Le grand ménage dans la promotion immobilière, tant attendu et annoncé en grande pompe par les promoteurs, n'aura finalement pas lieu, du moins pour le moment. Les opérateurs remettent en avant les dessous-de-table versés dans l'acquisition de leur foncier et les ouvriers payés au noir. A près avoir affiché leur volonté de tourner le dos à la pratique du noir dans leur secteur, les promoteurs immobiliers reviennent sur leur décision. Du coup, ils enterrent leur projet de charte de déontologie, leur comité de vigilance devant traquer et sanctionner les tricheurs. Pourtant, c'est le 2 juin dernier seulement, lors du conseil d'administration de la FNPI (Fédération Nationale des Promoteurs Immobiliers), qu'ils avaient adopté un projet de charte d'éthique pour repartir sur de nouvelles bases, en attendant la mise en place du comité qui devrait être composé de la direction de la FNPI, des promoteurs privés et des représentants de l'administration. À l'époque, les promoteurs immobiliers avaient même émis le souhait que le ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme, ainsi que la Direction générale des impôts, signent symboliquement cette charte. Pourquoi un tel revirement? «25 % des travaux que nous effectuons dans nos projets immobiliers et une bonne partie du prix du foncier que nous achetons sont payés en noir. Il faut que l'administration nous aide», soulignent les promoteurs lors de la présentation à la presse de leur cahier de doléances pour la loi de Finances 2009. Les promoteurs campent sur leurs positions A en croire les professionnels, leurs fournisseurs travaillent dans l'informel, surtout pour le moyen et le haut de gamme pour lesquels ils font appel à une multitude d'artisans. Selon eux, ce ne sont pas uniquement les métiers traditionnels (carrelage andalou, pose de marbre, tadellakt, sculpture traditionnelle du plâtre…) qui sont concernés, il y a également, ajoutent-ils, les commerçants qui fournissent les matériaux de construction pour les gros œuvres (ciment, gravettes, sable, fer...). À entendre de tels propos, on pourrait penser que les plus perturbés par ce fléau, ce sont les promoteurs et non pas la clientèle. Mais les promoteurs immobiliers persistent et signent. L'existence, en amont, de structures informelles et les pratiques de vente du foncier font qu'ils cherchent à récupérer ce qu'ils ont décaissé hors facture au moment de la vente des produits finis. Est-ce à dire qu'ils sont obligés de passer par le circuit informel ? Ce promoteur, en tout cas, ne désarme pas. «Dès lors que nous sommes obligés de payer une partie du foncier en noir, nous nous voyons forcés de récupérer sur des prestations hors TVA pour que nos marges s'approchent du réel», rétorque-t-il. C'est en mars dernier que la FNPI, à travers son président de l'époque, Miloud Chaâbi, lançait pour la première fois, à Tanger, l'idée d'une amnistie fiscale pour chasser les dessous-de-table dans le secteur immobilier. L'Etat passe l'éponge sur le paiement au noir dans le cadre des transactions immobilières sur les cinq dernières années. En contrepartie, les promoteurs s'engageront à bannir la pratique du dessous-de-table. Depuis cet appel du pied au fisc, les opérateurs ont donné l'impression d'enclencher la machine à travers un projet de charte de déontologie et de la mise en place d'un comité de vigilance, sans pour autant concrétiser tout cela sur le terrain. Cette décision de la FNPI intervenait quelques mois après la décision de la direction générale des Impôts d'accorder une attention particulière au secteur de l'immobilier à travers l'article 65 du livre d'assiette et de recouvrement, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2007. Il faut dire que cet article hante, depuis lors, le sommeil des opérateurs. Leur «ami-ennemi», le Fisc, y dispose du droit de revoir automatiquement le prix d'achat d'un bien en matière d'IR, d'IS ou de TVA. Rappelons qu'hormis le redressement, l'Etat dispose d'un droit de préemption, prévu par l'article 143 du Code général des impôts.