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La main de Dieu
Publié dans La Gazette du Maroc le 26 - 12 - 2005

C'est l'histoire d'une agression nocturne qui tourne mal. Deux amis, deux voleurs à la petite semaine, qui braquent un imam de mosquée, tard dans la nuit, dans le quartier de Bournazel. Pour 700 DH, l'homme de Dieu perd la vie et les deux compères se voient condamnés à mort. L'un des deux malfrats est frappé par la foudre juste après le verdict. Il s'éteint, naturellement; ce qui fait dire au frère de l'imam que c'est «la main de Dieu qui s'est vengé». Pour l'autre larron, qui purge sa peine dans la prison centrale de Kénitra, c'était un accident. Il jure par ses grands saints qu'il n'avait aucune intention de tuer. Il avait juste besoin d'arrondir ses fins de mois. Il dit aussi que c'était la première fois qu'il braquait avec ce nouveau compère. Une virée de très mauvais augure qui a frappé plusieurs familles. Voici l'histoire d'une sortie de nuit par un homme de Dieu qui rencontre deux autres brebis galeuses en perdition dans les pâturages du Seigneur.
Je suis convaincu que Dieu a porté sa vengeance au moment qu'il fallait. Parce qu'il faut avouer que c'est tout de même curieux que l'un des meurtriers meure quelques jours après l'assassinat de mon frère. À ce jour, j'y vois une volonté divine de nous dire que la justice divine est plus grande que tout le reste. Et dans un sens, cela m'a rassuré. J'ai pu, à partir de cet instant, supporter la mort de mon frère. Sans cela, je n'aurais jamais pu fermer cette blessure». Le frère de l'imam, tué il y a de cela quelques années, s'appelle Brahim. Un bonhomme qui évoque ce lourd souvenir sans amertume, ni colère. On sent très vite la douleur de perdre un proche, dans la fleur de l'âge, mais il n'y a aucune aigreur dans les paroles de ce bonhomme qui parle d'un frère assassiné pour quelques centaines de dirham par une nuit sans lune.
Un homme dans la nuit
L'imam doit aller chercher des médicaments. Sa femme est malade. Une urgence, et il faut trouver le moyen d'apaiser les douleurs de son épouse. Il roule en voiture pendant plus d'une heure et finit par trouver une pharmacie de garde dans le quartier de Bournazel. Il y va, achète ce dont il a besoin, passe à la caisse, regagne sa voiture et met la clé pour démarrer. Une fenêtre est ouverte. Un jeune homme, la tête enveloppée dans le cirage se présente et sort un couteau. Un deuxième, que l'imam n'a pas vu, fait le tour du véhicule et sort un deuxième couteau en ouvrant la portière. Il monte, se met sur le siège à côté du conducteur, lui colle la pointe de son arme blanche sur le côté, à quelques centimètres des reins. L'homme de Dieu est sommé de vider les poches. Il s'exécute. Quelques billets et une somme de 700 DH sont allongés dans la main gauche du tueur en puissance. L'assaillant est dans les vapeurs des psychotropes qu'il a avalés sans eau pour se donner l'impression d'être indomptable. Il presse la pointe de son couteau sur le flanc de l'imam en lui donnant l'ordre de compter les billets. L'imam fait ce qu'on lui dit et sent la lame lui transpercer le côté. Il le fait savoir au jeune homme complètement plongé dans un monde halluciné. Celui-ci presse son couteau de plus belle. Il ne se rend pas compte que la lame a franchi la peau et que le bonhomme qui a sorti l'argent sans sourciller est entrain de se vider de son sang.
Le voleur invective, pousse la chansonnette et se réjouit d'avoir vidé les poches à ce type. Celui-ci lui a, entre deux soupirs, lancé qu'il était imam de mosquée et qu'il voudrait rentrer chez lui. Le bandit le rassure que tout ira bien et il lui lancera à son tour de faire une prière pour tout le monde.
Le jeune homme retire son couteau de la peau de l'imam, ouvre la portière, descend, referme celle-ci derrière lui, s'assure que tout s'est déroulé sans témoins et court vers nulle part. Son acolyte, qui était resté de l'autre côté menaçant la victime de la fenêtre, court à son tour. L'imam est seul. Il sent son corps défaillir, mais il ne peut rien faire. Il ne peut ni démarrer, ni appuyer sur l'accélérateur. Il se sent vider de sa substance et se laisse faire. La mort a frappé en douce. Et il est le seul à savoir que durant toute l'agression, la gueuse s'immisçait, chaque fois plus dans son âme. Les paupières tombent. Le rideau de la vie est à jamais fermé. Fin de partie. Un imam s'en va. Deux hommes continuent de courir dans la plaine, par une nuit noire, 700 DH en poche.
Les deux voleurs
Ils étaient du même quartier. Deux gosses qui avaient tout raté et qui n'avaient que le chemin du banditisme à la petite semaine pour se faire quelques deniers, sans trop de grabuge. “Mais en cours de route, d'une agression à une autre, nous sommes passés du stade du petit pickpocket à celui d'une bête sans repères devant la couleur des billets de banque”. Les deux voleurs sont des rapaces qui ne reculent devant rien.
Pour Ahmed, le plus chevronné, une sortie comme celle de Bournazel est une balade de santé. On fait son petit coup, et on s'en va, ni vu ni connu. Les services de police de la région le connaissaient. Un feu follet qui ne rechigne pas à la tâche, mais pas un violent. En plusieurs coups fourrés, il n'a jamais saigné personne.
Il vole, dépouille les autres, mais a rarement recours aux armes. Il les utilise pour impressionner, faire peur, sans plus. «Je n'ai jamais porté un coup de couteau. Tu sais quand tu attaques quelqu'un, homme ou femme, petit ou grand, et que tu brandis un couteau, les gens sont saisis par la peur. On n'a pas à donner des coups sauf quand on est fou. Et il y a des braqueurs qui le font pour le plaisir, d'autres pour dissuader leurs victimes de porter plainte et de les dénoncer. Moi, j'avais pour habitude de faire mes coups en douce sans laisser de trace. Généralement les victimes sont contentes de s'en tirer sans blessures, et moi je reste tranquille. ».
Que s'est-il passé cette nuit de 1998 ? «C'était la première sortie avec Hafid que je fréquentais de loin au loin. Mais cette nuit, on a traîné ensemble. Alors on a été amenés à faire ce coup tous les deux. Je n'avais aucune idée sur ce qui pouvait arriver cette nuit-là. Pour moi, chaque sortie est une nouvelle aventure. Et je vais à l'instinct. Cette fois, j'avoue que je sentais bien le coup. C'était la nuit. Un homme seul dans une ruelle déserte, c'était la partie idéale.
Pourtant l'autre type a sorti son couteau le premier et il s'est porté volontaire pour monter dans la voiture.
Tout est parti très vite et je n'ai pas eu le temps de réagir. Moi, je ne savais pas s'il avait planté le couteau dans le rein de cet homme que je ne connaissais pas et que je n'avais pas l'intention de blesser. Mais quand la police est venue me prendre et que j'ai su ce qui s'était passé dans la voiture, j'ai vite compris que j'aurais dû sortir tout seul comme d'habitude et que c'était là un signe de Dieu.
Je suis ici condamné à mort pour un vol de rien du tout. Mais, il y a eu un meurtre et c'était un imam par-dessus le marché».
À écouter le récit de ce type qui a pris un terrible coup de vieux depuis cette nuit, on est presque sûr que son intention était tout autre qu'un meurtre. « Voleur et salopard », il le dit lui-même et il porte tous les jugements qu'il faut sur lui-même ne laissant aucune chance à notre faculté de juger ses actes de se délecter d'être autre chose qu'un criminel.
Mais dans la voix, il a une telle rage quand il évoque son acolyte d'une nuit «Qui a tout fait foirer parce qu'il était drogué. Et je suis ici à compter les jours alors que lui est mort aussi et s'est débarrassé de la vie, des remords, des regrets, de la peur et de tout ».
Hémorragie interne
Le rapport du médecin légiste nous informe que la blessure de l'imam était toute petite. Une entaille en forme de trou de rien du tout.
La victime n'aurait pas saigné ou alors très peu comme à la suite d'une éraflure. Pourtant, il n'a pas survécu à cette petite ouverture sur son flanc droit. À quoi était due la mort ? Une hémorragie interne qui a emporté le bonhomme le temps de l'agression.
Selon Ahmed, celui qui arpente toujours le long couloir de la mort, « quand le type a sorti l'argent, Hafid lui disait de compter l'argent. Et c'est là qu'il appuyait de son couteau sur le rein du bonhomme. Il était tellement drogué qu'il ne s'est pas rendu compte qu'il avait perforé le côté de la victime.
Il a continué à lui donner des petits coups jusqu'à la fin. C'est pour cela que je dis que moi je ne savais pas qu'il allait mourir l'imam. Autrement, j'aurai fait quelque chose. Je ne sais pas quoi, mais j'aurai fait quelque chose. » Hafid était dans le cirage, c'est une certitude.
Il y a ses aveux et ceux de son ami qui attestent qu'il ne savait plus ce qu'il faisait. C'est ce qui explique que quand il appuyait de sa lame sur le flanc de l'imam, il ne se rendait pas compte qu'il avait fait un trou dans la peau du bonhomme et il a continué à le menacer en donnant des coups qu'il prenait, peut-être légers, mais qui ne faisaient qu'endommager le rein de la victime. Bref, au bout des quelques minutes de l'agression, l'imam a eu le temps de se sentir se vider de son sang à l'intérieur. Pour le frère de l'homme de Dieu, c'est là encore un autre signe : «Pas une goutte de sang, c'est miraculeux. Il est mort sans déverser une goutte, je trouve cela incroyable, pourtant c'est la stricte vérité. À l'hôpital, les médecins nous ont dit qu'il n'y avait rien à faire, l'hémorragie était grande, et le temps est passé. Je peux aujourd'hui vous dire que ces deux types étaient les premiers surpris de le savoir mort. Je ne parle pas pour les deux, mais Ahmed m'a dit le jour du procès qu'il regrettait et que c'était la première fois qu'il est sorti avec Hafid et là il va en prendre pour la vie. Et je le crois. C'est l'autre qui était bizarre, d'ailleurs. Il est mort la même semaine et c'est là encore un autre signe».
Le deuxième voleur meurt...
«Je ne sais pas ce qui s'était passé, mais c'est une histoire bizarre, c'est moi qui te le dis. Hafid était comme moi sain de santé et pourtant, comme ça, d'un coup, il meurt. Je ne sais pas quoi penser de tout cela, mais j'ai eu la peur de ma vie ce jour-là, plus peur de cela que du verdict que je savais très dur.
Je m'attendais à tout, je me suis même fait à l'idée que moi aussi j'allais y passer. C'est tout de même incroyable que celui qui a volé et tué soit mort la même semaine. Moi, depuis ce jour, je ne sais pas quoi penser, mais je me dis que c'est la volonté de Dieu ». Et le frère de la victime Brahim de revenir sur la sacralité d'une telle mort inopinée. «Comment expliquer que ce type soit frappé par la mort ? C'est Dieu qui l'a puni séance tenante. La justice de Dieu avant celle des hommes.
Il a voulu que ce type soit un exemple et il l'a démontré par les faits. C'est aussi simple que cela pour moi. Même si beaucoup m'ont dit que l'heure de ce voleur avait sonné, moi je dis que c'est un signe de Dieu».
Pour les autres détenus, c'est aussi un signe, mais si c'était un pur hasard ? « Oui, dit Ahmed, mais depuis ce jour, même si j'avais la possibilité de sortir, dehors, encore pour une deuxième chance, je ne serais jamais voleur. Je ne sais pas comment le dire, mais quelque chose de profond en moi a changé à vie ».
Arrêt cardiaque ? La peur du verdict ? le choc ? On ne saura jamais ce qui s'est passé, sauf que Hafid a rendu l'âme quelques jours après son forfait. Il a tué et il est mort. On peut la tourner dans tous les sens cette réalité, il n'en reste pas moins que c'est curieux. L'avait-il sentie venir, la mort à deux pattes ? Hafid n'a pas eu le temps de nous le dire.
Pour Brahim le frère du défunt, «mon frère savait que la justice de Dieu était plus forte, c'est pour cela qu'il s'est laissé faire sans résistance».
Pour Ahmed, les choses auraient pu tourner autrement sans la drogue. Et pour Hafid, la fin a frappé sans sommation, du moins en apparence. L'imam venait d'avoir un enfant, nous dit-on qui porte aujourd'hui son prénom. Il est certes parti à la fleur de l'âge, mais il y a ce qu'on appelle le destin.
Et pour Ahmed et son long couloir de la mort, les signes avant-coureurs de la mort sont nombreux. «Moi, je la vois partout et j'ai peur. J'ai aussi beaucoup de regrets et je ne peux pas effacer tout ce que j'ai fait, mais je demande pardon à la famille de cet homme pieux. Il était imam, il prêchait et moi j'étais un voleur. Il n'y a rien à comparer entre nous. Lui est dans la tombe, peut-être qu'il est au paradis, moi, je suis en enfer et pour longtemps jusqu'à ce que Dieu décide de me prendre».


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