Les exploitants de carrières de marbre ont des raisons de se révolter depuis que la loi 08/01 est entrée en vigueur. Ce texte est si peu apprécié que les professionnels viennent à regretter l'ancien régime, pourtant soumis au joug de l'administration... Décryptage. Le secteur du marbre ressemble à s'y méprendre à celui de la pêche. Les mêmes cris aux scandales quant au mode d'octroi des licences jugé anarchique. Un plan de gestion global qui tarde à voir le jour et un éternel dialogue de sourds entre les professionnels et les autorités de tutelle. Du marbre plein le sol Une différence de taille existe entre les deux secteurs : d'un côté, un potentiel en net amenuisement pour le secteur halieutique. De l'autre, des ressources sous-exploitées de la filière marbrière. Cela ne fait pourtant pas le bonheur des professionnels du secteur. "Il s'agit certes d'un point qui peut avantager, mais le circuit selon lequel toute la chaîne de l'exploitation des carrières marbrière est gérée le neutralise", lance un exportateur de marbre. A cette même question, la dernière étude réalisée récemment par Euro Maroc Entreprises (EME) apporte, quant à elle, une réponse pour le moins nuancée. "Le secteur n'a pas encore acquis l'importance qu'il devrait avoir par rapport à d'autres secteurs de la production industrielle et ce, malgré le potentiel de ressources marbrières dont regorge le sous-sol du pays", peut-on lire dans le rapport d'EME. Les réalisations de ce pourvoyeur de 5.000 emplois directs et indirects demeurent, jugent les experts d'EME, très modestes compte tenu des potentialités réelles de la branche marbrière. En valeur absolue, la production avoisine les 375 millions de dirhams par an. Le double avantage qu'est la grande variété de pierres et la bonne consistance des réserves ne réussit pas à faire du Maroc un producteur de référence à l'international. Loin de là. Chiffres à l'appui, en 2002, le Maroc a produit quelque 208.000 tonnes de marbre, l'équivalent de seulement 0,37 % de la production mondiale évaluée à 55 millions de tonnes. Mise à niveau VS contraintes à la juste exploitation "La mise-à-niveau tarde à investir le secteur du marbre", selon Driss Sarhane, secrétaire général de l'Association nationale des marbriers. La réponse est à chercher dans le cercle vicieux dans lequel évolue le secteur. La modernisation des investissements dans les carrières et les usines, un pas censé engendrer une baisse des coûts et donc pallier la concurrence des produits issus de l'importation est conditionnée par un effort colossal en amont. Il s'agit en premier lieu de veiller à éliminer toutes sortes de lourdeurs administratives. A titre indicatif, le délai moyen entre le dépôt de la demande et l'obtention de l'autorisation finale peut varier entre une et deux années. Ce délai s'applique même aux demandes de renouvellement des autorisations d'occupation temporaire. En outre, si sur le plan quantitatif, le volume des blocs extraits avoisine 210.000 tonnes, volume négligeable comparé aux réserves et gisements du sol marocain, évalués en millions de tonnes. Pourtant, le Maroc continue à importer cette pierre précieuse. "Le mal est à chercher entre autres au niveau des coûts appliqués à l'extraction", lance Farid Britel, marbrier exportateur. La taxe sur les produits extraits est de l'ordre de 300 DH/m3. Les professionnels sont actuellement en négociation avec l'autorité de tutelle pour la ramener à seulement 100 DH/m3. L'autre facteur désavantageux concerne le coût du transport qui intervient pour beaucoup dans le prix de revient. Ce n'est ainsi pas un coup du hasard si la majorité des transformateurs tentent de s'implanter à proximité des zones d'extraction. Autrement, ils auront à supporter outre les coûts exorbitants liés au transport des blocs exploitables, ceux du déplacement inutile des chutes de blocs après transformation. Selon les données de l'Office national du transport (ONT), le tarif de transport de base pour une distance variant entre 151 km et 175 km, est de l'ordre de 0,5 DH par tonne et par km, majoré de 30% à 125% selon l'état des routes parcourues. Pour les industries exportatrices, c'est une autre paire de manches. Les tarifs affichés par l'ODEP sont jugés, selon l'étude d'EME, parmi les plus chers dans l'échantillon analysé. L'Egypte, la Turquie, l'Italie, l'Espagne en font partie. Les négociations sont en cours entre les marbriers et l'ODEP. Le vœu des professionnels étant de couper la poire en deux. Une demande à laquelle le ministère de l'Equipement ne semble pas près de répondre actuellement. D'ailleurs, il ne s'agit pas du seul point de discussion, le volet législatif étant l'un des points phares de débat actuellement. Quel régime pour les carrières de marbre? Selon quel régime sont régies les carrières? Il n'y a pas, en effet, de régime unique duquel dépend l'ensemble des gisements de marbre. Il diffère selon la nature du terrain où se situent les carrières. Hormis le cas où elles occupent un domaine privé, elles peuvent dépendre du domaine public de l'Etat sous la tutelle du ministère des Eaux et forêts. Ce département détient en effet plus de 70% des carrières. Le ministère de l'Intérieur intervient à son tour dans la gestion des carrières, mais dans une moindre mesure. Malgré sa faible part dans la cartographie des gisements, son statut lui concède le droit d'imposer à son tour, de nombreuses formalités que l'investisseur est contraint de respecter à la lettre. (voir schéma ci-contre). Une formalité que la Commission européenne n'hésite pas à qualifier de vrai parcours du combattant.