation en 2020 ...etc. Comprendre L'histoire du Maroc moderne participe pourtant à ce grand mouvement de mutation qu'a connu le monde entier depuis le début du siècle dernier. “Connaissant des changements de grande ampleur”, notre pays est passé, selon le Pr Naji, qui a présidé les travaux de cette rencontre, “d'une société tribale à une société structurée, d'un Etat embryonnaire à un autre beaucoup plus fort”. Cependant, le pays n'a pas su “négocier son ouverture”, de manière à promouvoir l'innovation et le changement sociaux. Un exemple parmi d'autres : si on n'a pas réussi à être un pays industrialisé c'est qu'on n'a pas eu une “agriculture dynamique”. D'où “le Maroc à vocation agricole est un mythe à la vie dure”, note Naji. La question du monde rural et corollairement celle de l'agriculture a été au centre de tous les débats. Et pour cause : “le monde rural continue de peser lourdement sur la dynamique éco-sociale”, note Aït Kadi. Et le président du Conseil général du développement d'ajouter : “notre agriculture s'essouffle”. Conclusion : “un Maroc prospère passe nécessairement par un monde rural prospère”. Mais “le développement rural doit s'inscrire dans une vision intégrée des politiques structurelles de développement”. Cette vision, tout le monde en convient, est requise dans tous les domaines : lutte contre la pauvreté. La politique démographique, également. Une question qui en cache, dans l'état actuel des choses, une autre : celle du chômage. “La période 2007-2009 connaîtra la plus grande arrivée sur le marché de demandeurs d'emploi. Jamais connue par le pays”, selon Amrani, un haut cadre économique de l'Etat. Dressant le profil financier de l'Etat marocain, Amrani a trouvé “le Maroc pays rentier”, car “10 % de son PIB reviennent aux MRE”. Fait unique et nouveau : le pays reçoit le plus de ses nationaux à l'étranger. Devant tant de facteurs de blocage, que faut-il espérer ? C'est dans les marges qu'on innove, et “le meilleur, comme l'a dit A. Lahlimi, est toujours possible”. Une sortie vers le haut, donc : l'économie du savoir : l'amélioration de la qualification du travail, l'innovation appliquée à tous les secteurs. En se basant, bien évidemment, sur l'éducation, la formation continue et la recherche scientifique. Là aussi “point de société de la connaissance sans cohésion sociale et vision interactive et dynamique”. Vision et élite Passage obligé de toute réflexion stratégique, la vision aussi globale que cohérente a fait l'unanimité. Car, elle est un préalable incontournable pour “une nouvelle démarche dans l'approche de ces 12 travaux d'Hercules”. Etant conscient de sa nécessité, Lahlimi n'a eu de cesse d'appeler à “démomifier le langage”, démêler le comment du pourquoi de la question. Pour sa part, Naji a mis l'accent sur “la rareté de la réflexion globale dans notre pays”. La question mérite d'être posée, traitée et donc résolue. L'enjeu est de taille : l'avenir, notre avenir, ne doit pas rester “ce grand peut-être”.