Les services secrets et le meurtre de la Costa Del Sol L'enquête sur le meurtre de Hicham Mandari, trouvé assassiné d'une balle dans la tête le 4 août dernier dans un parking à Mijas, piétine. Jusque-là aucune enquête n'est encore ouverte officiellement en France dans le cadre du dossier Mandari. Pourtant, il est aussi ressortissant français et avait échappé à deux tentatives d'assassinat sur le sol français. Sans oublier que c'est de France qu'il s'est déplacé vers la Costa Del Sol où son meurtrier l'attendait. Alors qu'en France où ses avocats et son entourage détiennent ses affaires, et en font étalage, la justice française tourne le dos à une affaire qui pourrait révéler tant de non-dits. Pourquoi un tel silence ? Pourquoi la France refuse-t-elle d'ouvrir une enquête sur le meurtre de Mandari, sur ses rencontres avec des agents du Polisario et des militaires algériens ? Pourquoi, enfin, les pistes de ses gardes du corps algériens et français demeurent secrètes. Hicham Mandari intéresse de très près les services secrets français et espagnols. On l'a déjà écrit, il y a quelques semaines sur ces mêmes colonnes, (voir LGM 383/ 384/385) les deux polices secrètes sont à peine discrètes dans leurs manœuvres pour dénicher des informations manquantes sur le compte d'un homme qui était un numéro de dossier très alléchant pour eux de son vivant. Après sa mort, des pans entiers sur ses contacts et ses dérobades font défaut. Comment combler un tel manque ? Surtout que les deux polices secrètes sont dans de très mauvais draps “ne sachant pas ce que contiennent ses documents dont on parle en douce depuis quelques jours en France”, affirme une source sûre qui suit de près l'évolution du dossier Mandari du côté de Paris. Rencontres à Paris Ce qui intrigue davantage les services français et espagnols, ce sont les relations algériennes de Hicham Mandari. Alors que ses rapports avec des militaires algériens sont aujourd'hui avérés, Paris semble vouloir faire l'impasse sur ce carnet d'adresses, un tantinet compromettant, qui pourrait “révéler des alliances louches”. Mais de quel côté se situent les alliances ? Selon une source espagnole qui connaît très bien les services secrets, Hicham Mandari “avait pris des contacts courant 2004 avant son arrestation avec des militaires algériens dont je ne peux pas dire les noms, mais qui ne sont pas un secret pour l'intelligence espagnole et française.” Confirmation faite, on se rend compte que les contacts en question pourraient remonter exactement au mois de mars 2004. Des contacts téléphoniques et par écrits qui, apparemment, sont notifiés dans les registres des services secrets français. Selon la même source, la gêne est compréhensible : “ il faut savoir que Mandari disait lui-même, et les témoignages l'attestent, qu'il avait vu des responsables du Polisario en France qui lui ont été présentés par des Algériens de l'armée. Il aurait même confié à un proche que des Français ont pris part à cette rencontre.” Jeux troubles, brouillages de pistes, course derrière plusieurs lièvres et exploitation de tous les râteliers à des fins claires. En gros, les services secrets français savaient ce qu'ils devaient savoir, mais ne peuvent aujourd'hui révéler ce qu'ils savent de peur d'interférer dans d'autres sphères que l'on voudrait, par intérêt, laisser de côté, “pour le moment”. Ce qui explique pour cet expert des manigances que la police française, “ qui est cohérente dans ce dossier, préfère laisser l'enquête sur le meurtre de Mandari en dehors de l'actualité”. Bien que Mandari soit aussi un sujet français et qu'à peine vingt jours après sa sortie de la prison de la Santé, il a été abattu sur le sol espagnol sans que la France ne prenne ses responsabilités. Les services secrets espagnols C'est à Madrid qu'il faut aller chercher des informations sur le dossier Mandari pourtant en étude devant la police de Malaga. Pourquoi une telle délocalisation du dossier ? Simplement parce que c'est une affaire qui dépasse toutes les juridictions autonomes et s'inscrit comme une affaire nationale qui préoccupe pour de multiples raisons, les Espagnols et leurs services d'intelligence. Ce qu'on ne dit pas officiellement, c'est que les agents secrets espagnols ont fait le voyage à Paris et ont tenté des approches avec des connaissances de Mandari qui en savaient un peu des projets avant sa mort. Ils ont essayé d'avoir accès à des documents qu'il aurait laissés chez une personne de confiance qu'il aurait vue avant son voyage à la Costa Del Sol. Sans succès puisque les avocats de Mandari avaient déjà fait le nécessaire. Curieux aujourd'hui la façon avec laquelle remonte l'information sur Hicham Mandari que les deux services secrets faisaient semblant de ne pas suivre à la trace. On sait de façon précise qui il a vu, quand il l'a vu et pour quelles raisons. On sait aussi à qui il passait ses coups de fil et quels étaient ses projets d'avenir en Espagne. Pourtant, on tente de faire croire au monde entier que les deux services secrets français et espagnol ne savaient pas qui était dans sa voiture la nuit de son assassinat et qui a appuyé sur la gâchette. Ce qui demeure curieux dans toutes ses fausses-vraies vérités sur ce que les uns savaient et ce que les autres confirmaient, c'est que des deux côtés des Pyrénées on était bien au courant que Mandari flirtait très fort avec les militaires algériens et avait même projeté des affaires pour le futur. L'équation devient aisée du moment que l'on saisit les soubassements d'un tel dérapage que Mandari ne pouvait réussir qu'en multipliant les pistes et que les services secrets ne pouvaient que suivre en attendant le cumul de l'info. La question à poser aujourd'hui est : qui est protégé par le travail des services secrets et pourquoi les alliances militaires algériennes, Polisario compris, ne sont pas à l'ordre du jour dans cette enquête ? Quand on aura répondu à cette question, on aura du même coup fait un pas de géant pour comprendre qui étaient les fameux confidents et protecteurs de Mandari qui apparemment avaient suivi un entraînement militaire dans des casernes pas très loin du désert qui sert de ligne de démarcation entre Alger et Rabat. Les Algériens de Mandari Mandari avait décidé, après plusieurs fuites dans son entourage, de ne plus travailler avec des gardes du corps marocains qu'il disait l'avoir trahi. Il avait même rendu publique cette trahison en faisant appel à des Franco-libanais qui ont été ses sbires pendant quelque temps. On dit dans son entourage, selon des informations recueillies par les services de police espagnols, que ce n'était qu'une période de transition parce qu'il aurait, lui-même, fait savoir à des proches que bientôt il serait gardé par des gens “bien entraînés” qui devaient venir d'Algérie. Il aurait même suivi le conseil d'un haut responsable militaire algérien qui lui avait proposé des contacts pour ne plus tomber dans le piège de la “trahison”. On ne sait pas si Mandari a suivi les conseils à la lettre, mais ce qui reste une certitude, c'est que dans le groupe des hommes armés qui l'escortaient, il y avait au moins trois Franco-algériens. On laisse même échapper qu'il aurait rencontré un responsable de sa sécurité à sa sortie de prison avant son voyage en Espagne. Il y aurait même eu une rencontre dans un hôtel de la place parisienne en compagnie de trois autres personnes parmi lesquelles un Algérien qui aurait même été identifié par les services secrets français.